Chapitre 22 (2/2)

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L'effronterie face à un danger n'est pas de la bravoure, mais bien de la stupidité.


Point de Vue Daniel — 10 février 2078

Je courus dans la nuit. Je trébuchai sur de nombreuses racines ou autres végétaux qui peuplaient le chemin. Les arbres avaient repris leurs cartiers depuis toutes ses années sans le passage de l'Homme sur ses terres. J'entendis leurs voix derrière moi. Ils me traquaient. Ils étaient armés également, le bruit du métal faisait résonance dans le silence glacial qui planait. En d'autres temps, la forêt se serait éveillée à la tombée du soir, tout du moins, pour les noctambules. Or, nous étions encore en hiver, même si la nature s'éveillait lentement. Beaucoup d'animaux hibernaient, donc seul le craquement de mes pas sur le sol troublait la torpeur de ce lieu.

À un moment, je les entendis se diviser, certainement pour me coincer, mais tant que j'allais plus vite, j'étais sauf. J'étais leur proie après tout. Je ne savais pas si Dpékan me voulait mort ou vivant. Je ne savais pas si je lui étais encore utile après ce que j'avais fait, mais il fallait que je le fasse. Au moins, pour tenter de faire prendre conscience au caelis et aquas qu'il n'est pas qu'un dirigeant à idolâtrer. Il avait aussi été un meurtrier. Pourtant, troubler l'ordre ainsi, cela ne me ressemblait pas. Je n'avais pas cette habitude-là. Je ne faisais généralement pas beaucoup de vague et n'avais donc pas de raisons d'attirer le courroux de quiconque. J'étais calme, adaptable, médiateur et patient.

Aujourd'hui, cependant, j'étais sorti de l'ombre, tapant du poing sur la table. Pourquoi l'avais-je fait maintenant ? Premièrement, parce que je n'avais plus rien à perdre. Je n'étais plus qu'un aqua qui était tombé amoureux de sa caeli. Elle m'avait rejeté et m'avait brisé le cœur. Je lui avais dit que ça ne changerait rien qu'elle ne partageait mes sentiments, mais quand je l'avais vu embrasser l'autre Schtroumpf, mon sang n'avait fait qu'un tour, j'avais su alors que, si, cela changerait à jamais notre relation. En plus, j'étais allé trop loin dans la bataille, j'avais vu un résistant avec qui je conversais parfois et je lui avais dit où était Victor, pourtant, je ne voulais pas qu'il le tue.

Ou peut-être que j'en avais envie, sans vraiment trop l'avouer. Quand j'avais vu Lolita aussi désemparée, ce fut là que j'avais réalisé que mon geste était horrible. J'avais préféré m'éloigner d'elle pour éviter de la croiser encore avec ce regard perdu et son amour piétiné. Mon laïus avait été un plaidoyer pour une sorte de suicide. Je voulais vivre, certes, mais plus en voyant les conséquences de mes actes sur la personne que j'aimais le plus.

Alors j'avais parlé bien dans les yeux, au fauteur de troubles, et j'avais balancé, une à une, mes preuves sur la table au nez et à la barbe de tous, sans remords. Maintenant, j'étais en cavale, fugitif.

Il fallait que je trouve un abri. Que je me cache pour les éviter, eux. J'étais fort, rapide et endurant. Je pouvais les semer. Je devais le faire. Pour rester libre et vivant. Alors que je courais, mille nouvelles pensées me venaient. Et s'il s'en prenait à Lolita ? Il savait que j'étais proche d'elle. Je n'aurais jamais dû le provoquer, mais présentement, c'était fait. Désormais, j'étais l'ennemi public numéro un et elle était en danger. Quelle idée j'avais eu aussi de servir mon discours, celui-là même qui avait tant choqué Lolita au point de la laisser muette pendant de longues heures, devant le self au complet ? Elle avait regagné sa chambre sans un mot, elle avait besoin de temps pour accuser le coup, j'imagine.

Je ne savais pas si, aujourd'hui, elle me détestait ou si elle était reconnaissante de lui avoir ouvert les yeux. Ou si elle était morte par ma faute. Je m'en mordais les doigts maintenant, mais ce qui était fait, était malheureusement fait. J'avais lu dans ses magnifiques yeux que je l'avais déçue. Et peut-être avais-je eu raison d'y voir de l'inquiétude et de la tristesse ? J'allais être une énième personne sur la liste de ses morts. Comme si elle n'en avait pas eu assez... Je repensai à Paul. Il n'aurait jamais été fier d'un frère comme moi.

Victoire Ou Comment Survivre En Milieu Hostile.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant