Quand nos yeux ont compris

Rien oublier

Nous étions restées l'une à côté de l'autre...Le temps semblant suspendu.

J'avais préféré le silence, aux mots devenus si désuets entre Amélie et moi. Mon cerveau s'était mis en pause, comme s'il était lui même convaincu que plus rien ne pouvait retenir le temps. Nos doigts restés scellés maintenaient mes pensées les plus sombres à l'écart, et je m'étonnais de me sentir si apaisée. 

Cela faisait une éternité, que la paix intérieure ne m'avait pas inondé...

Je respirais cette odeur enivrante, souvenir de mon obsession passé pour ma désormais amie...Avec pour seul objectif de la fixer dans ma mémoire. A cet instant même, je voulais tout retenir, de sa respiration cadencée...Aux petits mouvements parasites de son genou tout près du mien.

Je n'avais pas l'intention de bouger, et ne comptais pas non plus rompre notre lien. Pour autant, la soirée battait son plein. La musique avait commencé à retentir jusqu'à dehors...Prouvant encore une fois, que le reste du monde continuait à tourner avec ou sans nous.

Sous l'influence de ce changement d'ambiance, Amélie se redressa...Pour finir par reprendre possession de sa main, et la passer dans ses cheveux. Je n'osai pas tout de suite la regarder, sous peine de réactiver une discussion houleuse ou malheureuse. De ce fait, mes yeux se portèrent sur une ligne au sol marquant une place de parking...Mes pensées troublées refirent surface, dans un élan de panique instantané.

Mes mains devenus moites avaient retrouvé leurs places sur mes cuisses, froissant le tissus léger de ma robe. Mon nouvel état de stress devait se lire dans le moindre de mes gestes, ce qui amena mon "ex" à réagir avec une certaine douceur:

-"Tout va bien?! Tu veux que j'aille te chercher quelque chose à boire?"

Je secouai la tête négativement, ne sachant pas comment lui exprimer mes failles. Je n'eus pas besoin d'expliciter plus, ses mots trouvant d'eux mêmes la solution:

-"Bizarre...Hein?? Ca fait du bien, de passer du temps ensemble...Euh...Sans se rejeter la faute...Sans culpabiliser, de ce qui peut sortir de nos bouches."

J'eus seulement le réflexe de m'excuser, alors que je venais de comprendre qu'elle avait vécu le moment dans la même mouvance que moi:

-"Je suis désolée...Sincèrement..."

Je fus coupée, alors que j'étais prête à défaillir de honte...Face à mon comportement de gamine, qui se sentait mal en offrant ses sentiments :

-"Ça me donne de l'espoir...Et j'ai l' impression, de te retrouver comme avant...Quand nous n'avions pas besoin de mot pour nous comprendre."

-"C'était un moment d'égarement. Quand je repense, à ce sur quoi j'ai dû tirer un trait cette année...Je n'arrive pas à gérer...Les chevaux...La moto...C'est tout ce qui faisait ma liberté...Je crois que c'est la goutte d'eau..."

Je peinai à finir, encore trop attachée à mon passé...A ces instants où j'avais été heureuse, sans jamais me soucier du danger...De la fragilité de la vie.

Je respirais plus bruyamment, oralisant mon bilan les lèvres serrées par l'angoisse d'être toujours plus décevante :

-"Et si c'était juste un mirage?? Tout ce que tu vois là, c'est de la poudre aux yeux !!"

Je m'agitais, me débattant avec mes vieux démons, mais aussi avec l'image médiocre que j'avais à présent de moi. Ma voix perdit tout son calme, me transformant d'emblée en une toute autre personne, terrifiée mais aussi remplie d'amertume:

-"Les jolies fringues...Les Épingles dans les cheveux...Ce n'est pas moi! En vrai, ça ne l'a jamais été!!"

-"Caroline, pourquoi tu te fais du mal comme ça?? Qu'est ce que tu veux me dire au fond?? Avec toi, tout est...Euh...Je ne sais plus à force, comment je dois réagir!!"