Chapitre 24 (2/2)

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Joachim - Lettre du 07 janvier 2080

Salut Violet,

Je comprends tes craintes et pour être tout à fait honnête, je les ai eues aussi. Je suis rassuré que tu n'aies pas pris peur de ma réponse et je suis content que tu veuilles toujours parler avec moi. Je t'avouerai que je suis aussi enthousiaste à l'idée de recevoir tes lettres qui, je l'espère seront plus régulières, même si la situation dans laquelle nous sommes est loin d'être facile. Je n'ai toujours pas trouvé comment nos lettres trouvent leurs destinataires, mais je continue de chercher, ne t'en fais pas. J'ai la même envie de te rencontrer que toi, même s'il faut laisser le temps au temps et être patients. Un jour, le ciel s'éclaircira et nous pourrons être amis hors de cette correspondance. En ce qui concerne mon état du moment, je ne sais trop comment y venir, car c'est douloureux et surtout, c'est assez délicat.

Voilà, j'ai perdu une amie, il y a plus d'un an et je commence tout juste à faire mon deuil. On a jamais pu retrouver son corps, donc j'ai longtemps cru qu'elle s'était enfuie, au contraire du reste de ses proches qui étaient convaincus de sa mort dès le début. Je pensais qu'elle avait survécu, qu'elle avait été plus intelligente que ça, mais il faut que je me rende à l'évidence, je la surestime, si elle vivait toujours, elle serait déjà revenue, par n'importe quel moyen.

Ce qui me rend encore plus triste, c'est que je n'ai jamais pu lui dire que c'était une amie précieuse dans ce monde de fous et je le regrette aujourd'hui. Tout le monde autour est en décalage, ils ont tous à peu près fait leur deuil et ne comprennent pas que je suis triste à ce point, mais ils sont passés par là, non ? Ils devraient savoir dans quel état je suis ! Alors que là non, on me rabâche qu'il faut que j'arrête, que ça va passer, que c'est la vie, qu'il faut faire avec... c'est dur.

Je pense que, toi, tu peux comprendre ça, non ? Je ne sais pas si tu as déjà eu un deuil à faire, même si je sais que 80% des survivants de la GEE ont perdu nombre de leurs proches, mais c'est horrible et je ne te le souhaite pas. Mais, bref, j'ai oublié de te souhaiter une bonne année, ou du moins, une moins pire que les années précédentes, car j'ai l'impression que ça ne va pas aller en s'arrangeant, malheureusement.

Tu as vu ce que ce monstre qui gouverne compte faire ? Ça me dégoûte tous ces travaux pour montrer qu'il a de l'argent et du pouvoir au lieu d'aider les pauvres gens qui se cassent la tête à ramener quatre sous après une journée de travail inhumaine. J'espère qu'il a honte, même s'il ne l'aura malheureusement jamais, telle l'ordure qu'il est...

Je m'emporte, pardonne-moi, sur ce, j'attends ta lettre,

Joachim.

Point de Vue Violet — 2 février 2080

Je marchais à nouveau normalement, ma diction, elle aussi, revenait à la normale. Je ne bégayais plus. Daniel m'avait dit que c'était juste à cause d'un choc post-traumatique et qu'il était désormais révolu. Il était même impressionné que j'avais aussi vite appris le français, ainsi que perdre mon accent. J'aimais bien sa compagnie à cet ami docteur en herbe. Il restait très doux avec moi. Je ne dirais pas que j'éprouvais des sentiments amoureux pour lui, mais nous avions une amitié très complice et nous plaisantions fréquemment.

Il parlait de plus en plus souvent du « après.» Je l'avais appelé comme ça, parce que ce moment se déroulerait après ma sortie de l'hôpital. Cela m'attristait parce que je ne voulais pas partir. Je prétextai des douleurs dans mes jambes, mais il savait que je mentais. Il faudrait bientôt que je trouve un logement et une nouvelle identité. Je ne viendrai que pour mes séances de psy journalières.

De nouvelles voix s'étaient ajoutées et des images arrivaient par bribes, mais pas de quoi reformer des scènes entières. Je savais que ça allait venir dans quelque temps. Je le sentais. Ayant reçu une nouvelle lettre de Joachim, mon cœur battait la chamade. Je n'arrêtais pas de penser que mon état s'améliorait grâce à lui. Je faisais des efforts pour me remettre de mon accident, afin d'avoir la chance de le voir, un jour.

Victoire Ou Comment Survivre En Milieu Hostile.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant