CHAPITRE 37

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JENIFER,

20 novembre 2018,

Jenifer ?

Il est là. Je sais qui il est. C'est bon, j'ai compris. Je ne suis plus une débutante à me poser des questions. Je sais que c'est Yann.

Jen ?

Tout est toujours aussi noir autour de moi. J'angoisse avec ce noir, je ne sais pas où il est. À sa voix, je n'arrive pas à trouver une direction vers laquelle me tourner pour lui faire face. Moi, je ne vois rien, mais lui, est-ce qu'il me voit ? Je pense, sinon je ne le percuterais pas à chaque fois que je me mets à courir. Comment arrive-t-il à me voir alors que j'ai l'impression d'être aveugle ?

Elle est là maman ?

La voix est proche, il est là. Je sens son souffle sur mon visage. Pourquoi il parle de maman ? Il était grand quand elle est partie et je pense me souvenir que ça ne lui a fait ni chaud ni froid. Il s'en fichait. Enfin je crois. Tout est flou sur cette période de ma vie.

On est seul tu crois ?

Jusqu'à présent, personne n'est venu m'aider face à lui. Mais comme ça évolue à chaque fois, peut-être que cette fois-ci nous ne sommes pas seuls. J'aimerais tellement qu'elle soit là, qu'elle me protège. Yann me fait peur.

De toute façon, ce n'est pas grave si elle est là. Elle sait.

Elle sait quoi ? Il y a quoi à savoir ? Il pose sa main sur mon visage. J'essaie de l'enlever, mais il la resserre autour de ma mâchoire. Sa force me fait reculer contre un mur. Pourquoi il y a un mur maintenant ? Je ne l'avais jamais senti jusqu'à présent.

Tu m'as manqué Jenifer.

S'il te plaît, arrête Yann.

Je ne fais rien.

Arrête de me toucher.

Tu as toujours bien aimé ça pourtant.

Ça veut dire quoi ça ?

Tu sais très bien. Mais ne t'inquiète pas, comme ton mari l'a dit, tu ne risques plus rien. Hein, il a raison ?

Oui, il a raison. Par contre non, je ne sais pas. Explique-moi.

On aimait bien jouer tous les deux quand maman n'était pas là. De toute façon, elle n'était jamais là. Tu te souviens de son absence ?

Oui.

Moi j'étais là pour toi. Pour m'occuper de ma petite sœur.

C'est flou. Je ne me rappelle pas vraiment de mon enfance. Je ne sais pas vraiment pourquoi, sûrement à cause de la célébrité. J'ai un peu eu une enfance pourris. Papa est mort quand j'étais jeune, maman a sombré et j'étais seule avec Yann. Il a dix ans de plus que moi, bien sûr qu'il a dû s'occuper de moi.

Je me suis bien occupé de toi, me dit-il en caressant mes cheveux.

Je n'en doute pas.

Il se met alors à rire de plus belle. Je n'aime pas quand il rit comme ça, il me fait peur.

Tu devrais savoir Jenifer.

Je ne sais plus.

Rappelle-toi alors ! Rappelle-toi à quel point j'ai été un bon frère pour toi !

Laisse-moi tranquille Yann.

Tu avais six ans, tu étais si belle. Tout était de ta faute, me crie-il au visage.

C'est parce que j'ai mal à la poitrine que je me réveille. Mon cœur me fait horriblement mal. Allongée sur le lit, j'ai envie de me tordre dans tous les sens pour essayer de trouver une solution à la douleur. Je choisis de me redresser. Il fait sombre, j'ignore l'heure qu'il est. Il ne fait pas encore jour en tout cas, d'habitude je le vois. Je regarde Raphaël qui dort encore. Tant mieux, je ne l'ai pas réveillé cette fois. Ça me gêne quand mes cauchemars le réveillent, après il se sent mal pour moi. Doucement, j'arrive à me calmer. Mes pulsations cardiaques ralentissent. Je me lève du lit en faisant le moins de bruit possible et je descends dans le salon. Là, je trouve mes cigarettes. Je mets le manteau de Raphaël, qui est dix fois trop grand pour moi, mais il me tiendra chaud et je vais dehors. J'allume ma cigarette.

C'est la pleine lune cette nuit, c'est jolie. J'adore la lune, j'ai toujours trouvé ça magnifique. Je ne sais pas si j'aimerais y aller, sur la lune, car je doute que la terre soit aussi jolie à regarder. La terre ne resplendit sûrement pas dans l'univers. Mais après tout, je n'en sais rien, je n'ai jamais suivi un cours de physique-chimie de ma vie. Je regrette quelques fois. J'aurais voulu en savoir plus sur la lune.

C'est drôle cette façon de me perdre dans des pensées futiles pour ne pas penser à l'essentiel. Mon cauchemar. C'est le troisième, de la même lignée. Ils se ressemblent tous les trois, mais ça évolue. Je ne comprenais rien, puis j'ai découvert Yann et enfin il m'a parlé. Il m'a parlé pour que je ne comprenne rien, ça c'est sûr. Pourquoi m'a-t-il parler de maman ? Nous n'en avons jamais discuté tous les deux. Puis, c'est quoi le truc dont je dois me souvenir ? Vraiment, j'ai l'impression de n'avoir aucun souvenir de mon enfance, ça me fait flipper. Alors, j'essaie de me rappeler ce qu'il s'est passé plus tard, un truc où Yann aurait pu être là. Ça m'aiderait sûrement. Même l'adolescence est une période floue. À croire que mon cerveau a voulu oublier pour mieux avancer. Il a bien raison, mais ce cauchemar me donne envie de replonger dans cette période de ma vie. Qu'est-ce qu'il s'est passé à cette époque ? Et qu'est-ce qui était de ma faute à six ans ? On fait quoi dans nos vies à six ans ? On n'est pas grand-chose à cet âge-là. J'ai la sensation qu'à cet âge-là, j'étais déjà trop mâture.

Je ferme les yeux et inspire la fumée de ma cigarette. Je le sens à travers ma gorge et mes poumons. Avant, je fumais beaucoup, pour ne pas dire que quand j'avais cinq minutes à perdre, j'allais fumer. Puis, j'ai rencontré Raphaël. Il m'a fait diminué la clope jusqu'à ce que je tombe enceinte où j'ai complètement arrêté pour mon enfant. Ensuite, le stress de jeune parent s'est mis sur mes épaules et je suis retombée dans mes travers. La cigarette n'était plus autant mon alliée au quotidien, elle l'était dans mes moments de doutes et de stress. Comme aujourd'hui, elle m'aidait à me détendre. Quelques images se fixent dans mon esprit quand j'ai les yeux fermés. Un film se joue. Ce que me montre mon cerveau ne me plaît pas, alors j'ouvre de suite les yeux. C'est ça. C'est de ça qu'il m'a parlé. J'avais six ans, la première fois.


Derrière les Soleils (JENIFER FANFICTION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant