Chapitre 1 (1/2)

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Souvent, ceux qui sont au pouvoir se croient invulnérables.


Point de vue Victoire - 22 juin 2077

Ma mère était venue me récupérer chez Paul quand elle avait su où j'étais. Je lui en étais reconnaissante : je ne voulais pas me faire à nouveau conduire par le père de mon copain. Lorsque je dis au revoir à ce dernier, je restai glaciale malgré ses excuses : je lui en voulais de ne rien me dire et surtout de partir comme ça. Je me doutais qu'il en avait parlé autour de lui, notamment avec les profs, mais il ne s'était même pas soucié de savoir comment je pourrais le prendre. Vous pensez que j'exagérais ? Peut-être un peu, c'est vrai que je prenais très souvent, pour ne pas dire tout le temps, les choses à coeur, alors vous parlez d'une relation amoureuse... Je ne pouvais m'empêcher d'être fâchée, frustrée et un peu triste. Ne me faisait-il pas confiance ? J'étais songeuse et je ne parlai pas sur le trajet. De toute manière, je ne pus en placer une, ma génitrice ne cessa de me réprimander sur l'inconscience dont j'avais fait preuve.

Déjà, je ne les avais pas informés de l'endroit où j'étais, et ils s'étaient faits mille soucis, ensuite, j'étais partie avec un inconnu, ce dont je doutais, car mes parents travaillaient tous deux à la mairie et que M Mylost était justement le maire, et enfin, je ne respectais pas les règles. Les fameuses règles. Mes parents étaient, j'imagine, très vieux jeu, car ils refusaient que j'aie des contacts sociaux en dehors de l'école, qui plus est avec un garçon. Alors, parlez-leur que je suis en couple depuis deux mois, et je meurs étranglée. Lorsque nous rentrâmes, je subis un second sermon de la part de mon père, avant de monter dans ma chambre, punie. Ronchon, je m'allongeai dans mon lit et fermai les yeux, comme s'il n'y en avait pas assez des règles dans ce monde. Mon regard se posa sur un carnet qui trônait sur mon bureau, gris, sans fioriture. «Que contenait-il ?» me demanderiez-vous, eh bien c'est simple, c'étaient toutes les consignes qui dirigaient ma vie. La première partie étant les règles de la maison et la seconde... Toute les lois instaurées par le gouvernement depuis l'Unification. Pourquoi un carnet ? Il fallait bien les lister non ? À force, elles s'amoncelaient ! Et tous les premiers lundi du mois, une nouvelle venait s'y ajouter.

Ah ? Je ne vous ai pas parlé de l'Unification ? C'était il y a cinquante ans, je n'étais même pas née, les gouvernements de tous les états s'étaient unifiés. Ils avaient pensé que ce serait une meilleure manière de gérer la population que d'être alliés sans qu'il y ait des conflits entre les pays. Si vous voulez mon avis, ils devaient être tous de la même famille, ou se faire un repas toutes les semaines. On est humains et les humains ne s'entendent pas tous, ou, du moins, s'ils n'ont pas un intérêt commun. Ils dirigeaient ensemble une sorte de parlement, qui avait décidé, à l'unanimité, que le progrès était néfaste pour notre société et qu'il fallait donc l'abolir. Ils avaient vu à quel point les humains se déchiraient pour une technologie et avaient vu les effets déplorables sur notre planète. La seule mesure avaient été de tout arrêter.

Bien sûr, tout le monde avait commencé à pousser son coup de gueule, notamment les patrons des grosses start-up en développement. La population était descendue dans la rue, comme toutes les fois où elle était contre les lois, mais on musela les plus vigoureux et fit peur au petit peuple pour qu'il se taise. Ah oui, vous pouviez clairement dire qu'on vivait dans une dictature, si tant était qu'une dictature se dirigeait à plusieurs. Or, je pensais fermement que tout ça n'était que de la mascarade, ils véhiculaient une image de groupe, certainement pour paraître bienveillants et forts. Cependant, j'étais sûre que tout ce cirque n'était régi que par un seul individu, homme ou femme, peu importait. Je n'étais vraiment pas loin de la vérité, mais je ne le saurai que bien plus tard.

En ce moment, après avoir regardé, ou du moins, que mon regard perdu se soit bloqué sur ce carnet, je m'ennuyai ferme. Je me levai et commençai à tourner en rond. Puis, je m'intéressai à mon sac de cours, posé négligemment sur ma chaise de bureau. Je sortis mon PC portable. Oui, c'était la seule technologie que le gouvernement acceptait dans les écoles. L'écriture manuelle était, certes, encore enseignée dans certaines écoles, dont la mienne, jusqu'au collège, mais passé cette date, chaque élève obtenait un ordinateur portable pour ses cours avec les livres numériques dessus, comme ça, plus d'oubli ! Ça avait été une véritable aubaine pour la seule société numérique du pays : Nums. C'était une toute petite entreprise au début de l'Unification, qui avait signé un contrat avec le conglomérat. Seulement, elle n'agissait qu'en France, les autres pays, on ne savait pas. On ne savait rien des autres, enfin, si, ce qu'on nous disait. Était-ce vrai ? On se doutait tous que c'était de la propagande. Comment faire face alors qu'on avait toujours vécu comme ça ?

Victoire Ou Comment Survivre En Milieu Hostile.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant