CHAPITRE 35

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JENIFER,

18 novembre 2018,

Jenifer ?

Il n'y a personne autour de moi, mais cette fois-ci, la voix me semble familière. Cependant, il m'est impossible de mettre un nom sur cette voix. Qui me parle ? Tout est noir autour de moi et j'ai peur du noir. Qu'on rallume. Que quelqu'un fasse quelque chose.

Jenifer ?

Mais merde, qui me parle ? En plus, j'ai super peur, je ne vois rien ! Ce n'est pas sombre. C'est noir, comme s'il n'y avait rien autour de moi, juste du vide. Mais le sol est dur. Quand je fais un pas, il y a encore du sol pour soutenir mon poids. J'ai l'impression d'être dans un espace immense, je ne perçois aucun mur. C'est vide ici et je suis complètement seule. Mais, ça ne résonne pas quand on me parle. D'ailleurs, qui est cette personne qui me parle ? C'est un homme. Ce n'est pas Raphaël, il ne parle pas comme ça, il n'a pas cette intonation quand il me parle.

Salut Jenifer.

La voix s'est rapprochée de moi. À présent, elle est proche, mais je ne sens aucune présence près de moi. Je n'entends pas de respiration non plus. Je ne comprends pas. Ça recommence ce mauvais cauchemar et ça m'énerve, car rien ne s'éclaircit par rapport à la dernière fois.

Elle est là ta mère ?

Ma mère ? Maman... Non, Maman n'est plus là et ce depuis des années. Maman ne s'intéresse plus à moi. Maman m'a abandonné, mais elle l'avait fait bien avant de disparaître de ma vie. Des fois, elle me manque.

On est seul alors ?

Il est proche de moi. Trop proche à mon goût. Je sens maintenant son souffle sur ma joue. Sa voix semble plus claire que tout à l'heure. Je réfléchis à qui il pourrait être. Il semble trop mâture pour être mon fils, sa voix est trop grave. Alors que je réfléchis, sa main caresse le bas de visage. Je fais un pas en arrière.

Arrête, dis-je.

Il m'obéit et ne me touche plus. La sensation de sa main sur mon visage m'a aussi semblé familière. Par peur, je me mets à courir. Je cours sans savoir où je vais, mais je sais que je ne me prendrais rien. Les battements de mon cœur sont rapides. Il faut que cette fois je m'en sorte. Je cours plus vite que la dernière fois, je ne le percuterai pas. Mais si, il est quand même là. Je me le prends. Je ne sais même pas comment il a encore fait pour faire ça. Il ne courait pas, il ne m'a pas dépassé.

Mais arrête, crié-je en me remettant à courir dans le sens inverse.

Il faut que je le sème, il ne doit pas me rattraper. Je sais que je reviens sur mes pas, mais bon, où aller ?

Mais où tu vas Jenifer ? On va joué !

On va joué ? Je reconnais à présent l'intonation de sa voix. Il avait la même quand j'étais plus jeune. C'est Yann. Je me retourne. Il n'est pas là. En même temps, je ne vois rien.

Yann ?

Ça tombe bien qu'il soit là, on doit avoir une petite discussion lui et moi.

Salut Jenifer.

Mon fils ! Tu as fait quoi à mon fils, hurlé-je sans réelle direction.

Si tu savais.

Je sais. Je connais toute l'histoire.

Tu es sûre ?

D'un coup, il se retrouve contre moi et il me plaque contre un mur.

Tu as encore plein de choses à découvrir.

De doux baisers me réveillent. Raphaël. Je le repousse dès le moment où j'ai les yeux ouverts.

— Ça va Jen ? Tu semblais agité encore.

— Pourquoi tu m'as réveillé comme ça ?

— À chaque fois, je dois presque te secouer pour te réveiller, j'ai tenté autre chose, pour que ce soit moins brusque pour toi.

— Je préfère quand tu me secoues.

Il baisse le regard. La lumière de sa lampe de chevet est allumée, elle me permet de voir son visage.

— Je suis désolée Raphaël, je n'aurais pas dû te dire ça.

— Laisse tomber. C'était encore ton cauchemar ?

— Oui.

Il me prend de suite dans les bras et là, j'ai l'impression de me sentir mieux. Je n'ai pas transpiré comme la dernière fois. Je n'ai pas besoin de prendre de douche, d'ailleurs, je n'en ai pas envie. Je veux seulement rester dans les bras de mon mari. Par une pression sur son ventre, je lui fais comprendre que je veux qu'il se couche. Je pose ma tête sur son torse. Sa main caresse mes cheveux.

— Tu veux me raconter ? La dernière fois, tu ne m'as rien dit. Ça te ferait peut-être du bien.

Non. Je ne peux pas lui dire que ça fait deux fois que je fais le même cauchemar, presque à l'identique, sauf que cette fois-ci, j'ai compris qu'il s'agissait de Yann. Si je lui disais, ça l'inquiéterait. Je ne veux pas qu'il soit inquiet. Je sais qu'il n'est pas forcément bien dans sa tête non plus en ce moment.

— Ça va, ne t'inquiète pas.

Bien sûr que même quand je lui dis ça, il est inquiet, c'est Raphaël, c'est mon mari.

— Tu me dirais s'il y a quelque chose qui ne va pas ?

— Bien sûr, mais vraiment, ça va. Juste des mauvais rêves.

— Je suis désolé alors.

Sa main caresse mon dos et je me rapproche un peu plus de lui. Mes doigts frôlent son tee-shirt et suivent un circuit imaginaire sur son torse.

— Chéri ?

— Oui ?

— C'est fini avec Yann ? On ne risque plus rien ?

— C'est fini Jen. On ne risque plus rien.

Il semble sûr de lui. Je dois lui faire confiance. Nous avons porté plainte, Yann est derrière les barreaux pour l'instant. Je ne comprends pas grand-chose à la justice, mais je crois que c'est l'ordre des choses. De toute façon, on ne laisse pas un pédophile dans la nature quand on sait qu'il l'est.

Un pédophile. Ce mot me file un frisson, Raphaël le ressent et me sert un peu plus contre lui. Combien d'enfants ont été victimes de ses actes ? Lui qui était entraîneur de foot. J'ai si peur qu'Antone ne soit le seul à avoir subit ses agissements. Je n'aurais jamais imaginé Yann comme ça. Il aimait Antone, du moins, c'est ce que je pensais. Il semblait l'aimer. Il était présent pour lui, il lui offrait des cadeaux. Antone l'aimait bien aussi, je crois, avant. Je ne sais pas.

Avec lui, j'ai du mal à reparler de Yann, je ne veux pas qu'il se sente mal encore, j'aimerais qu'il se reconstruise le plus vite possible. D'ailleurs, je ne sais même pas si on se reconstruit vraiment de ce genre de choses. Antone n'a que sept ans. Je refuse qu'il en souffre toute sa vie. Je serai là pour l'accompagner, pour le soutenir. Raphaël sera là aussi. On ne le laissera pas tomber.

Et dire que Yann voulait un enfant avec Emeline. Peut-être qu'en parlant, Antone a sauvé une future victime. Mon dieu mais non, on ne touche pas à des enfants... Emeline est tombée de haut quand on lui a dit, elle ne se doutait de rien, j'ai envie de la croire. Yann était intelligent, il faisait ça quand elle n'était pas là. Un nouveau frisson me parcourt quand je me souviens qu'il a violé mon fils alors qu'on était dans la même maison. J'ai bien senti que les garçons mettaient du temps en haut, mais je trouvais une raison à ce temps. J'aurais dû monter voir, j'aurais dû aller aider mon fils. Ma main se resserre autour du tee-shirt de Raphaël. Je relève le regard vers Raphaël. J'ai les yeux mouillés. La lampe toujours allumée, il le voit. Il me serre encore un peu plus contre lui et dépose un baiser sur mon front.

— Je suis là Jenifer. Je t'assure qu'on ne risque plus rien.

— Comment tu peux en être sûr ?

— Car maintenant, je suis là pour vous protéger.

D'accord. Je veux le croire. Je vais le croire. Il faut que je le croie.


Derrière les Soleils (JENIFER FANFICTION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant