VINGT-CINQUIÈME JOUR ❥ ❥ ❥

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J'avale un énième Dragibus devant cet énième épisode de Grey's Anatomy, que je mate depuis le début de l'après-midi. Pleurer pour cette série est préférable que de pleurer pour cette date stupide qu'est le quinze avril. J'ai même pas envie d'y penser. Alors je me gave de bonbons et je regarde ma série, tranquille. Emmitouflée dans ma couverture, confortablement installée dans mon lit, me voilà interrompue au beau milieu de mon visionnage par la réception d'un texto. Je me surprends à vouloir que ce soit Jake. Et mon cœur rate un battement, lorsque je me rends finalement compte qu'il s'agit de Harry.
Il faut croire que le « moment » d'éloignement a prit fin hier avec l'envoie de son message, puisqu'aujourd'hui, il renouvelle la chose. J'essuie les larmes qui ont coulés sur mes joues et tente de lire le texte à travers mes yeux humides. Cette série me tuera un jour!


« Trouves une pharmacie de garde ouverte, j'ai besoin de vitamines. Prends tout ce que tu trouves. Payes les toi-même et je te rembourserai quand tu passeras à la maison. Fais vite. »Je pousse un grognement d'insatisfaction. Moi qui comptait passer ma journée à ne rien faire d'autre que de rester cachée sous ma couette, voilà que le casse-couille reprend du service. Je cherche rapidement l'adresse d'une pharmacie de garde à proximité et pioche dans mes économies avant de troquer mon pyjama pour une paire de jeans et un soutient gorge inconfortables. Je me saisis d'un t-shirt et d'une veste que j'enfile dans les escaliers et me dirige vers la porte d'entrée en faisant remarquer à ma mère que je sors et pars en vélo jusqu'à la pharmacie pour acheter ses vitamines au bouclé.

J'arrive même pas à être inquiète pour lui. Tout ce à quoi je peux penser est la date d'aujourd'hui. Bordel, pourquoi est-ce que ça me fait tant de mal? Sérieusement, c'est ridicule. C'est terminé depuis plus d'un mois, pourquoi est-ce que je continue d'y penser? C'est comme si j'avais besoin de me sentir mal en permanence. Autrement, je comprends pas. Je comprends juste pas pourquoi ça me blesse aujourd'hui plus qu'un autre jour, pourquoi j'ai besoin de me rendre malade avec ça.

Je frappe à la porte et quelques secondes plus tard, c'est Niall qui vient m'ouvrir, m'offrant un merveilleux sourire. Il se pousse et me fait signe de rentrer.

— Salut, Frances! Ça fait longtemps que t'es pas passée à la maison.
— J'apporte des vitamines à Harry.
— Oh! Il est cloué au lit depuis hier.
— Qu'est-ce qu'il a?
— Je saurais pas trop te dire. Quand Harry tombe malade, il a plusieurs maladies en même temps, on dirait. Il a toujours des symptômes différents chaque jours, alors c'est difficile à déterminer. Hier il a vomi et aujourd'hui il avait juste mal à la tête et un gros coup de fatigue.
— Personne ne l'emmène chez le docteur?
— Harry aime pas ça. Il essaye un peu tout les médicaments et au bout d'un moment, ça va mieux. Je suppose que si il t'a demandé de lui apporter des vitamines, c'est parce qu'il s'est senti fatigué. Et je suis sûr que si demain il a des maux d'estomac, il va te demander de lui rapporter des médicaments pour les maux d'estomac.
— Mais quel idiot, je souffle en grimpant les escaliers. Je suppose qu'il est dans sa chambre?
— Zone sinistrée, commente-t-il. La foire aux microbes.
— Petite nature, je me moque en montant à l'étage.

Je toque deux coups à la porte de Harry et en n'entendant aucune réponse, j'ose finalement rentrer. La pièce est plongée dans le noir. Je distingue à peine le lit du bouclé et la bosse que forme son corps sous sa couverture. Je m'approche tout de suite de son lit et dépose le sachet qui contient ses vitamines sur sa table de nuit.

