Amélia Moonfall - Tome 1 : Le Tueur de Fée

Chapitre 39 : Le tueur de fée

     Amélia s'ennuyait ferme. Debout, un verre de limonade à la main, elle regardait les convives s'amuser depuis le balcon sans vraiment les voir. À côté d'elle, Sol jouait aux cartes avec Azriel. Prince et Anita s'étaient retiré quelques instants plus tôt. Dès lors, la jeune fille s'ennuyait cruellement. Les excentricités d'Anita et la compagnie de Prince lui avaient fait oublier l'espace de quelques délicieuses heures l'enfer qu'il s'agissait de voguer entre tous ces aristocrates guindés. S'exiler au balcon de son frère fut une bonne idée, ainsi n'avait-elle plus à supporter les regards et les nombreuses propositions de danse de tous ces idiots bien habillés. La compagnie d'un enfant du cirque ne lui aurait pas déplut, mais la plupart avaient prit congé voilà un moment en prévision de leur futur départ.

     Sol semblait plus à l'aise après sa discussion avec Nausicaa, bien que le simple fait de revenir sur le sujet lui fasse monter le rouge aux joues. Azriel s'en était follement amusé, se faisant même un devoir de taquiner le Maitre du Cirque à ce propos.

     Amélia, elle, se trouvait à des lieux de là. Perdue dans ses pensées, elle regardait par la fenêtre la lune se lever paresseusement à l'horizon. Quelques étoiles brillaient déjà tout autour d'elle et la sorcière ne pouvait s'empêcher de se demander comment s'en sortait Jagger. Avait-il réussi à s'introduire à l'adresse indiquée ? Avait-il fait une découverte majeure ? S'était-il fait prendre ? Cette pensée lui noua l'estomac. Elle la repoussa.

     L'adolescente s'apprêtait à reporter son attention sur le discours de Sol sur le maniement des cartes quand quelque chose dehors attira son regard. Elle plissa les yeux, certaine d'avoir vu du mouvement dans les jardins. En la voyant se pencher un peu plus sur la rambarde, Azriel et Sol finirent par suivre son regard, perplexes.

     – Amélia ? l'interpella Azriel.

     – Il y a quelque chose dans le jardin, répondit-elle sans se retourner.

     Et presque aussitôt, la porte-fenêtre donnant sur la cour vola en éclat. Des cris fusèrent de toute part alors qu'une silhouette s'effondrait au milieu des convives dans une explosion de bris de verre. Amélia reconnut tout de suite la cape miteuse et les ailes de morpho de Jagger et pâlit aussitôt.

     Elle eut à peine le temps de reprendre son souffle qu'une autre silhouette apparut juste derrière son ami. Des hoquets étouffés et des murmures s'élevèrent dans toute la salle à la découverte de cet homme nimbé de ténèbres. Il portait un masque blanc où s'inscrivait très distinctement la rune de vision que lui avait montré Jagger.

     – Le tueur de fée... entendit-on murmuré.

     Amélia ne sut jamais si c'était elle ou un autre, mais les mots la frappèrent plus violement que les cris qui se firent entendre.

     Devant le tueur, Jagger peinait grandement à se mettre debout. Il se tenait l'épaule, grimaçant de douleur en rampant parmi les bris de verre. Personne ne fit rien et le silence qui s'abattit alors fut le plus lourd qu'Amélia n'ait jamais entendu de toute sa vie. Lorsque le tueur leva une main armée dans la direction de l'homme-fée, Amélia réagit par instinct. Et alors que les convives fuyaient la scène en courant, Amélia, elle, sauta du balcon.

     Elle entendit à peine son frère l'appelait alors qu'on se dépêchait de le mettre à l'abri. La voix de sa mère retentit également mais elle l'ignora et se planta juste devant le tueur. Le temps sembla ralentir pour toute l'assemblée alors qu'Amélia levait une main à son tour. Ses yeux luisaient d'un doré orageux et, alors que l'homme abattit son poing armé, quelque chose le repoussa. Il fit un pas en arrière, sonné, avant de découvrir, comme toute l'assemblée, le bouclier que la jeune fille venait tout juste de dresser, une bulle dorée scintillante qui entourait la sorcière et son ami, repoussant chacun des assauts du tueur sans faillir.