Ce ne sont pas les influences qui comptent, c'est le choix de ses influences qui est important.
Point de Vue Victoire — 16 mars 2081
J'étais totalement confuse. Ma tête tournait, me faisant voir mille chandelles. Ma mémoire qui m'avait fui, voilà un an, m'était revenue grâce à un visage : celui de ma meilleure amie. Enfin, c'était le sien, non seulement parce qu'elle était morte, désormais –par ma faute, soit dit en passant– mais aussi parce qu'elle m'avait trahie. Elle travaillait pour celui qui nous traquait et qui nous tuait un à un, nous les résistants. Celui-là même qui m'avait enfermée dans une cellule sans barreau, ne contenant, en tout est pour tout, que moi au milieu de cette pièce blanche, légèrement bleutée.
Même si elle m'avait demandé pardon, je ne pensais pas pouvoir lui pardonner d'avoir pactisé avec le diable. Oui, je pesais mes mots. Je ne savais pas ce que ce fumier comptait faire, mais rien que le fait de m'avoir forcé à tuer Lolita en disait long sur sa personne. Je ne l'avais jamais vu, mais je ne tenais absolument pas à ce que cela arrive. Si j'en avais la possibilité, j'aurais préféré ne jamais le voir, il pourrait encore hanter mes cauchemars. Comme si je n'en avais pas déjà assez eu. Depuis que je m'étais réveillée de mon coma artificiel, mes nuits étaient peuplées de cris, de bruits de pas qui martelaient le sol à rythme effréné, et surtout des flashs d'une discussion.
— Nos têtes sont mises à prix.
— Merci du tuyau.
Cette voix me suivait partout : dans mes nuits et dans mes journées. Chaque fois que mon esprit divaguait, c'était sur cette phrase qu'il allait. J'en étais jusqu'au fantasme. Je tentai d'imaginer l'homme qui portait cette voix grave et terriblement irrésistible. Synonyme d'une protection sans faille et pourtant d'une certaine sensibilité. Je l'avais énervé, m'étais-je répétée, me rabrouant au passage. Mon esprit avait inventé cet être fictif qui était cette sorte d'hallucination auditive.
Bizarrement, cela ne m'avait pas conduit à la folie et m'avait même apaisée, quand, le soir, chez moi, dans mon lit minuscule, je me mettais à faire une crise d'angoisse. Cette voix, cette phrase, cette simple phrase, lancée amèrement et empreinte d'une colère sourde, me calmait. Peut-être était-ce le timbre, la hauteur, l'intensité, qui me faisait me sentir bien. Je m'imaginais que si je pensais à ce personnage, il existerait et il m'entendrait lui parler. J'avais dit que je n'avais pas succombé à la folie, certes, mais pour pallier la monotonie de la solitude, je parlais à cet ami imaginaire.
Il n'avait pas de nom, pas vraiment d'aspect, mais il avait cette voix et ça me suffisait. Maintenant, je savais que c'était celle d'Eydan. Et c'était dur de ne pas lui porter toute l'affection que j'avais pour cet ami. On pourrait me dire que c'était normal et que cela passerait, mais je n'avais pas envie que ça passe... Je m'étais dit que, depuis Paul, je n'aimerai plus personne, mais je me souvenais de ce qui s'était passé entre Eydan et moi. Cette complicité et cette amitié que nous avions partagées un court instant.
Quand il m'avait bordée alors qu'il était blessé ou qu'il m'avait mise au défi de le faire manger... C'était gravé en moi et ces instants étaient irréels, hors du temps. Je ne savais pas si Eydan voudrait encore de mon amitié, mais j'étais prête à la lui offrir à nouveau s'il le voulait. Un sourire naquit sur mes lèvres et je fermai les yeux, savourant ces images. Doucement, d'autres moments y succédèrent. Ceux-là étaient beaucoup plus anciens, un peu flous. Je me souvenais de mon frère, Hugo.
Cet adorable chenapan de frère, prêt à faire les quatre cents coups avec moi, pourvu que les parents n'en sachent rien. Lui qui avait couvert nombre de mes fugues quand je ne me sentais pas bien et qui a tu le fait que je sorte avec Paul. Je ne savais pas s'il était toujours en vie. De même qu'Eydan. De tout mon cœur, je l'espérai. Mon esprit erra enfin sur le groupe de résistants. Eux, ils ne pouvaient pas être morts, ils étaient beaucoup trop malins pour ça, non pas que mon frère et mon ami ne le soient pas, mais eux, ils avaient l'instinct de survie qu'ils maîtrisaient à fond. Je les avais vus se battre.
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Victoire Ou Comment Survivre En Milieu Hostile.
Science FictionEn 2027, voilà maintenant cinquante ans, les gouvernements de tous les états se sont unifiés. Ils dirigent ensemble une sorte de parlement, qui a décidé, à l'unanimité, que le progrès était néfaste pour notre société, et qu'il fallait donc l'abolir...