— Frances? marmonne-t-il, d'une voix rauque.
— Je suis là.

Le bruit de froissement de ses draps m'indique qu'il est en train de bouger. Je me recule de quelques pas en me raclant la gorge. C'est étrange d'être de retour ici. J'ai l'impression de ne pas avoir franchir le seuil de cette chambre depuis des siècles.

— Tu vas bien?
— Mieux que toi, on dirait.

Il tend le bras de manière à allumer sa lampe de chevet. Il fronce les sourcils dans un premier temps pour s'habituer à la lumière et repose son attention sur moi, un petit sourire pendu aux lèvres. Je suis contente de le revoir. Je sais que je devrais lui en vouloir à cause de notre dernière conversation et à cause de son silence ces derniers jours... Mais avec ma petite déprime d'aujourd'hui, j'en ai vraiment pas la force. Il est affreusement pâle, des boucles lui retombent sur le visage et il me regarde avec de tout petits yeux brillants. J'imagine que c'est parce qu'il était malade qu'il n'a pas pu passer chercher Louis hier.

— Les vitamines sont là. Je vais y aller, je dis en pointant le sachet avant de tourner les talons et retourner vers la porte pour quitter la pièce.
— Hey, Frankie, m'interpelle-t-il.

Je me retourne prestement pour faire face à Harry qui se redresse brusquement dans son lit. Il grimace et pose ses mains sur son visage en grognant.

— Ugh, les étoiles. Je déteste ça..., dit-il pour lui-même avant de cligner des yeux et me regarder de nouveau. Frankie, qu'est-ce que t'as? demande-t-il soudainement.
— Tout va bien.
— Oui bien sûr, et si j'y crois pas à celle-là, tu m'en raconte une autre?
— Je vais bien, Harold, je réponds, un peu agacée.
— Viens t'asseoir.
— J'ai pas envie.
— C'est un ordre?

Nous nous regardons un long moment puis après l'avoir entendu renifler, je m'approche en soupirant d'indignation, m'avouant vaincue. Je m'assois près de lui sur son lit et nous nous regardons encore silencieusement pendant de longues secondes.

— Il y a un truc dans tes yeux qui m'fait dire que ça va pas.

Je baisse instinctivement le regard à l'entente de sa remarque. Depuis quand Harry Styles lit dans les yeux des gens? Je mords dans ma lèvre avant de passer ma main sur mon front. M'enfin, quoi qu'il arrive, il a raison et mes yeux m'ont lamentablement trahi.

— Aujourd'hui, ça... hum. Je me racle la gorge de nouveau. Je recommence. Ça aurait du faire huit mois avec mon ex aujourd'hui, je déclare en haussant les épaules.

Je lève les yeux vers lui et nous nous dévisageons encore quelques secondes. Harry semble confus.

— Oh, dit-il simplement en détournant le regard, cherchant visiblement quoi dire. Ça te rend triste?
— Un peu, je mens.
— Retire tes chaussures.
— Pourquoi faire?
— Fais-le.

Je fronce les sourcils et m'exécute. Qu'est-ce que le fait de retirer mes pompes va changer à la situation? Une fois fait, il se déplace un peu de manière à me laisser de la place et me fait signe de m'installer près de lui. J'hésite quelques secondes avant d'étaler mes jambes sur son lit et me caler contre sa tête de lit, à ses côtés. Il glisse son bras autour de mes épaules pour attraper un pot de Danette qui trône sur sa table de chevet. Je peux sentir la peau chaude de son bras passer dans mon cou. Je penche un peu la tête en avant et me demande pourquoi il est obligé de passer son bras par-dessus mes épaules au lieu de tendre le bras devant moi. Est-ce une espèce de technique comme le coup du « je m'étire en bâillant pour passer mon bras autour de ton cou » qu'on fait au cinéma? Il retire rapidement son bras après s'être saisi de ce qu'il voulait prendre.

Non, en fait, je crois que c'était juste pour me faire chier...

— Louis est un gros radin en général, commence-t-il. Il refuse que quiconque dans la maison ne touche à ses Danette. Elles sont bien trop précieuses à ses yeux. Mais quand je suis malade, il m'en donne toujours une, dans l'espoir que je me rétablisse vite. Je crois qu'une peine de cœur, si je puis dire, est plus difficile à guérir qu'un petit rhume de rien du tout, alors prends ma Danette, dit-il en me la tendant.

Je me mets à rire nerveusement, sentant les larmes me monter aux yeux. Je sais pas pourquoi je réagis de la sorte... Probablement parce que ce serait totalement le genre de truc que Andreas ou Charlie feraient pour moi, dans une situation pareille et ça me touche. Je m'empare du pot de Danette en prenant une longue inspiration, nos doigts se touchant lors de l'échange.

— D'accord, mais je te laisse la fin, parce que tu la mérite un peu quand même, je dis en retirant l'opercule. Tiens.
— Tu veux en parler? demande-t-il en s'emparant du petit morceau de plastique argenté pour y retirer le chocolat du bout de sa langue.
— Il n'y a pas grand-chose à dire je crois...
— Hum. Je vais poser les questions, alors. Comment vous vous êtes rencontrés?
— Tout bêtement... On est au lycée ensemble. J'ai été attirée par lui, il l'a su et il s'est intéressé à moi parce que j'étais à son goût aussi... et voilà.
— Comment vous êtes sortis ensemble?
— En gros... il a mis un mot dans mon casier en disant qu'il voulait sortir avec moi. Il trouvait ça plus romantique que de me le demander par texto. Et puis il était trop timide pour me le demander en face de peur de se prendre une veste... Ce qui était un peu stupide, étant donné qu'il savait pertinemment qu'il me plaisait, m'enfin... Ça s'est fait comme ça. J'ai lu son mot et dans ce qu'il y avait d'écrit, il me donnait rendez-vous quelque part. J'y suis allée et je lui ai dis que je voulais être avec lui et on s'est embrassé... très original, n'est-ce pas.
— ...et, comment vous vous êtes séparés?

J'ai un pincement au cœur. Je prends une grosse cuillère de Danette avant de mordre dans ma lèvre. Mon menton se met à trembler furieusement alors que je fixe le chocolat restant au fond du pot, incapable de lever les yeux vers Harry au risque d'éclater en sanglots. La plaie que notre rupture a laissé est toujours affreusement béante. Je pensais que la présence de Harry et les sentiments qu'il me fait éprouver avaient permis à mon cœur de me remettre de cette histoire, mais visiblement pas. Ça n'est jamais totalement parti. Jamais.

— Il m'a quitté pour une très bonne amie à moi. Elle est vraiment très jolie et très brillante. Bien plus que moi. Elle est amusante et attentionnée et blindée de fric. Le genre de fille qui fait rêver, si tu veux. Elle est un peu l'opposé de moi. Elle est grande et ses cheveux sont longs et châtains, toujours parfaitement coiffés, comme dans les films. Elle a les yeux verts, encore plus verts que les tiens et elle a une paire de seins énorme! Bref. J'faisais pas le poids.
— Tu viens de décrire l'idéal féminin de Niall, remarque-t-il. Il t'a trompé avec elle?
— J'en sais rien. Je sais qu'ils ont commencé à se voir avant qu'on se sépare, mais je sais pas si ils se sont embrassés, si ils ont couché ensemble... Je m'en fiche, j'ai pas envie d'y réfléchir. Le fait est qu'il m'a largué par texto. Comme une merde. Et puis il a commencé à s'afficher avec elle sur Facebook d'abord, sans gêne, sans se dire que peut-être ça me ferait du mal. Je pensais qu'il tenait un minimum à moi et que malgré tout, il m'appréciait, qu'il avait un peu de reconnaissance, mais même pas... Il a pas pensé une seconde que ça pourrait me blesser de le voir lui dire ce qu'il me disait, lui faire les déclarations qu'il m'a jamais faite... Alors j'ai voulu le blesser en retour.
— Puis t'as choisi de t'en prendre à sa voiture...
— Et je me suis trompée, lamentablement, je soupire. Je suis vraiment nulle. Je rate absolument tout ce que j'entreprends. M'enfin... ça m'apprendra à vouloir me venger... La vengeance, ça aide pas. Je sais que si j'avais réussi mon coup, je me serais sentie bien un quart d'heure maxi et j'aurais culpabilisé juste après. Je me serais dis qu'il ne reviendrait plus jamais vers moi après ça et j'aurais été encore plus malheureuse. Je me suis sentie coupable pour toi, sans te connaitre, alors imagine toi... Puis regarde où ça m'a mené de vouloir me venger... Aujourd'hui, j'en fais encore les frais. En plus d'être coincée avec toi comme Maître, j'arrive même pas à me remettre de ma rupture. Paye ta life, Frances!

Il se met à rire avant de glisser sa main dans mon dos, comme pour me réconforter, alors que j'enfourne une nouvelle cuillère de Danette dans la bouche.

— Excuse moi, Frankie.
— Tu t'es déjà excusé pour ça... Avant de me demander de descendre de ta voiture.
— Je sais, mais... je m'excuse encore. Pour ça et pour ce qui est arrivé dernièrement.

Je lui tends le pot de Danette, en esquissant un sourire. Il s'empare du dessert avant de se saisir de la cuillère que je tiens entre mes doigts.

— Harry, je peux descendre te chercher une cuillère propre si tu veux..., je lui dis à la hâte.
— Je crains pas, répond-il en plongeant la cuillère dans le chocolat avant de la porter à ses lèvres.

L'idée qu'il vient de m'embrasser indirectement me frôle l'esprit. OK, c'était drôle quand j'avais douze ans, cette blaguounette... Faut que j'arrête, bordel. Je ferme les yeux quelques secondes pour chasser cette pensée de ma tête avant de m'installer en tailleur. Je glisse ma main sur le front du bouclé en mettant ses cheveux en arrière, de manière à savoir si il a de la température.

— T'as de la fièvre Harry... Tu veux pas aller voir un docteur?
— J'aime pas ça.
— Niall me l'a dit.
— Alors pourquoi tu me demandes?
— Parce que si tu savais ce que tu as précisément, tu saurais quels médicaments prendre et tu guérirais plus rapidement.
— Je suis sûr qu'après avoir pris ces vitamines, je me sentirai mieux, geint-il, borné, en me tendant le pot de Danette vide.

Je soupire de frustration, le repose sur sa table de chevet et m'empare du sachet de médicaments pour le lui donner. Harry est probablement aussi têtu que moi. Il commence à prendre ses vitamines sous mes yeux avant de s'allonger dans son lit.

— Je t'interdis de quitter cette chambre, jusqu'à nouvel ordre. J'ai pas envie que tu rentres chez toi et que tu sois toute seule à broyer du noir pour un type qui le mérite pas... qui te jette parce que t'as des petits seins, parce que t'es blonde que t'en peux plus et parce que t'es pas très fut-fut...
— Euh, Harry...
— ... alors tu vas rester avec moi et je vais partager mes microbes avec toi, conclut-il, sans m'écouter.
— Je veux pas tomber malade.
— Je m'en fous. Allonge toi avec moi.
— Harry...

Il tire sur mon bras pour me forcer à me coucher et après être retombée sur le dos à ses côtés, il commence à me parler des sensations que sa maladie lui procure. Comme les goûts étranges qui lui viennent en bouche, les frissons désagréables qui lui hérissent les poils de manière presque douloureuse, les bruits dans ses oreilles quand il déglutit, ou encore le picotement affreux qui lui vient dans le nez quand il ne parvient pas à éternuer et j'en passe...

Je suppose qu'on est en quelque sorte réconciliés.

Mes désirs sont désordreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant