Quand nos yeux ont compris

Chercher la dispute...

J'étais de retour à la maison, sans vraiment d'effusion. Arthur ne semblait pas être présent, vu le silence inhabituel qui régnait chez nous. Je posai mes affaires à la hâte, prenant connaissance d'un petit mot qu'il avait laissé sur le plan de travail de la cuisine.

Je n'eus aucun mal à déchiffrer ses hiéroglyphes, qui s'étaient fait concis comme toujours: "Je mange chez mes parents, à ce soir. Je t'aime."  En quelques sortes, je fus soulagée de ne pas avoir à raconter mes deux jours dans la capitale régionale...Et surtout de ne pas m'épancher sur les détails de ma soirée avec Amélie.

Je pris instinctivement une bière dans la porte du frigo, avant de me diriger vers la salle de bain, où je repris mes rituels. Je remplissais la baignoire, tout en me déshabillant sans énergie. Mes souvenirs récents m'embrumaient la tête et l'âme...M'amenant à me sentir presque en manque de ma jolie brune.

Je m'engouffrai dans l'eau brulante, tout en portant ma bouteille à la bouche...Comme un refrain, rassurant. Je n'eus pas à faire un grand mouvement pour mettre en route ma playlist, qui retentit dans toute la pièce sans attendre. 

Mon petit côté obsessionnel reprit le pas sur mes essais de devenir quelqu'un d'autre, emportant mon cerveau dans un tumulte de ruminations. Je pouvais sentir les petites mimiques de mon visage, qui me trahissaient si souvent. Je revivais la nuit et le matin derniers avec la même intensité...Avec la même passion pour mon sublime coup de foudre, m'autorisant à envisager une suite à notre histoire.

Paradoxalement, le confort de mon petit cocon me faisait me sentir à ma place...Entourée de mon monde...Qui m'apportait tant d'équilibre...Qui me faisait être moi, sans que j'ai à jouer un rôle. 

Ca n'avait jamais été facile d'être moi...Et il m'était encore plus difficile de me maintenir la tête hors de l'eau, compte tenu mon choix de la norme...De la sécurité. J'avais déjà été tentée...Par une énième transgression du cadre, par les appels de la liberté...Toutefois, Arthur m'avait toujours permis de maintenir le cap...De me sentir heureuse, et surtout d'enfin compter pour quelqu'un.

Malgré tout, je comptai maintenant pour quelqu'un d'autre...Me ressemblant intellectuellement bien plus que lui...M'apportant ce petit vent de poésie, qu'il était incapable de me donner. Pour vrai, je savais depuis le début qu'il était mon opposé...Bien trop intéressé par la science et la mécanique, pour trouver un quelconque attrait aux choses artistiques...Aux auteurs qui me faisaient vibrer...Aux peintures qui réussissaient à me faire pleurer. 

Cependant nous avions toujours réussi à trouver un équilibre, et je m'étais habituée à ses petits ronchonnements et ses résignations, même quand mon amoureux devait m'accompagner à une projection d'un énième film primé. Je m'étais ouverte à la culture technique, au génie civil, et au monde automobile sans mal...Même si parfois, je ne commentais plus.

Amélie représentait tellement plus que ça...Tout coulant de source...Sa bibliothèque était similaire à la mienne...Ses films préférés, je les connaissais déjà par cœur. Avec elle, tout paraissait si simple...Si apaisant, alors que nous n'avions pas eu besoin de grands discours...Ni de beaucoup de moments ensemble.

Je revenais au point de départ, sachant très bien que je ferai forcement du mal à l'un des deux. En réaction à mon angoisse naissante, ma bouteille fut vite vide...M'amenant à quitter mon bain pour en prendre une autre, avec un paquet de cigarettes. 

Je retrouvai l'eau chaude, tout en allumant mon sésame pour la sérénité...Tirant sur la première latte comme si elle pouvait m'aider. Je couplai l'alcool dans un reflexe insidieux, que je ne pouvais refreiner. Le temps suspendit son cours, sans que je n'y prête attention...Me faisant m'assoupir dans les vapeurs de mon bain.