Amélia Moonfall - Tome 1 : Le Tueur de Fée

Chapitre 35 : L'agression

     Il faisait noir et Jagger traînait encore dans les rues, son masque magique à la main. Il se demandait ce qui avait bien pu lui prendre, passant une main affreusement gênée sur son visage.

     Il avait failli embrasser l'héritière des Moonfall, la famille la plus puissante du pays ! Et il avait failli souiller les lèvres de leur précieuse princesse. Il n'osait même pas penser aux conséquences si ça s'était vraiment passé. D'un autre côté... il en avait eu monstrueusement envie. Et c'était bien ce qui le déroutait le plus.

     – Mais qu'est-ce que tu fiches mon pauvre ami ? se désolait-il à mi-voix. C'est une sorcière, une Moonfall en plus. Tu n'as aucune chance, aucune...

     Alors pourquoi son cœur tambourinait-il si fort dans sa poitrine ? Et pourquoi ne pouvait-il s'empêcher d'y penser ? Il avait été si près de l'embrasser... mais il eut beau essayer de se convaincre que ça n'était dû qu'à l'ambiance du moment, il ne parvenait pas à arrêter d'y penser, se rejouant mentalement la scène encore et encore. Elle tournait en rond dans son esprit, le faisait imaginer mille et une possibilité. Que ce serait-il passé si ces maudits feux d'artifices n'avaient pas éclatés ? Aurait-il goûté à ses lèvres ? Aurait-elle rompu le contact ou au contraire l'aurait-elle prolongé ?

     – Rah... je deviens complètement fou, se hérissait-il.

     Debout au milieu de la rue, immobile, Jagger regarda son ombre sans vraiment la voir et soupira.

     – Arrête de rêver mon pauvre gars, se dit-il en enfonçant un peu plus sur sa tête son vieux chapeau miteux. Tout ça s'arrêtera bientôt, quand elle saura...

     Il jeta un regard morne à son masque enchanté. Au moins lui aura-t-il permis de ressembler au prince charmant pendant les quelques trois jours du festival. À présent, et comme toute Cendrillon ayant vu sonné minuit, il était temps pour lui de retrouver ses guenilles et de laisser ce beau rêve s'évanouir.

     – Le conte de fée est terminé, se dit-il lugubrement en jetant le masque aux ordures. Place à la sinistre réalité.

     Et alors qu'il s'éloignait en soupirant, Jagger remarqua une silhouette passer non loin. En se retournant, il découvrit une jeune fée joliment habillée pour le festival. Elle pressait le pas pour rentrer, un sourire rêveur aux lèvres. Sans doute se rejouait-elle intérieurement toutes les merveilles qu'elle avait vu lors du spectacle. Cette pensée le renfrogna. Pourtant, alors qu'il ne songeait plus qu'à retrouver sa famille à la maison, Jagger ne bougea pas. Quelque chose derrière la fée avait attiré son œil, une ombre qui suivait la jeune fille avec un peu trop d'attention pour être honnête. Jagger eut tout de suite un mauvais pressentiment et décida de les suivre en passant par les toits.

     À l'ombre d'une cheminée il s'accroupit et observa la fée traverser la rue au pas de course. Il ne fallut pas bien longtemps avant que l'ombre ne fonde sur elle et l'immobilise au sol. Son sang ne fit qu'un tour alors qu'il voyait l'agresseur tracer quelque chose sur le sol pavé. Le tueur... Jagger se redressa d'un bond et fondit sur lui à toute vitesse et percuta le tueur juste avant qu'il ne termine de graver la rune.

     Ce dernier, déséquilibré, roula sur le sol avant de se rétablir habilement sur ses pieds. Jagger lui trouva des gestes bestiaux tout à fait étrange, ses doigts s'agitant nerveusement à ses côtés. Il eut à peine le temps de le détailler que l'agresseur prit la fuite, disparaissant dans la nuit. Jagger hésita un instant à le poursuivre avant de grogner de frustration et de se précipiter vers la fée.

     – Hé, est-ce que ça va ? demanda-t-il inquiet en l'aidant à se redresser.

     – Je... je crois, oui, répondit-elle en se frottant les tempes.