Le soleil commençait à se lever à l'horizon et les rues du quartier furent bientôt envahies de badauds. Dans la foule qui grouillait autour d'elle, Amélia eut de la peine à suivre son étrange camarade. À plusieurs reprises elle trébucha sur des pieds inconnus avant de perdre de vu son guide. Elle finissait par le retrouver, son chapeau miteux trônant un peu au-dessus de la foule.
Au bout d'un certain temps – qui lui sembla une petite éternité – le jeune homme s'arrêta devant une enseigne. Parvenant enfin à sa hauteur, Amélia reprit son souffle et jeta un regard au panneau qui pendait au-dessus de leur tête.
– Le Parloir... lut-elle.
Elle jeta un regard noir à l'inconnu.
– Un bar miteux, vraiment ?
– Après vous, se contenta-t-il de répondre en lui tenant la porte.
– Vraiment très drôle, railla-t-elle en passant devant lui.
Le garçon afficha un discret sourire en coin, visiblement satisfait. Il semblait ravi de pouvoir l'embêter. Amélia fit son possible pour l'ignorer. Mais, une fois à l'intérieur, elle en vint à douter de ses plans. Peut-être aurait-elle mieux fait de continuer sa modeste enquête toute seule...
Dans la pièce il faisait très sombre, si bien qu'il fallut un moment à Amélia pour découvrir ce qui l'attendait. Les relents d'alcool et de vomi étaient encore plus concentrés ici que lors de son passage dans la Rue des Merveilles. Ajoutez à cela une forte odeur de transpiration et d'autres choses dont elle préféra rester ignorante et la jeune fille sentit aussitôt son estomac se retourner.
Amélia fit la grimace. Elle était sur le point de se pincer le nez quand elle surprit le regard de son compagnon posé sur elle. Par orgueil, elle s'empêcha d'aller au bout de son geste. Hors de question de lui donner matière à se moquer d'elle. Malheureusement, il sembla le remarquer et ne se gêna pas un instant pour en rire. Sans un mot de plus, l'homme-fée s'avança dans la salle. Mortifiée, l'adolescente le suivit de mauvaise grâce, bougonnant dans sa barbe et maudissant cet idiot qui lui servait de guide.
Il la conduisit au fond du bar et s'installa à la table la plus éloignée. Amélia prit place en face de lui, sa chaise grinçant allégrement sous elle. La sorcière songea qu'au moindre mouvement brusque de sa part, elle finirait les fesses par terre. Quelle humiliation ce serait là... En était-il conscient ? Était-ce pour cela qu'il avait choisi cette table en particulier et pas une autre ? Si c'était le cas, Amélia aurait toutes les peines du monde à se contenir d'exploser.
Mais, alors qu'elle s'apprêtait à lui poser la question, une serveuse se planta à leur côté.
– Puis-je prendre votre commande ?
Amélia releva des yeux timides, presque mal à l'aise, vers elle et pinça les lèvres. La fée qui venait d'apparaître était très belle. Trop belle, même, pour travailler dans ce genre d'établissement miteux. Avec son visage d'ange et ses courbes plantureuses, Amélia la voyait bien plus en modèle à l'Atelier des Artistes... D'ailleurs, et malgré le sourire affable qu'elle affichait, la serveuse ne semblait pas ravie pour un sou d'être là. Et, en regardant autour d'elle, Amélia n'avait aucun mal à comprendre pourquoi.
Partout dans le bar, des hommes à l'expression lubrique et à l'allure répugnante la déshabillaient du regard. La sorcière n'eut pas besoin de les regarder longtemps pour comprendre qu'aucun d'eux n'étaient des fées. Au demeurant, Amélia songea qu'aucune fée n'aurait eu un comportement pareil avec l'une des leurs.
Ce qui la troubla, en revanche, ce fut de voir qu'il n'y avait pas que des loups qui agissaient ainsi. Elle remarqua quelques humains, des sorciers aussi et même quelques elfes. Ces derniers étaient d'ailleurs les seuls à ne pas regarder les serveuses comme des morceaux de viande à croquer. Ils se contentaient d'observer la scène sans mot dire, soupirant et secouant tristement la tête face au comportement de leurs voisins.
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Amélia Moonfall - Tome 1 : Le Tueur de Fée
Fantasy. Héritière de l'une des plus grandes familles d'Osha, Amélia se doit d'être irréprochable. Bridée par les règles imposées par sa mère et des codes de la haute société à laquelle elle appartient, la jeune sorcière se sent otage de sa propre exi...