Parler sans entrave

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Les jours suivants notre simulacre de dispute passèrent dans un calme apparent. 

J'eus droit à mon rendez-vous à l'hôpital, avec pour seul accompagnement une ambulance. 

Je retrouvai un médecin dont la positivité se voulait communicative. En effet Wolfgang m'accueillit en consultation avec le sourire, avant de me complimenter sur l'évolution de ma démarche  saccadée:

-"Caroline! Je vois que vous avez repris du poil de la bête!!"

J'entrai dans son bureau, aussi austère qu'à ma dernière visite. Je posai sur mon visage un sourire faussement satisfait:

-"Bonjour Wolfgang! Je ne dirais pas que je suis toute neuve, mais bon...Je crois que je dois me contenter de ça?! Non??"

M'invitant à m'assoir d'un geste amical sur l'avant bras, mon interne préféra le siège à mes côtés, plutôt que celui dernière le bureau. Il ne commenta pas mon essai de déstabilisation, me laissant m'installer avant de commencer:

-"Je savais que je ne m'étais pas trompé! Vous remarchez, et j'ai cru comprendre que les paliers de diminution des traitements...Euh...Suivaient leur cours!"

Je ne tergiversai pas, squeezant le bon usage avec dynamisme:

-"Je ne sais même pas pourquoi je suis venue! Vous avez déjà fait le point par téléphone, n'est ce pas?!"

Un peu gêné, compte tenu de son erreur déontologique, Wolfgang bégaya:

-"Je sais...Votre ami m'a appelé, et je n'ai pas vu le problème...Même si, de votre côté ça a l'air de coincer!"

-"Laissez tomber! De toute façon, ça ne change plus grand chose pour maintenant."

-"Ok...Donc, vous suivez bien vos séances de kinésithérapie...Les traitements, c'est tout bon...Et pour les déplacements...L'amplitude de marche a l'air plutôt pas mal!"

Je me mis à rire nerveusement, presque dans la défiance:

-"Il parait que je marche comme Terminator!! Un bon petit mitigé entre robot tout pété, et  une personne âgée en fin de course...J'adore ma vie!!"

Une nouvelle de ses mimiques navrées me fit me radoucir:

-"Caroline...Je suis vraiment désolé pour vous, si ça ne colle pas avec vos attentes. Vu votre trauma, je vous assure que ça s'apparente déjà à un miracle. Je suis sûr, que vous n'êtes pas au bout de vos ressources!"

-"Je sais...C'est moi, qui vous dois des excuses. Je suis une éternelle insatisfaite, et ça depuis toujours. Moi qui vivais à deux cent à l'heure...Il faut encore que je trouve le bon tempo, sans me détester!"

-"Et les douleurs? Vous gérez...Ou...Vous vous mordez la langue?"

J'eus un rictus, prise à mon propre jeu. Wolfgang me connaissait bien mieux, que ce que je pouvais croire. Je me triturai les lèvres, peu fière:

-"Vous savez bien que j'ai un problème, avec tout ce qui peut ressembler de loin ou de près à un stupéfiant. Je mentirais, si je dis que je n'en ai pas abusé, enfin au début...Juste pour oublier...Pour figer un peu plus l'instant, ou rattraper avec illusion ce qui avait été. Là maintenant, on va dire que je préfère prendre sur moi."

-"Je commence à savoir, comment vous fonctionnez. La dépendance, c'est quelque chose qui vous fait peur??"

Nous rentrions dans les confidences, comme c'était souvent le cas après nous avoir jaugé. Je troquai l'air sauvage contre celui de la patiente docile:

-"J'ai encore trop mal, pour pouvoir me passer d'une prise. Je ne sais pas si je me satisferais de cette situation...Même si mes proches vous diraient, que je suis bien plus clean qu'avant! Pour autant, si je dois m'habituer à ça...Euh...Si je dois rester comme ça, en mode bonne à rien...Je finirai par retrouver mes anciens travers...D'une manière ou d'une autre."

Quand nos yeux ont comprisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant