Amélia Moonfall - Tome 1 : Le Tueur de Fée

Chapitre 46 : Le traître

     Regan courait. Il courait comme un dératé. Terrifié à l'idée de se retrouver à nouveau face à Amélia, il s'enfonçait toujours plus profondément dans les petites rues du Quartier des Fées. Il ne savait même pas où il se trouvait, tremblait de peur en imaginant ce qu'elle lui ferait si elle parvenait à lui mettre la main dessus. Comment avait-elle pu remonter jusqu'à lui ? Comment avait-elle su qui il était alors qu'il portait son masque ? Et cette puissance... Les Moonfall étaient-ils tous aussi puissants ? Même avec le pouvoir de la rune il avait eu tant de mal à la repousser...

     Son cœur battait de façon erratique, si fort qu'il n'entendait plus que lui résonner à ses oreilles. Son sang ne cessait de couler malgré tous ses efforts pour stopper l'hémorragie, il y en avait tant... il avait si soif...

     À un carrefour il tourna à gauche et percuta quelqu'un de plein fouet. Regan fit un pas tremblant en arrière. Ses jambes ne le portaient presque plus. Il s'attendait presque à croiser le regard turquoise de cet homme-fée qui accompagnait la princesse ou pire, Amélia elle-même. La panique lui fit claquer des dents. Pourtant, lorsqu'il releva enfin les yeux pour croiser ceux de celui qu'il venait de percuter, ce fut un espoir fou qui l'envahit.

     Élégamment habillé comme à son habitude, son cousin, Aven Lerouge, se dressait devant lui dans une posture soigneusement étudiée. Un profond soupir de soulagement l'ébranla. Sauvé...

     – Eh bien, eh bien, lâcha Aven d'une voix traînante, tu n'as pas l'air en forme, cousin.

     Le sorcier prit un temps monstrueusement long pour étudier son interlocuteur. Hormis le bras sectionné et le sang qui continuait de couler à flot, Regan avait le teint cireux et de lourdes poches sous les yeux. Ces derniers paraissaient d'ailleurs presque totalement rouge tant ses pupilles écarlates étaient dilatées. Il faisait peur à voir. Un cadavre ambulant, songea Aven avec une froide indifférence, il est déjà mort et ne l'a toujours pas compris. Et comment l'aurait-il pu ? Regan ne s'était jamais intéressé aux livres traitant de sa maladie, à ses effets et bien sûr, à son inévitable conclusion s'il ne recevait pas les soins appropriés à temps.

     – Aven je t'en prie, aide-moi ! s'époumona Regan, parfaitement inconscient des sinistres pensés qui traversaient l'esprit de son cousin.

     Aven se forgea un sourire affable.

     – Bien évidemment cousin, que t'arrives-t-il donc ?

     Voir l'espoir briller dans ses yeux fous était presque comique. Quel sombre idiot. Lorsque Regan fit un pas en avant, Aven retint difficilement une grimace. Il empestait.

     – Amélia... elle me poursuit, je t'en prie aide-moi ! Ensemble nous auront peut-être la force de la stopper.

     – Ensemble... répéta Aven, songeur.

     Plutôt moi que toi en vérité, pensa-t-il en observant l'allure de son cousin. Regan tenait à peine sur ses pieds, jamais il ne pourrait survivre à un autre affrontement contre Amélia. Le jeune homme posa un regard pensif sur les toits du quartier. À quelle distance encore se trouvait la princesse et son précieux petit toutou ? Plus très loin il lui semblait.

     Prenant son silence pour une marque d'hésitation, Regan poursuivit.

     – Fiona te pardonnera sûrement si tu nous aide, fit-il bravement en tendant une main ensanglantée à son cousin.

     Si la situation n'avait pas été si critique, Aven aurait éclaté de rire tant ce qu'il venait d'entendre lui paraissait grotesque. Lui ? Chercher le pardon de cette folle à lier de Fiona ? Plutôt sombrer dans l'enfer putride des diables des abysses !