CHAPITRE 4

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JENIFER

15 septembre 2018,

— Mais si vous en avez envie, foncez ! C'est génial d'avoir un enfant. Malgré ma situation avec Raph, je crois que Antone est ma meilleure décision.

— Et ça se voit.

D'ailleurs, mon garçon débarque à nouveau dans la pièce, une feuille A4 dans les mains. Il vient contre moi.

— J'ai pas retrouvé mon dessin de la dernière fois, donc j'en ai refait un pour toi maman.

— Oh, mon amour. Merci, il est magnifique.

Il ne ressemble à rien son dessin.

— C'est toi, papa et moi.

Aïe. Ça fait vraiment trop longtemps qu'il n'a pas vu son père en chair et en os. On dirait que nous sommes une famille de grosse patate. Je n'ai pas accouché d'un futur Picasso.

— Je vais le garder avec moi pour mon voyage, d'accord ?

— Oui !

— De toute façon, dit Emeline, tu auras tout le temps pour faire un dessin pour maman ce week-end !

— Je pourrais en faire pour papa aussi ?

— Bien sûr !

— Oh mais pas trop non plus, lance Yann. On a un match de football à gagner samedi si on veut rester en tête du championnat !

— C'est vrai Antone, dis-je en riant.

— Je sais, répond-il en baissant la tête.

Emeline se lève et annonce que nous allons passer à table. Antone l'aide à mettre la table, pendant que je continue à discuter avec Yann. Je lui demande de m'appeler tous les soirs, un peu comme d'habitude. Il approuve l'idée et il m'assure qu'il se tiendra prêt à recevoir mon appel.

Nous dînons sans réel sujet de conversation. Antone raconte que demain il va voir Maya l'abeille 2 au cinéma avec l'école. Il l'a déjà vu, mais il s'en fiche parce que ses copains n'ont pas pu y aller pendant l'été. Puis il dit qu'il est content parce qu'il entendra ma voix. Pourquoi pas après tout. Je ne sais pas réellement ce qu'il ressent, Antone ne laisse pas grand-chose transparaître, mais j'ai l'impression qu'il est content d'aller à cet après-midi cinéma avec son école. J'aurais adoré les accompagner, quelques fois je le fais quand ils font des sorties. Mais si proche de la sortie de Nouvelle Page, j'ai souhaité ne pas prendre de risque en me bloquant une journée. Et j'ai bien fait, sinon j'aurais compliqué la situation de l'école. J'adore voir Antone avec ses copains, le voir en extérieur, même si on adore faire des sorties lui et moi. On en fait souvent.

Un dernier café après le repas et il est temps pour moi de partir. Antone ne va pas tarder à aller dormir sinon il sera crevé pour l'école demain. Je l'imagine bien s'endormir pendant le film. J'ai du mal à prendre la décision de partir, mais il le faut. Je propose l'idée à Emeline qui me dit que je fais ce que je veux. Elle ne m'aide pas celle-là. J'attends le retour d'Antone de la salle de bain où il est allé se mettre en pyjama aidé de son oncle. Je m'avance vers mon garçon et le prend dans mes bras.

— Je vais y aller champion.

Je sens sa mâchoire se serrer pour se retenir de pleurer. Je pose ma main sur sa joue et la caresse doucement.

— Tu sais que je fais au mieux pour rentrer le plus tôt possible.

Il se met à pleurer, ses larmes sont trop fortes par rapport à lui. Je le reprends contre moi. Je suis tellement mal. Voir son enfant pleurer avant de quitter un lieu sans lui est la pire des sensations.

— Je t'aime mon Antone.

— Je t'aime aussi maman. Pars pas.

— Tu vas être bien chez tonton et tata.

Ses doigts serrent un peu plus fortement mon sweat. Je le garde contre moi encore quelques secondes avant de souhaiter revoir son visage. J'essuie ses larmes et je dépose un baiser sur sa joue.

— Promis, dans trois jours, je suis de retour.

— Trois dodos ?

— Exactement.

Je constate que je me suis plantée dans le comptage des dodos, mais ce n'est pas grave, il aura oublié.

— Je te le promets mon grand.

Il se penche vers moi et viens chuchoter quelques mots à mon oreille.

— Je ne peux pas venir avec toi ?

J'ai l'impression qu'il me supplie de le prendre avec moi. J'embrasse à nouveau sa joue, plus intensément.

— J'aimerais tellement. Mais non, tu ne peux pas venir, puis tu as école.

— La dernière fois tu as dis que ça servait à rien l'école.

— Euh... Il y avait un contexte. Pas ce soir. L'école c'est très important, tu le sais en plus.

Il hausse les épaules. Yann arrive derrière lui.

— Aller maman, il faut partir, sinon tu ne partiras jamais, lance-t-il.

Yann n'a pas tort. Si je ne fais pas le premier pas vers l'extérieur, je vais passer ma nuit ici.

— Mais maman, recommence à pleurer Antone.

— Ne pleure pas champion.

Je me trouve démunie, je ne sais plus quelle excuse lui dire. Je sais qu'il est bien ici, il ne lui arrivera rien, il est en sécurité.

— Je vais y aller.

Alors que je le décolle de moi, il reste accroché à mon sweat. Même en maternelle il ne m'a jamais fait une telle comédie. Yann attrape Antone pour le prendre dans ses bras. Le corps de mon fils se raidit, sûrement par mécontentement. Yann l'embrasse sur la joue et lui chuchote que je reviens bientôt, ça ne durera pas longtemps.

— Maman...

— Un dernier bisou et j'y vais, vraiment.

Je l'embrasse sur le nez, comme je le fais quand il va se coucher le soir. Mes mains sur son visage chaud, je lui lance un dernier :

— Bonne nuit champion. Je t'aime.

Dans les bras de son oncle, il ne me répond plus. Je dépose un dernier bisou et je tourne les talons. C'est moi qui commence à avoir du mal à partir, il faut vraiment que je prenne les devants. Je récupère mes affaires, je lance un dernier regard vers Antone qui pleure toujours. Son oncle lui parle pour le rassurer, même si je n'entends pas ce qu'il dit. Emeline me raccompagne jusqu'au portail.

— Bon courage Jen avec l'album. Et ne t'inquiète pas pour Antone. C'est toujours dur de voir sa maman partir. Mais d'ici deux minutes, il t'aura oublié.

— Ouais je sais. Merci de le garder. Je vous revaudrais ça.

— Aller, va travailler.

Je lui offre un dernier sourire et je pars. J'aurais eu envie de me faufiler, de faire un bisou à Antone, mais je ne pouvais pas. Je reviens à ma voiture et je reprends la route. Le silence me pèse, alors je remets la musique de ma clé USB. Arrivée à ma maison, je me retrouve seule. Je divague dans la maison, cherchant de la chaleur humaine, alors qu'il n'y a personne pour m'en offrir. J'arrive près de la tour de construction d'Antone. Contre mon gré, comme prise par une force supérieure, je la détruis en grognant.

— Tu m'emmerdes Raphaël !


Derrière les Soleils (JENIFER FANFICTION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant