Quand nos yeux ont compris

D'autres choses à gérer...

Amélie et moi étions restées sur la passerelle, sans rien ajouter de plus. Ma belle avait respecté mon besoin de silence, et ses yeux s'étaient faits un réel soutien. J'avais assuré mon dernier cours de la matinée en pilote automatique, ne supportant aucun bruit dans la salle. Aucun de mes élèves n'avait moufeté, comme s'ils avaient pris conscience de mon état d'esprit sans que j'ai à ouvrir la bouche.

Midi sonna plus vite que je ne crus. David piétinait déjà devant ma porte, alors que je rangeais mes affaires avec une certaine nonchalance. Mon ami me vint en aide, attrapant mes dernières copies pour les fourrer dans une pochette telles quelles:

-"T'as pris des tranquillisants ou quoi?!"

-"N'importe quoi!"

-"Il faut y aller...Et toi tu traines!"

-"J'ai pas envie...Tu peux dire à Tahar, que...Euh..."

Je cherchais une excuse valable pour me faire porter pâle, cependant mes mots avaient déjà fait écho dans les oreilles de mon coup de cœur qui venait d'arriver dans la pièce:

-"Tu as envie de prendre tes jambes à ton cou??"

Je levai la tête de mon bureau, sachant très bien qu'elle connaissait mes vieux défauts par cœur:

-"Caro, ou l'art de la fuite...Tome 2!"

-"Tu vas encore te flageller longtemps?! On y va?"

J'avais complétement oublié qu'Amélie avait été conviée, ce qui ne passa pas inaperçu pour mes deux collègues. David fut le premier à commenter:

-"Toujours à l'ouest...On te soutiendra, hein Amélie?!"

-"Exactement...Laurent n'osera rien te dire!"

-"Et s'il l'ouvre, j'ai déjà des arguments...T'inquiète ma grande!!"

Je hochai la tête instinctivement, quand mon allié de toujours me tira par le bras:

- "Allez...On y go...Si on arrive les derniers, on va encore avoir le droit à un commentaire !"

- "On prend ma voiture !"

Ma belle ne me laissait pas non plus le choix, prenant les devants tout en attrapant ses clés dans sa poche.

Je restai silencieuse le temps du trajet, écoutant à peine les banalités qu'elle échangeait avec mon comparse de section.

Nous retrouvâmes vite le reste de la troupe, qui avait déjà commandé. Jamila se leva pour nous saluer, nous embrassant amicalement tour à tour avant de me tirer la chaise pour que je m'installe à ses côtés. Kévin dodelina de la tête discrètement en signe de bonjour, alors que Laurent ne desserra pas les mâchoires. Tahar me regarda furtivement avant de s'arrêter sur Amélie :

- "Bienvenue parmi nous Madame Duchêne ! "

Je sentais au ton de mon supérieur, qu'il jouait l'introduction aux discussions houleuses. Il n'attendit pas que son invitée réponde, se tournant directement vers notre collègue d'atelier :

- "Lolo...Tu n'as pas quelque chose à dire à Madame Duchêne ?!"

Ma brune s'intercala dans ce début d'échange, enlevant de la lourdeur à l'instant :

- "Amélie s'il vous plait...Gardons mon nom pour les moments formels, ou devant les élèves !"

- "Super ! Pas de Monsieur non plus avec moi...Juste Tahar!"

La glace était rompue, ce qui ne semblait pas plaire à cet aigris de Laurent. Il lâcha presque agacé :

- "Bon...C'est bon...Tu ne veux pas la demander en mariage en plus ?!"