Voir tout en gris

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Une nouvelle organisation prit place autour de moi, sans vraiment que je n'eus mon mot à dire.

 En effet dès le retour de la consultation, Arthur avait passé une multitude d'appels téléphoniques. Il avait prétexté ma fatigue due au déplacement pour solliciter lui même Julian et Laurie, qui auraient la lourde tâche de me "forcer" à marcher, sans que je ne me mette en danger.

Mon père s'était lui aussi positionné, se proposant sans effusion pour mes accompagnements aux séances de rééducation. Il m'avait timidement montré ses encouragements, tout en m'aidant pour retirer une dernière fois mon corset.

De ce fait, j'avais directement fait connaissance avec une nouvelle douleur...Lancinante. 

Les semaines passant, j'avais négligé l'utilisation de certains muscles, et mon corps me le faisait rudement payer.

Je n'avais pas eu une minute pour souffler, depuis l'arrivée à la maison. Le tumulte et l'euphorie générale, engendrée par mon évolution plutôt positive avaient eu raison du silence habituel.

 Mon monde statique prenait un tout autre tournant, et ma tête jouait encore une fois la sidération.

Le soir venu, pour la première fois depuis longtemps, Arthur prépara la table pour deux. 

Il sifflotait, et virevoltait dans la cuisine. Je l'observais du coin de l'œil, alors qu'il m'avait déjà aidé à m'installer confortablement sur notre meilleure chaise:

-"Tu comptes faire à manger pour un régiment??"

-"Humm??"

-"Tu ne fais jamais la cuisine d'habitude, je m'attends au pire du coup."

Ma petite mise en boite, ne fut pas de très bon goût. Mon compagnon esquissa une moue boudeuse, bien accordée avec un ton déçu:

-"Tu devrais te réjouir, à ne plus en pouvoir...Et je me prends dans la gueule, que j'en fais trop! Tu es vraiment difficile à suivre!!"

-"On fête quelque chose peut-être??"

-"Moi oui...Putain, j'avais l'envie...Maintenant...Euh...""

A sa déception, j'assenai le coup de grâce par mon air blasé:

-"Pas la peine, de vouloir me faire plaisir."

La seule réponse d'Arthur fut de faire la sourde oreille, tout en remplaçant mon simulacre de réflexion par sa playlist préférée.

Je choisis donc de me murer une fois encore dans le silence, celui qui était devenu volontairement mon ami le plus proche. Je fixai le jardin à travers la vitre, appelant à une totale déconnection de mes synapses.

Soudain, des bruits émis par l'excitation de Mia me sortirent de ma torpeur. Je m'étonnai du dialogue commencé par son maitre:

-"Ca va, ma fifille?? Si maman ne veut pas manger, qui est ce qui va avoir le droit à son assiette?? Hein?? Ben...C'est Mia!!"

Un petit rire nerveux sortit de ma gorge, alors qu'au fond je ne souhaitais plus interagir avec personne. Ma démonstration subite d'intérêt, amena mon amoureux à venir à ma hauteur. Il se mit accroupi, pour chercher mon attention au travers de son regard clair:

-"Allez...Ma tortue...Ca fait tellement longtemps, qu'on ne s'est pas fait un diner à deux!!"

Je cédai, remuée jusqu'au cœur par tant de gentillesse et de dévotion.

-"Ok...C'est toi qui as raison, on ne prend plus jamais de temps ensemble...Et ça, même si je suis assignée à résidence!!"

-"Tu ne seras pas déçue, et on pourra regarder un film...Si tu n'es pas trop fatiguée."

Quand nos yeux ont comprisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant