Chapitre 27 (2/2)

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Vous saurez qui l'on est quand son pouvoir sera sans limite. C'est le moment où les masques tombent.


Point de Vue Lolita — 15 mars 2081

Je m'attendais à être désintégrée pour haute trahison. Au lieu de ça, les gardes m'ont traînée hors de la morgue pour me conduire vers les cellules. Là où séjournaient de rares prisonniers qu'on enfermait dans des sortes de cages carrées en béton au sol et de barre de fer autour. Trop étroite pour pouvoir s'asseoir et trop basse pour rester debout, les barreaux non plus ne permettaient pas de pouvoir passer les jambes, ce qui nous demandait de rester dans une position inconfortable, le dos et les genoux légèrement fléchis.

Bien entendu, je ne pus dormir cette nuit du quatorze mars. J'avais pu, à mon aise, réfléchir sur les évènements qui s'étaient passés. J'avais appris la mort de ma sœur et de ma mère. Bien que j'en étais quasiment certaine, une partie de moi avait refusé l'évidence et avait un espoir de les revoir vivantes et en bonne santé. Comme si Dpékan et son gouvernement n'avaient jamais existé. Quand je regardais l'évolution qui avait été la mienne depuis ces quatre ans, je me demandais ce que je serais devenue sans tout ça. Je serais certainement partie de Turgot pour un lycée qui aurait pu m'offrir un diplôme d'esthétique.

J'avais toujours rêvé d'être esthéticienne et je n'ai jamais pu réaliser ce souhait. Au contraire, j'avais été une collabo, puis une traîtresse de ce même gouvernement, qui m'avait accueillie à bras ouverts. Pour me manipuler, certes, mais qui avait rendu ma vie simple et m'avait fait mûrir. J'étais passée de la simple adolescente à femme de caractère. Ce qui me valait, aujourd'hui, une mise à mort, j'en étais certaine. Restait à savoir comment. Dpékan était sadique concernant ses ennemis. Qu'en serait-il de sa protégée ? Plus j'y repensais, plus il me dégoûtait, et plus je me haïssais.

Or, le passé était passé comme on dit, rien ne servait de radoter. En tout cas, ce qui me serrait le cœur, c'était le fait que je ne pourrais pas voir ma famille une dernière fois, pour m'excuser et pour leur avouer à quel point je les aimais tous les trois. L'incinération et la crémation n'existaient plus aux dépens des religions qui elles-mêmes avaient été bannies. En revanche, il existait une petite cérémonie d'une paire de minutes où l'on faisait un rapide discours impersonnel avant de désintégrer le cercueil dans lequel se trouvait le défunt.

Je trouvais ça inhumain, mais si j'avais pu avoir ça, j'aurais été heureuse. Au moins, j'aurais pu correctement leur dire adieu. Malheureusement, les Soapshop étaient morts et mourraient seuls dans le silence funèbre qui les accompagneraient. Puis, je repensais aux autres familles que j'avais décimées par ma dénonciation. Je me mordis les doigts, j'avais été un vrai monstre. J'avais suivi ce dictateur, aveuglément et bêtement. Les larmes vinrent.

Je n'avais fait que des mauvais choix.Finalement, le monde tournera mieux sans moi. Je comprenais mieux, maintenant, au seuil de la mort, pourquoi les résistants avaient autant de ressentiments pour moi. La plupart avaient dû subir mon « travail. » Une boule se forma dans ma gorge. Ç'avait dû les remplir de haine de me voir débarquer, la bouche en cœur en leur proposant mon aide. J'étais sincère, mais comment faire confiance à une meurtrière ?

Ils avaient raison. J'aurais donné n'importe quoi pour que le jour de la GEE, je me fis porter malade, j'aurais fui certainement avec les autres résistants et j'aurais été une meilleure personne. Hélas. Je me redressai autant que possible et tentai désespérément de m'étirer pour éviter d'avoir des crampes et des courbatures. Peine perdue, j'avais mal partout et j'avais hâte qu'on en finisse. C'est bien malheureux de vouloir en finir avec sa vie, mais quand le monde devient hostile, il n'y fait pas bon vivre. Rien ne me retient ici et cette torture n'est plus supportable.

Victoire Ou Comment Survivre En Milieu Hostile.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant