L'ennui suit l'ordre et précède la tempête.
Point de Vue Océanne — 25 décembre.
En deux mois, la face du monde avait changé, même si cela faisait des années que le monde n'était plus prospère comme des siècles auparavant. La violence faisait rage autour de moi, les combats de rue pour un pâté ou trois gâteaux étaient devenus courants. Cela faisait deux mois que j'avais fugué du lycée en plein cours. Deux jours à manger de rien, dormir n'importe où, dans le froid de cette fin de décembre qui ne cessait d'empirer. Quand le proviseur avait fait son annonce en plein cours, bon nombre de mes camarades étaient surpris, se demandant ce qui allait se passer. D'ailleurs, comme pour confirmer les dires du proviseur, le vidéoprojecteur au-dessus de nos têtes s'éteignit brutalement.
Je savais que son message était ce que le gouvernement lui avait transmis. Pouvait-on faire confiance ? Et s'il disait faux ? Si cela avait été orchestré pour nous faire peur et que le reste du monde vivait normalement ? Déjà que les frontières avaient été fermées en 2043 pour contenir la population et mieux la diriger. Même si on savait que c'était seulement pour commencer à limiter nos libertés.
Cela avait déchiré des familles entières et nous avait laissé sans information du monde extérieur, outre les communiqués officiels et contrôlés, il était possible qu'on nous mente encore. Si c'était le cas, il restait une chance de s'en sortir, si l'on arrivait à partir dans les pays frontaliers. C'était d'ailleurs ce que j'avais eu l'intention de faire !
Lors de la coupure d'électricité, la professeure de français, madame Vaudas, poursuivit son cours à peu près normalement, malgré le manque de projection. Je m'étais insurgée. Comment pouvait-on faire cours dans ces conditions ? Étais-je la seule à m'inquiéter pour ma famille ou tout le monde avait peur de se lever et de s'enfuir ? J'en avais une terrible envie. J'attendis que la prof prête son attention sur un élève et je rangeai précipitamment mes affaires.
Je ne me retournai pas, malgré les rappels, je ne voulais pas rester alors que l'on allait potentiellement être privés d'électricité pour une durée indéterminée. J'étais partie comme ça, à pied, sans même lancer un regard derrière moi. J'avais un peu peur, mais je savais que, chez moi, je serais en sécurité le temps de réunir quelques affaires. Je marchai comme ça, un bon quart d'heure, changeant de chemin dès que l'envie me prenait pour fausser compagnie à ceux qui auraient l'idée de me suivre. Lorsque je frappai à la porte de chez moi, car mes pas me guidèrent là, personne ne vint m'ouvrir. J'appelai ma mère, mais elle ne répondit pas, ni elle, ni mes frères.
Je pris mes clefs et ouvris. C'était silencieux. Plus rien n'était allumé, ni le frigo, ni le four, ni même les ordinateurs ou la télé. C'était limite oppressant. J'avais un peu l'impression d'être seule au monde, alors que j'avais croisé des gens sur mon chemin. Je supposai qu'une bonne partie des habitants avaient entendu les infos par la radio ou par les interphones des mairies qu'il y avait pour prévenir les habitants des catastrophes naturelles. Ils étaient donc soit restés chez eux, soit travaillaient encore. Ce que devait faire ma mère. J'allais dans ma chambre. Je pris le premier sac un peu grand qui me tomba sous la main et je commençai à mettre compulsivement des affaires avant de m'arrêter un instant.
Cette fuite était-elle réfléchie ? Je secouai la tête, bien sûr qu'elle l'était ! Je devais trouver un endroit où je pouvais me reposer et prendre soin de moi en attendant la reprise de l'électricité. Je savais dans mon intime conscience que ça finirait par reprendre. J'avais claqué la porte avant d'avoir refermé à clef. J'avais laissé un mot, mais sans donner d'instruction. Je ne voulais pas qu'on me retrouve. J'étais décidée, je partirai en Suisse par tous les moyens. Je ne voulais pas risquer des dangers potentiels pour ma famille, je partirai en éclaireuse. Comme ça, je pourrais établir un endroit pour qu'ils me rejoignent ! J'avais marché jusqu'au soir et je m'étais trouvée un petit endroit, un peu cosy. Quelle ne fut pas ma colère quand, au réveil, je vis qu'on m'avait volé mes affaires !
VOUS LISEZ
Victoire Ou Comment Survivre En Milieu Hostile.
Science FictionEn 2027, voilà maintenant cinquante ans, les gouvernements de tous les états se sont unifiés. Ils dirigent ensemble une sorte de parlement, qui a décidé, à l'unanimité, que le progrès était néfaste pour notre société, et qu'il fallait donc l'abolir...