Chapitre 37 (2/2)

3 0 0
                                    


La folie est souvent la logique d'un esprit juste que l'on opprime.

Point de vue Hugo — 6 mai 2081

J'étais assis au milieu de champ de mûres, j'avais fini par croire que j'étais dans un véritable garde-manger. Ce qui me faisait étrange était le fait que je ne puisse pas les manger. J'avais tenté à plusieurs reprises d'approcher ma main vers les fruits bien mûrs, mais ils disparaissaient avant même que je ne puisse les toucher. Je savais que c'était de la poudre aux yeux et que tout ce que je voyais n'était que – sans mauvais jeu de mots – le fruit d'une simulation, mais j'avais quand même espoir qu'un jour cela s'arrête. Non pour la faim qui ne me tiraillait jamais, mais pour ma liberté. Dpékan avait fini par comprendre qu'elle était notre force. En nous séparant, il gardait bien l'ascendant sur nous. En effet, à plusieurs, nous étions plus fort et la chance de s'échapper était plus forte.

Néanmoins, je ne désespérais pas encore de trouver un moyen de revoir la lumière du jour. Je savais que tôt ou tard, quelque chose se présenterait à moi comme une révélation et je me traiterai d'idiot de ne pas y avoir pensé plus tôt. Je soupirai. Il fallait dire que je m'ennuyais et que je me sentais seul. Je ne savais pas vraiment depuis combien de temps j'étais là, mais en me basant sur mon propre ressenti, cela devait faire quand même plus d'un mois qu'on m'avait enfermé.

Il avait suffi d'une simple erreur, un minime oubli dans nos calculs pour perdre l'avantage. Nous avions calculé de libérer ma sœur et de trouver l'arme de Dpékan dans la foulée, même si nous étions partis pour la deuxième chose en priorité. À dire vrai, j'avais été complètement choqué de savoir que Victoire était vivante. J'avais réussi à faire enfin mon deuil et la voilà qu'elle reparaissait du jour au lendemain sans nous prévenir. J'avais eu assez mal, il fallait l'avouer, mais l'adrénaline me poussait vers elle, inexorablement. À aucun moment, je ne m'étais imaginé un plan de la part de Dpékan ou une fausse bonne nouvelle. Mon but était de retrouver ma sœur. J'avais été sot, on aurait dû mieux préparer notre plan, mais la peur de la perdre sous les mains de ce fumier me faisait bondir.

Après l'annonce de Malo, nous avions rassemblé nos armes, nos cartes, et tout ce qui pouvait nous servir pour l'assaut. On batailla longtemps avec la mère et la grand-mère d'Eydan pour partir au combat. Elles s'opposaient fortement que l'on se lance dans un projet aussi fou, surtout que cela faisait plus de trois ans que l'on se cachait de ce monstre. Il fallait que ce soit une fille qui nous fasse sortir de l'ombre. Nous avions parlementé un moment pour les convaincre que c'était la chose à faire et qu'il fallait qu'on trouve ce qui rendait ce tyran plus fort pour le faire tomber plus vite. Eydan finit par les raisonner en disant qu'il savait ce qu'il faisait et qu'il avait appris la leçon grâce aux erreurs du passé. On savait qu'il sous-entendait ces actions dans la résistance ante-GEE.

Je le jalousais un peu, il était vrai, malgré ce qu'il avait pu vivre. Au moins, il avait eu une famille qui l'aimait et il avait pu se battre pour ses idées. Peut-être était-ce par manque de courage que je ne l'avais pas imité, pourtant, j'en mourrais d'envie, à l'époque. Maintenant que je m'étais battu, et que je me battais encore, j'avais perdu cet engouement. À force, cette bataille constante usait. Certes, en parlant ainsi, je m'assurai d'être pris pour un vieillard, mais j'estimais avoir trop vu sur ce monde pour mon âge. À l'aube de mes seize ans, je ne pensais pas que voir tous ces morts, toute cette bestialité humaine, toutes ces horreurs étaient de mon âge, ou du moins, avant tout ce m*rdier.

Désormais, c'était devenu une norme pour tous les petits citoyens de France. Chacun pouvait allègrement voir sur les écrans géants holographiques, ou directement chez eux, les exécutions des civils qui avaient pu se rebeller ou qui avait commis une infraction aux yeux de ce c*nnard. Pas un jour ne passait sans qu'il ait réduit la population française. Évidemment, on pensait tous, nous les résistants, que nous n'étions pas nombreux, à cause de la GEE, or, les chiffres communiqués, vous vous en doutiez, étaient faux. Plus de la moitié des Français avaient fui vers les pays frontaliers, beaucoup avaient bravé les frontières. Elles n'étaient pas si fermées que ça, et, à la longue, les pays avaient baissé leur garde, se doutant que si nous avions été conditionnés à ne pas passer les frontières, nous ne le ferions pas des années plus tard.

Victoire Ou Comment Survivre En Milieu Hostile.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant