Chapitre 9 (1/2)

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L'ennui suit l'ordre et précède la tempête.


Point de vue Xena — 24 décembre 2078

Blottie dans les bras puissants d'Adrien, sa chevelure brune, laissée libre sur ses épaules, et sa barbe fournie me chatouillant le visage, je regardai la neige tomber au dehors. On était samedi et on ne savait pas comment nous occuper pour la journée. Depuis la GEE – terme qui passait dans toutes les bouches pour désigner la grande extinction d'électricité, – on ne pouvait pas faire grand-chose.

On avait pourtant essayé toutes sortes de passe-temps depuis ce matin, mais tout avait perdu de sa valeur d'antan. Que ce soit les jeux de société desquels on se lassait vite ou bien les activités manuelles qui finissaient toujours dans la poubelle, par frustration ou par énervement. On avait fini par adopter la fameuse « cuillère, » allongés dans le lit, moi contre lui, mon dos reposant sur son torse et ses bras me serrant un peu plus. C'était apaisant, on comptait encore quelques voitures qui se risquaient dehors, mais sans vraiment trop les entendre.

En effet, on savait tous désormais que la GEE avait affecté le territoire national, par conséquent, tout venait à manquer, dont l'essence. Ainsi, lorsqu'on sortait, on était beaucoup plus susceptible de se faire détrousser comme un malpropre. Les gens préféraient alors rester chez eux, même si cela ne les protégeait pas des cambriolages qui finissaient – pour la plupart – mal. On était toujours autorisés à sortir, mais c'était fortement déconseillé.

Les bruits de la nature semblaient reprendre leur place, même si nous étions dans un appartement en ville. Le bruit du vent qui commençait à souffler fort pour un mois de décembre se faisait désormais plus bruyant. Les gens parlaient bas, c'était étrange. Comme si exister revenait à déranger la nature.

Les gouvernements avaient commencé à tout éradiquer : les rares arbres que l'on avait en ville étaient des spécimens de laboratoire et aucun animal, même pas un pigeon, ne vivait dans l'enceinte de la ville. Ils pensaient que c'était plus sage, que cela empêcherait les mauvais traitements, que cela contenterait les organismes pour la protection animale et que ça limiterait les virus et bactéries qui avaient – et qui auraient sûrement – proliféré et tué des milliers, si ce n'est des millions, de personnes. Sur le territoire français, les bêtes sauvées étaient tolérées dans les portions de forêts, en Corrèze et Creuse notamment, laissées en jachère, mais grillagées pour les empêcher d'entrer dans la ville.

Par ailleurs, nous étions passés à une alimentation moins dépendante de la nature, mais plutôt issue de la biochimie. Les repas que nous mangions étaient synthétisés en laboratoire, puis en usine, pour ressembler aux plats que nous mangions autrefois. Malgré la cessation des avancées technologiques, le gouvernement avait mis les bouchées doubles – sans mauvais jeu de mots - là-dessus pour pouvoir donc manger avec des apports nutritionnels sains sans pour autant faire disparaître ce qu'il restait du passé. Cependant, nous n'avions pas plus le droit de nous rendre dans les espaces en jachère pour chasser du gibier. Quiconque le faisait, finissait en prison.

D'un côté, c'était bien de vouloir préserver quelques espèces, mais en même temps, enfermer les bêtes dans quelques hectares de terre n'était pas une bonne chose non plus. Si une maladie se propageait, toutes les espèces pouvaient mourir en même temps. Les champs aussi avaient été laissés à l'abandon, la nature avait repris ses droits dessus, mais ne croyez pas une seule seconde que le gouvernement n'en profitait pas ! Ils construisaient des habitations dessus, grignotant petit à petit le reste des végétaux qui survivait tant bien que mal.

Encore une loi qui avait été votée à l'unanimité on-ne-sait-comment et qui avait été mise en vigueur quasi instantanément. Si encore quelqu'un osait me dire que l'on ne vivait pas dans un régime autoritaire, rempli de propagande, je lui prouverai par « a + b » que j'ai raison ! Et puis d'abord, ce Dpékan qui proclamait tous ces nouveaux décrets, d'où il sortait ? On ne le connaissait ni d'Ève, ni d'Adam ! On connaissait brièvement son fils, qui avait été premier ministre sous Oadkageaou. Il avait d'ailleurs totalement disparu depuis. Sinon, qu'est-ce qu'on en savait de ce nouveau grand dirigeant ? Pas grand-chose...

Victoire Ou Comment Survivre En Milieu Hostile.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant