Derrière les Soleils (JENIFER FANFICTION)

CHAPITRE 8

JENIFER,

18 septembre 2018,

Il fait jour, le soleil tape contre mon pare-brise encore humide de la pluie de cette nuit. Je me gare, toujours le même emplacement, près de la maison de Yann. Les battements de mon cœur s'accélèrent. J'ai hâte, mais j'ai peur aussi. Tout ça à cause de l'accueil d'Antone. Je coupe le moteur et je marche jusqu'à la maison. Devant la porte, je prends une grande inspiration. Je n'ai pas le temps de frapper qu'on m'ouvre. La carrure épaisse de mon frère apparaît et il me prend dans ses bras.

— Comment tu vas Jeni ?

— Ça va. Antone est là ?

— Bien sûr. Par contre, il...

— Il quoi ? Il y a un problème ?

— Il m'a dit qu'il ne voulait pas te voir.

Je pousse mon frère et me dirige vers la chambre d'ami où dort mon petit garçon. Il ne veut pas me voir ? La blague. Je vais arriver à la porte, il va me sauter dessus tellement il sera content de me voir. Je monte l'escalier et me pointe à sa chambre. Je frappe doucement et il relève la tête vers moi.

— Salut mon chéri.

Alors que je m'attendais à un accueil phénoménal, Antone arrête de me regarder et reporte son attention sur le dessin qu'il fait. Super. Les larmes me montent aux yeux, mais je me retiens. J'avance vers lui et le prends dans mes bras, en déposant un baiser sur sa joue.

— Je suis désolée mon grand.

Mais Antone se débat et il m'oblige à ne plus le toucher.

— Ne me touche pas, me lance-t-il au visage.

— Antone, chéri...

— Non ! Tu n'es qu'une méchante, crie-t-il. Je ne peux pas te faire confiance. Tu ne m'aimes plus !

— Arrête, tu sais que c'est faux, que je t'aime et que si je suis en retard, ce n'est pas de ma faute.

— Si c'est de ta faute. Moi, je ne t'aime plus.

Quoi ? Comment ça ? Il ne m'a jamais dit quelque chose comme ça. Je ne peux me retenir de pleurer et ma réaction ne lui fait rien. Il me lance un regard noir, accusateur. Je me relève. Mes jambes flageolent. Je ne sais même pas si je vais être capable de redescendre les escaliers.

— Je préfère papa. Lui il m'aime.

Prends-toi ça dans la figure Jenifer. Le dos tourné vers Antone, j'essuie mes larmes. Puis d'un coup, je me retourne vers mon fils.

— Tu sais quoi ? Je vais te laisser tranquille. Quand tu seras calmé, tu viendras me voir. On est d'accord ?

Ma voix est complètement brisée. Jamais je n'ai eu à dire ça à Antone, son comportement m'effraie. Il me regarde à nouveau. Son regard se porte sur le mien et il fronce les sourcils. J'attends une réponse Antone !

— Maman ? Tu vas bien ?

Quoi ? Mais. C'est de plus en plus bizarre. Autour de moi, tout semble devenir flou, sauf mon garçon qui me dévisage toujours.

— Ton œil est bizarre maman.

Ce n'est pas possible, pas cette histoire d'œil encore une fois. Ma vision se trouble à nouveau, à cause des larmes. J'ai la tête qui tourne. Au loin, j'entends quelque chose qui sonne, une sonnerie de téléphone. C'est le mien. Je dois le trouver. Je l'ai mis où ?

Des gouttes de transpiration sur le front, je me redresse dans mon lit. La chambre est éclairée par la lumière de mon téléphone qui sonne toujours. Je l'attrape et sans même regarder de qui il s'agit, je décroche.

— Madame Leblanc ?

— C'est moi.

— C'est le Général Gauthier à l'appareil.

Ma vision se trouble par des larmes que je ne contrôle pas. Je ne lui réponds pas. Je connais déjà la suite de ses paroles et je n'ai pas envie de les entendre. Le général Gauthier, en mission, il n'appelle pas pour prendre des nouvelles. C'est bien plus grave...

— Raphaël s'est blessé. Ne pouvant plus être sur la base, il sera de retour lundi sur Paris.

— Il est blessé ? Arrivé-je à dire en bégayant.

— Jenifer, tu sais que je ne sais pas, puis je ne peux pas te dire. L'hôpital t'appellera quand Raphaël sera là, pour que tu puisses venir.

— Dis-moi si c'est grave. S'il ne rentre que lundi, alors ça ne doit pas l'être. S'il te plaît.

— Il passe par un hôpital sur place avant de rentrer. Tu le sais Jenifer. Je suis désolé. Reste forte.

— Mais tu m'as pas dit si...

— Jenifer. Je t'en ai déjà trop dit.

Il raccroche et ma main lâche mon téléphone. Je n'arrive pas à le croire. Neuf ans qu'on est ensemble et jamais il n'est rentré blessé. Puis, ils sont cons ces militaires, je veux juste savoir si c'est grave. Je ne veux pas imaginer mon Raphaël dans un sale état. Mes mains tremblent et le souvenir de mon cauchemar me revient. Antone. Encore quelque chose de plus à encaisser pour lui. Et si Raphaël allait mal, comment gérer mes deux hommes ? Je... Raphaël me l'avait dit, quand on t'appelle, ce n'est pas bon et le pire c'est qu'on ne sait pas ce qu'il se passe là-bas. Mon Raphaël. Les larmes coulent sur mes joues, je crois que rien ne pourrait les arrêter.

Je me lève de mon lit, m'avance vers la salle de bain où j'allume la lumière. Je me plante devant le miroir et je finis par relever la tête vers la glace. Mon attention se porte sur mon œil. Il n'a aucun problème. Ce photographe va me rendre folle. Pourquoi ce qu'il m'a dit reste dans mon inconscient ? Il n'avait pas le niveau pour cet album, je n'aurais pas dû prendre ce type. Mon poing se resserre sur le bord de l'évier. Pourquoi ça m'arrive à moi ? Pourquoi je ne peux pas être heureuse juste un instant ? Je ne demande pas grand-chose, savoir mon fils et mon mari en bonne santé, c'est tout.

D'un coup, la fatigue me tombe dessus, comme une baisse de tension. Je décide de retourner sur mon lit où j'attrape mon portable. J'ouvre le journal d'appel et je remarque que l'appel est toujours là, il a bien eu lieu. Mon Raphaël rentre lundi, blessé de guerre. Je m'enroule dans la couette et je ferme les yeux. Je porte toujours le pull de Raphaël pour dormir, depuis neuf ans. Fan de hockey sur glace, il avait acheté ce pull lors d'un date qu'on s'était fait. Oui, il m'avait amené voir un match de hockey sur glace. Finalement, j'avais bien aimé. Et dès le soir, rentrée chez lui, je lui ai pris pour m'endormir dedans après notre première fois tous les deux. Et depuis ce jour, je le garde avec moi, il me suit partout, que ce soit dans notre maison, dans mes tournées. Le pull commence à être abîmé, mais il est hors de question que je le change. C'est lui, c'est moi. C'est simplement nous et ce fichu match de hockey.