****Je me retrouve donc assise les jambes croisées, les épaules recroquevillées sur moi-même et me triturant les doigts dans le bureau de mon responsable. J'ai du mal à soutenir son regard. Je suis mal à l'aise. Que va-t-il me dire ?
La dernière fois, personne ne connaissait mon identité et il m'avait déjà écarté du projet principale pour ne rien faire enflammer. Mais là, clairement, la maison brûle. Ils ont découvert mon identité. Qu'est-ce que cela va-t-il engendrer sur ma vie hormis la fin de ma tranquillité et de mon anonymat ?L'ambiance de la pièce est pesante. Lui aussi semble mal à l'aise. Il fait mine de ranger quelques affaires éparpillées, comme un stylo non remis dans son pot à crayon ou bien quelques feuilles éparses sur son bureau. C'est comme s'il cherchait à classer et ranger ses propres idées avant notre discussion.
Je le regarde faire patiemment et minutieusement ne sachant pas quoi faire d'autre. Ce n'est sûrement pas moi qui vais entamer la discussion du genre : quelle journée étrange, aujourd'hui ! Vous avez vu tous ces journalistes au pied de l'immeuble ? Non, vraiment, ce n'est pas à moi de lancer la discussion.
Soudain, il se redresse, inspire et souffle longuement tout en me regardant. Ce qu'il va me dire ne lui plait clairement pas :
-Mademoiselle Gisèle, vous vous doutez certainement du but de notre entretien. Vous êtes intelligente, je le sais...
Oula, quand ça commence par un compliment, ce n'est jamais bon. Je me redresse également mais contrairement à lui, ce n'est pas pour me donner une certaine prestance mais c'est pour me préparer à entendre la suite, tendue et stressée.
-Vous vous doutez également que l'image de notre société prime sur tout autre chose et lorsqu'elle en est menacée, nous nous devons de la protéger au mieux. C'est pourquoi, nous ne pouvons passer sous silence tout ce qui a été écrit dans la presse à votre sujet. Nous nous devons de réagir comme toute grosse entreprise, aussi reconnue que la nôtre, qui plus est.Mon dieu, il a lu les articles lui aussi. En faite, tout le monde les a lu... C'est pour ça qu'on me regardait fixement depuis mon arrivée ! Je blêmis. Tout le monde semble me connaître et s'être fait une image de moi via ces articles. Et personne ne va essayer de chercher la vérité. La vraie...
-Certaines choses écrites ne peuvent nous laisser indifférent. Surtout lorsque nous apprenons que vous auriez postulé chez nous dans le seul but d'approcher les BTS et de devenir célèbre. Et bien, je dois dire que vous êtes bel et bien incroyable, tant dans le travail que dans le privée...
S'en est trop pour moi. Je peux encaisser bien des choses mais de là à me dire en face que je suis une profiteuse et une arriviste, non. Que mon employeur me dise ces choses... Je n'en crois pas mes yeux et surtout mes oreilles. Mais où sommes-nous ?-Je ne peux vous laisser continuer de parler. Comment pouvez-vous croire ces lignes diffamatoires et à des kilomètres de la vérité ? Vous avez eu le contrat avec les BTS bien après mon arrivée dans l'entreprise. Comment aurais-je pu le planifier à l'avance ?!
-Mademoiselle, votre comportement m'étonne. Vous qui êtes toujours calme et posée. Ce n'était qu'une façade, un leur. Vous me montrez là votre vrai visage.J'avais déjà du mal à sortir mon laïus sans bégayer mais là, je suis assomée par ce que j'entends. J'ai l'impression d'être dans un mauvais rêve. Ce ne peut être vrai. Je me pince l'avant-bras pour me réveiller. Mais j'ai mal. Et cette douleur se propage doucement mais sûrement jusqu'à dans mon coeur. Je n'espère qu'une chose : que ça se termine au plus vite. J'écoute son monologue.
Je ne fais même plus l'effort de le regarder mais admire plutôt la semelle de mes chaussures. Je ne veux plus le voir, ni même l'entendre. Il me répugne. Cette boite me répugne. À aucun moment, il n'aurait pris le parti de me défendre, ou que nous trouvions une solution ensemble. Non, c'était décidé d'avance à partir du moment où il a lu les premiers articles.