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Lundi matin, j'arrive au bureau sereinement, complètement reposée de mon week-end. Je me sens légère. Cette journée pourrait être parfaite si le soleil n'était pas gris aujourd'hui. Il est là mais il est comme caché par une épaisse brume étrange. Le vent souffle. Malgré ma longue parka, je sens le froid glacial s'engouffrer. J'enfonce un peu plus mon bonnet sur ma tête et me recroqueville dans mon épaisse écharpe.

Arrivée devant l'immeuble, je sens une boule d'angoisse se former au creux de mon ventre quand je crois reconnaître mon agresseur de vendredi soir parmi la foule agglutinée devant l'entreprise. Je n'aime pas ça... Qu'est-ce que c'est que c'est que cet amas de personne entassé les uns sur les autres ?

Trois hommes de la sécurité tentent de les empêcher tant bien que mal de rentrer au sein de l'immeuble. Une barrière infranchissable d'être humain se tient devant moi. La seule question me venant à l'esprit en ce moment même : Comment vais-je pouvoir rentrer à l'intérieur ? Ou aurais-je plutôt du faire demi-tour ?

À cet instant, le chef de la sécurité m'aperçoit et s'approche difficilement de moi :
-Mademoiselle Gisèle, suivez-moi je vais vous escorter !
À ces mots, je deviens livide. J'avais l'habitude chaque matin de papoter quelques minutes avec lui avant de monter dans mon bureau. C'est pourquoi il connaît mon prénom mais quel fut mon malheur quand après sa prise de parole, toutes les personnes, qui étaient en fait des journalistes, se tournèrent vers moi et m'assaillaient de question toutes plus intimes les unes que les autres :
-Vous êtes bien Gisèle, la femme en robe satinée rose de la soirée Big Hit ? Vous avez quel âge ? Depuis quand connaissez-vous aussi bien les BTS ? Vous sortez avec l'un d'eux ? Avec tous ? Comment sont-ils en privée ?

Je suis pétrifiée d'angoisse. Ils connaissent mon identité. Je suis foutue. J'ai l'impression que l'on m'arrache mes vêtements tellement les questions sont intrusives et me mettent à nu. Des larmes commencent à monter que je tente de dissimuler au mieux, je ne veux pas qu'ils aient de moi une photo aussi pathétique.

Deux bras costauds m'entourent les épaules m'aidant ainsi à m'échapper de la foule. Nous passons enfin le seuil de l'entrée:
-Excusez-moi Mademoiselle Gisèle, je ne pensais pas vous mettre dans une telle position en vous appelant. Vous allez bien ?
-Euh... Je.... Oui... Euh non... Je ne sais pas...
Puis je m'effondre en larme devant lui. Désarçonné, il me prend dans ses bras et me tapote le haut du crâne.
-Je vais vous conduire jusqu'à votre bureau. Ne vous inquiétez pas.
Comme promis, Il m'emmène à l'étage où se situe mon bureau jusqu'à me déposer sur mon siège.
-Voilà, reprenez-vous et calmez-vous ici. Il ne peut rien vous arriver maintenant. Je vais rejoindre mes collègues.
Il me laisse me laissant alors dans mes pensées et mes angoisses les plus sombres. Je mets quelques minutes à me reprendre. J'inspire et j'expire. Cela semble fonctionner. Je souffle enfin.

Quand d'un coup mon téléphone se met à vibrer m'indiquant la réception d'un message. Je n'y fais d'abord pas attention malgré le fait que les vibrations semblent faire trembler l'ensemble de mon bureau tant la personne est insistante. Je regarde mes collègues tout autour de moi. Ils se chuchotent des choses à l'oreille tout en me fixant. Ils semblent partager des informations dont je n'ai pas connaissance. Ai-je loupé quelque chose ?

Curieuse, je finis par prendre mon téléphone dans mes mains. Liu a essayé de m'appeler au moins vingt fois, si ce n'est plus... Qu'est-ce qu'elle a ? Lui serait-il arrivé quelque chose ?
Inquiète, je décide de la rappeler. Je me fais toute petite en chuchotant dans mon combiné. J'attire déjà assez les ragots comme ça pour qu'ils entendent en plus ma conversation privée.
-Allo Liu, ça va ? Pourquoi insistes-tu autant ?
-C'est plutôt à moi de te poser cette question là ! Est-ce que tout va bien ? Tu as vu les tabloïds ?
-Euh, pourquoi devrais-je les voir ?
-Raccroche et regarde tous les sms que je viens de t'envoyer. Mais sache que je suis là s'il y a besoin.
-Euh, ok... À plus tard...

Je raccroche. Dois-je vraiment ouvrir ses messages ? J'ai peur de ce que je vais y découvrir... Vu mon entrée fracassante de ce matin, ça ne m'inspire rien de bon...
J'inspire et j'expire une nouvelle fois puis me lance. Et là, je suis horrifiée par ce que je lis et vois. Des tonnes de photos de moi circulent sur le net avec des titres tous plus hallucinant les uns que les autres :
« La jeune femme de la soirée Big Hit s'appelle Gisèle. »
« Elle travaille dans cette entreprise dans le seul but de les approcher »
« Gisèle ou la profiteuse »
« Gisèle ou la croqueuse d'idoles »

Le pire était bien ce dernier titre. Une photo de moi et Jimin, puis avec V nous prenant dans les bras y trônait royalement. C'était le soir où je les ai rejoint au bar un vendredi après le travail. Je suis choquée de savoir que j'ai été suivie depuis tout ce temps. Il y a même une photo de moi déposant une écharpe autour du cou de Jin. Il y a même un cliché de moi déposant un homme dans un taxi. C'était un paparazzi qui m'épiait l'autre soir lorsque Eunwoo rentrait chez lui. Je suis outrée. J'ai l'impression d'avoir été violé dans ma vie privée, d'être un vieux torchon sale.

J'ai l'impression que l'on m'a volé tous mes beaux souvenirs maintenant qu'ils sont exposés aux yeux du public. J'ai envie d'éclater en sanglot. Je ne sais pas ce qui me retient après avoir vu toute ma vie sur internet. Peut-être le peu de dignité qu'il me reste pour garder mon professionnalisme le plus longtemps possible. Car malgré tout ce que raconte ces journaux. Je me suis toujours appliquée dans mon travail, non pas pour être avec les BTS, mais avant tout car ce domaine me plait et me passionne. Les BTS étaient simplement la cerise sur le gâteau.

Je suis extirpée de mes pensées et de mes lectures par une voix ferme et dure. Je redresse la tête et voix mon supérieur hiérarchique me fixant droit dans les yeux en me disant :
-Gisèle, nous devons discuter.
Les chuchotements se font plus bruyants. Mon patron me montre le chemin à suivre, c'est à dire son bureau. Je me lève en fuyant les regards de chacun ne sachant plus où regarder et qui regarder. J'ai l'impression d'être le vilain petit canard. Que peut-il m'arriver de plus ?

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La première journée sans portable se passa plutôt bien. Personne ne ressentit le besoin de sortir son téléphone et de vérifier ses réseaux. Tous semblaient accepter la chose sans ressentir un manque apparent. Tous, excepté Jin. Depuis qu'il avait éteint son mobile, pas une seule fois il n'avait eu l'esprit serein. Il ne pensait qu'à Gisèle et au fait qu'il puisse lui arriver quoique se soit. Il avait beau se raisonner en se disant qu'en deux jours, rien d'incroyable ne pourrait se produire qui mettrait Gisèle en danger. Ce n'était que deux jours après tout. Mais ce sentiment d'inquiétude ne le quittait plus depuis cette réunion.

Les garçons étaient rassemblés dans une salle pour échanger sur leur journée. Les discussions, avis et ressentis fusaient de toute part. Il était difficile de s'entendre clairement parler.

RM, qui avait remarqué le regard angoissé de son hyung, s'approcha doucement de lui en maintenant une légère pression sur son avant bras pour le ramener les pieds sur terre. Jin repris immédiatement attache et regarda son ami dans les yeux.
-Tu t'inquiètes pour Gisèle ? Je le vois bien que tu n'as pas la tête au travail en ce moment. Tu vas bientôt pouvoir la revoir, l'attente n'est plus très longue. On a fait le plus gros du travail. Et puis, je suis sûr qu'en deux jours il ne peut rien lui arriver de grave.
-Je sais pas, je ne suis pas du même avis que toi. J'ai comme un mauvais pressentiment. J'y peux rien ça ne me quitte pas. Tu dois me prendre pour un fou de m'être attaché aussi rapidement à une fille.
-Tu sais très bien que je ne juge jamais. Et si cette fille te rend heureux, je ne vois pas où est le problème. C'est même touchant de te voir aussi préoccuper pour une personne. Tu l'as toujours été envers nous mais jamais au point de nous laisser voir tes cernes pas si WorldWideHansome que ça. Plaisanta-t-il, ce qui a le mérite de faire apparaître un timide sourire sur le visage de Jin.
-Tu as raison mais je ne peux m'empêcher de penser à nos fans. Certains sont très protecteurs et l'idée que quelqu'un s'approche de nous peut les rendre très vite agressifs. Je ne veux pas que Gisèle soit la cible à abattre. Mais tu as raison sur une seconde chose. Je dois me reprendre, je ne peux décemment pas lui montrer cette facette de moi. Elle n'est pas belle. Comme tu dis, je la revois dans quelques jours.
-Oui, voilà, je préfères cet état d'esprit. Même si je crois qu'elle ne remarquerai pas tes cernes tellement il y a des coeurs dans ses yeux. Ajoute-t-il en riant à gorge déployée.
Jin rigole à son tour en priant sincèrement pour que Namjoon ne se trompe pas dans son jugement. Pourrait-il lui plaire autrement qu'en étant une de ses idoles préférées ?

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Seokjin, ne pars pas...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant