Chapitre 45 : La chasse (1/2)

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     – Je ne pourrais pas rester en l'air longtemps, avertit Jagger alors que la sorcière scrutait la ville en contrebas. Voler lors d'un orage peut être dangereux.

     – Ne t'inquiète pas pour ça, je le vois.

     Elle tendit une main vers le Quartier des Loups-garous où une silhouette encapuchonnée déambulait en rasant les murs, le pas mal assuré.

     – C'est lui ? Tu en es sûre ?

     Amélia ne quitta pas des yeux les mouvements de sa cible. Pour elle il n'y avait aucun doute.

     – Certaine.

     Elle ne pouvait pas se tromper. Que ce soit sa démarche chancelante ou ses gestes saccadés. C'était bien lui, elle n'avait aucun doute. Et même si elle en avait eu, ses yeux d'or étaient si gorgés de magie à cet instant qu'elle percevait sans mal l'essence du garçon, ce rouge qui parcourait ses veines avec frénésie. Son cœur battait beaucoup trop vite, même d'aussi loin Amélia en percevait les battements effrénés. Il est en manque, songea-t-elle lugubrement.

     – Que faisons-nous ? demanda brusquement Jagger.

     Amélia parcourut le quartier du regard avant de pointer une ruelle plongée dans l'ombre un peu plus loin.

     – Pose-nous là.

     Jagger opina et plongea.

     La ruelle dans laquelle il les déposa était encore plus sale que n'importe quelle rue du Quartier des Fées. Des relents de vomis, d'alcool et de fauve flottaient dans toute l'allée. Des poubelles débordaient le long des murs, couvrant une partie du sol de détritus mal odorants. Jagger fronça le nez en posant pied à terre. L'odeur était si forte qu'il alla jusqu'à se couvrir le nez à la bouche de sa vieille écharper tout de suite après avoir déposé Amélia.

     Plus loin dans la ruelle, Jagger remarqua un petit groupe de loups aux sourires carnassiers. Une sueur froide lui coula dans le dos en découvrant leurs regards brillants de malveillance. Leurs vêtements étaient tâchés de boues et d'autres fluides que le jeune homme ne préférait pas chercher à nommer. Une affreuse odeur de tabac et d'alcool les entourait, comme s'ils en étaient imbibés. L'un d'eux tenait même encore une vieille bouteille de gin à la main.

     Ils se tenaient là, comme des prédateurs prêts à leur sauter à la gorge. Si Jagger les toisaient avec méfiance, Amélia, elle, resta parfaitement sereine. Ces rigolos n'étaient que de crétins consanguins parfaitement insignifiants. Non, ce qui l'inquiétait vraiment marchait d'un pas mal assuré et cachait sous son capuchon un masque orné d'une rune.

     Amélia n'avait pas de temps à perdre avec les petites frappes du quartier. Aussi tourna-t-elle simplement un regard mauvais sur eux. Il ne leur en fallut pas plus pour perdre de leur superbe. La terreur remplaça les sourires arrogants et, un battement de paupière plus tard, ils s'enfuirent la queue entre les jambes.

     Au-delà même de l'agacement évident et de la fureur qui se lisait dans le regard de la jeune fille, c'était de découvrir l'or incandescent qui y brillait qui avait eu raison de leur courage. On n'affrontait pas une Moonfall à main nu, surtout pas avec des yeux luisant d'une magie aussi puissante. Au final, peut-être avaient-ils un peu de jugeote.

     Jagger eut un rire de les voir décamper si vite mais la sorcière s'en détournait déjà. Car dans la rue adjacente, Regan Lerouge approchait.

     Amélia attendit qu'il dépasse l'entrée de la ruelle avant de se glisser derrière lui. Même de dos, il semblait souffrir le martyr. Elle l'entendait grogner de douleur à chaque pas. Il paraissait presque misérable, recroquevillé sur lui-même qu'il était. L'adolescente aurait presque eu de la peine pour lui s'il n'avait pas été le tueur qu'elle recherchait.

Amélia Moonfall - Tome 1 : Le Tueur de FéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant