CHAPITRE 43

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RAPHAËL,

13 décembre 2018,

Coralie me regarde de loin. Je crois qu'elle n'ose pas venir vers moi. Je peux la comprendre. Comment on va voir quelqu'un qui est en train de perdre sa femme ? Car c'est sûr, je suis en train de perdre Jenifer. Pour soulager ses poumons, ils l'ont mis en coma artificiel. J'ai toujours entendu parler de ce genre de truc-là, mais je n'avais jamais vu la violence du dispositif. La voir intuber, je crois que c'est le pire. Ça fait deux semaines qu'elle est dans cet état-là et rien ne s'arrange. On me dit de garder espoir, mais je n'y arrive pas. J'aimerais savoir, est-ce qu'elle va s'en sortir ou est-ce qu'elle va partir ? Est-ce que ma volonté sera respectée ou la sienne ?

— Salut Raphaël.

Coralie me sourit désolée et s'assoit en face de moi. On s'est déjà vu depuis le jour où j'ai retrouvé Jen, mais on n'a jamais pris le temps de parler. Je n'ai jamais osé lui dire ce que Jen m'a laissé, mais aujourd'hui, j'ai besoin de me tourner vers quelqu'un. On a donc choisi de se retrouver à une terrasse de café. C'est moi qui aie proposé l'idée et je ne sais même pas pourquoi. Je préférerais être chez moi plutôt qu'ici. Les visites en réanimation ne durent qu'une heure et ne commence qu'à 16h, ce qui ne m'arrange pas pour Antone que je dois laisser à la garderie au moins une heure.

— Ça me fait plaisir de te voir, dit-elle timidement pour casser le silence qui s'est installé entre nous.

— Tu avais perçu quelque chose ? Un mal-être particulier chez Jen.

— Non.

— Parce que moi oui. J'avais vu qu'elle n'allait pas bien et je n'ai rien fait.

Ma voix se brise complètement. Coralie se redresse et vient poser sa main sur la mienne.

— Tu ne pouvais pas savoir.

— Si, j'aurais dû être là pour elle.

— Tu étais déjà là pour elle. En répétitions, elle ne faisait que de parler de toi. Elle n'arrêtait pas de dire qu'il fallait faire une chorégraphie de telle ou telle manière car ça allait te plaire. Son monde, c'était toi.

— Mais je l'ai laissé partir quand même...

— Tu l'as sauvé Raphaël.

— Elle a laissé une lettre.

Coralie ouvre de grands yeux. Je cherche la lettre dans ma poche et lui donne. Je n'ai lu ses mots qu'une seule fois, j'ai été anéanti, je n'ai jamais pu la relire. Ce qu'elle écrit dedans, c'est trop pour moi. Coralie ouvre avec difficulté la lettre et commence à lire. Son regard suit l'écriture de ma femme et plus elle lit, plus ses yeux se mouillent. Elle relève finalement la tête. Une larme coule sur sa joue.

— Qu'est-ce que Yann a fait à Antone ? Me demande-t-elle.

Je baisse le regard. Jen ne lui en a pas parlé, en même temps, c'est logique, Jenifer n'allait pas se vanter de quelque chose comme ça. Moins de gens savent, mieux c'est. Même moi, à cet instant-là, j'ai dû mal à le dire aussi.

— La même chose qu'à elle.

C'est la seule phrase que j'arrive à dire. Je me sens incapable d'employer le verbe « violer ». Je n'arrive toujours pas à croire qu'il a fait ça à Jen. Si je croise ce mec, je le tue. Il a brisé ma femme, mon fils et maintenant il a même tué sa sœur.

— Je suis désolée Raphaël.

Coralie ne trouve plus les mots et j'avoue que je n'ai pas besoin d'entendre quoique ce soit. Je m'en veux seulement, d'avoir laissé Jen, de ne pas avoir pris en compte ses problèmes. Elle a toujours fait passé les miens avant les siens et je n'ai pas été capable de le faire à mon tour.

Derrière les Soleils (JENIFER FANFICTION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant