Chapitre 11 : Fée noire et yeux turquoises

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     Quand Amélia reprit conscience, quelques instants plus tard, le silence qui régnait était assourdissant. La fée s'était tue et semblait s'être retiré dans une pièce voisine. À travers le brouillard de ses pensées, Amélia pouvait l'entendre fredonner joyeusement en se déplaçant sur le parquet grinçant.

     Étendue sur le sol poussiéreux, Amélia mit un moment à se rendre compte qu'elle ne se trouvait plus dans l'entrée mais dans une pièce adjacente. La jeune fille était épuisée. Du sang avait coulé dans ses yeux, réduisant un peu plus sa vision déjà amoindri par l'obscurité. Sa tête lui faisait atrocement mal et ses membres endoloris refusaient catégoriquement de bouger.

     Un soupire lui échappa. Dans son esprit à demi embrouillé, elle repensa à son frère qui l'attendait à la maison... Azriel se rendrait rapidement compte qu'elle avait disparu, il serait sûrement le premier à donner l'alerte. Mais... qui viendrait la chercher ici ? Amélia était une sorcière, la fille du roi qui plus est, qui penserait qu'elle viendrait se balader dans la rue la plus sinistre du Quartier des Fées ? C'était absurde. Et même si Azriel le leur disait, il leur faudrait des jours avant de penser à entrer dans cette rue maudite que mêmes les habitants du quartier avaient fui.

     En y repensant, Amélia se trouva bien bête d'avoir poursuivi sa route. Tout annonçait un désastre. Elle aurait bien dû se douter, en voyant les maisons abandonnées qui entouraient cette rue, qu'il ne fallait pas y entrer, non ?

     Peut-être sa mère avait-elle raison, peut-être la curiosité était-elle un vilain défaut.

     Personne ne viendra... songea-t-elle tristement.

     Amélia se sentait de plus en plus faible. Elle allait abandonner, se laisser aller à la douce fatigue qui l'étreignait quand un grand bruit lui fit rouvrir brusquement les yeux. Elle entendit alors des cris. D'abord ceux de la fée, presque animal alors que la porte grinçante volait en éclat dans le hall. Puis ceux, plus grave, d'un homme, visiblement bien décidé à ignorer les hurlements de la maîtresse des lieux.

     Amélia aurait voulu crier elle aussi, dire à cet inconnu tombé du ciel qu'elle était là, juste à quelques pas de lui. Mais seul le silence s'échappa d'entre ses lèvres. Même son corps refusait de bouger, invariablement immobile malgré tous ses efforts pour faire du bruit et guider cet étranger providentiel vers elle.

     Quand une silhouette pénétra soudain dans la pièce, Amélia remercia la Déesse silencieusement. Envahie par un soulagement intense, la jeune fille ne put s'empêcher de sourire en voyant l'inconnu se précipiter vers elle. Des larmes de joie lui brûlèrent les yeux, l'aveuglant encore un peu plus.

     Dans l'une de ses mains, l'adolescente crut deviner les contours d'une vieille lampe à huile de facture humaine, dont la lumière dévoilait un visage soucieux caché sous un vieux chapeau miteux. À moitié aveuglée, Amélia en discerna à peine les traits. Mais, dans le semi-brouillard dans lequel elle flottait, la jeune fille tenta de graver dans sa mémoire son regard, d'une magnifique couleur turquoise.

     Puis elle vit son sauveur se redresser brusquement. À l'entrée de la pièce la fée se tenait prête à abattre l'inconnu. De là où elle se trouvait, Amélia la distinguait à peine dans l'obscurité ambiante. Il lui fallut quelques instants pour remarquer que quelque chose d'étrange avait commencé à flotter dans l'air. Une odeur, comme un parfum de fleur, s'était rependu dans la pièce. Mais, même en fouillant dans sa mémoire, Amélia ne sut en identifier l'origine, cette senteur lui était parfaitement inconnue. Et pourtant... une sensation de familiarité lui chatouillait l'esprit, sans qu'elle ne réussisse à en comprendre la source. Où avait-elle pu la sentir ?

Amélia Moonfall - Tome 1 : Le Tueur de FéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant