QUARANTE-DEUXIÈME JOUR ❥ ❥ ❥ i used to think that i was better alone.

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Je suis en train de manger mon goûter quand mon téléphone se met à vibrer au milieu de ma table de chevet. Je repose le livre que j'ai à lire pour mon cours de littérature et m'empare de mon cellulaire, la bouche pleine pour voir de quoi est-ce qu'il s'agit.
Harry.

Je sens mon cœur s'emballer dans ma poitrine à la vue de son prénom. Premières nouvelles depuis qu'il a décidé de couper les ponts pour quelques temps. Je pousse un soupir, glisse quelques mèches de mes cheveux derrière mon oreille avant d'ouvrir le texto.


« J'aurais bien besoin qu'une personne me fasse couler un bain... Je les aime moussants et parfumés. Si tu peux éclairer des petites bougies autour de la baignoire et me servir une coupelle de champagne, ce serait le top... Mais la mousse et les boules de bains, c'est déjà pas mal. Tu trouveras les produits dans la salle d'eau, fouille un peu dans les tiroirs. Personne n'est à la maison, mais il y a une clé de secours dans le pot de fleurs près de la porte. A plus tard. »

Original.

Je me lève, retire mon uniforme et enfile une paire de leggins, un pull et mes converses avant de dévaler les escaliers. Ma mère est là, elle discute dans le salon avec ma grand-mère. J'ignore si je suis encore punie ou non... Ca m'est égal, en fait. Je vais dans la cuisine sur la pointe des pieds et passe par la porte-fenêtre sans faire de bruit. Je m'empare de mon vélo et m'échappe rapidement de chez moi pour aller jusque chez Harry. Il fait un peu froid, mais je serai vite au chaud, alors je m'en tape un peu.

J'attache mon vélo devant chez les garçons et m'approche de la porte. Je regarde autour de moi veillant à ce que personne ne me voit avant de me pencher sur le pot près de la porte dans lequel est supposée être la clé. J'ai beau chercher, aucune trace de cette dernière. Je mords dans ma lèvre, soulève le pot, regarde en dessous, mais rien... Je passe ma main dans mes cheveux en considérant la plante pendant de longues secondes avant de m'en emparer par le tronc pour la soulever. Et voilà que là clé se trouve là, au fond du gros pot qui entoure le plus petit pot. Très subtil.

J'ouvre finalement la porte et pénètre dans la grande maison vide. Je retire mes chaussures à l'entrée après avoir remis la clé à sa place et monte rapidement à l'étage, tout droit dans la chambre de Harry. Elle a bien changé depuis la dernière fois que je l'ai rangé... C'est le bordel complet. Je trace jusqu'à la salle de bain et comme Harry me l'a demandé, je commence à faire couler un bain. Je fouille ensuite dans les nombreux tiroirs de manière à trouver des boules parfumées et un produit pour bain moussant.

Je tombe sur tout et n'importe quoi... De la mousse à rasage, de l'after-shave, de nombreux rasoirs – électriques ou pas, puis du spray coiffant, de la laque, du dentifrice neuf, des brosses à dents non utilisées, des coton tiges, des serviettes propres, un sèche-cheveux, des médicaments, des préservatifs, du lubrifiant, des pansements, des produits désinfectants, du parfum, des trousses de toilettes vides et ses fameux produits pour le bain. Je mets trois boules parfumées dans l'eau avant de faire couler quelques gouttes de bain moussant proche du jet d'eau pour que la pression forme des bulles. Je range le tout et souris en sentant le parfum du bain se diffuser dans la pièce. Je me tourne pour quitter la salle d'eau et rentre dans Harry, au même moment.

Je me recule de quelques pas et frissonne en voyant qu'il est simplement vêtu d'un boxer, prêt à faire trempette. Je fais tout pour rester concentrée sur son visage.

— Salut Harry.
— Hey, répond-t-il en tirant sur les extrémités de son boxer pour le retirer.

Je pose brusquement ma main sur mes yeux, ce qui le fait rire.

— C'est pas drôle, Harold. T'as aucune pudeur, putain!
— Aucune!

Je mords dans ma lèvre, complètement intimidée avant de le sentir passer à coté de moi, pour se plonger dans l'eau chaude, au cœur de la baignoire à laquelle je tourne le dos. Je retire ma main de mes yeux avant de marcher vers la porte pour m'en aller.

— Qu'est-ce que tu fais?
— Je sors de la salle de bain pour te laisser te relaxer tranquille.
— J't'ai pas demandé de partir.
— Tu veux que je reste?

Je me tourne pour le regarder et il hausse les épaules. La mousse a pris pas mal d'ampleur et son corps est caché sous celle-ci. Il me fait signe d'approcher avant d'appuyer sa tête contre le bord de la baignoire. Je m'exécute et m'assois devant cette dernière avant de coller mon dos contre son bord. Nous restons silencieux quelques instant. Seul le bruit de l'eau qui coule emplit la pièce.

— J'ai passé une semaine épuisante, finit par dire Harry. Répétitions nonstop, interviews par-ci, photo-shoots par là. On a pas eu une seconde à nous. C'est trop le bordel quand on commence une nouvelle tournée. On sait plus où donner de la tête, tout le monde nous veut sur leur plateau, à la radio... Parfois j'aime bien ça... Mais j'avais pas la tête à ça, cette fois.
— Pourquoi?
— Certaines choses me préoccupent en ce moment. Ca me bouffe toute mon énergie.
— Tu veux en parler?
— Non, dit-il après quelques secondes d'hésitation. T'as passé une bonne semaine, toi?

Je ferme les yeux quelques secondes en repensant à ma discussion avec mon frère dans sa voiture. Je suis amoureuse de Harry. Je tourne brièvement la tête pour regarder le bouclé avant de hocher la tête pour répondre oui. Nos regards s'accrochent un moment avant qu'il ne se concentre sur la mousse sous ses yeux, jouant avec, silencieusement. Je sais qu'il sait que je mens.

— Je t'en veux.
— Encore? fait-il en se mettant à rire faussement.
— Ouais, encore, je dis plus sérieusement, agacée. J'en ai marre que tu coupes les ponts à chaque fois. Ouais, c'est vraiment chiant quand tu fais ça. Que tu ne puisses pas me voir parce que tu es occupé à cause de ton métier, je peux comprendre, je vais pas t'en empêcher, j'suis personne pour t'empêcher quoi que ce soit à ce niveau, d'ailleurs. Mais le fait que tu décides de me mettre de coté parce que tu m'as tenu la main, ou parce que tu m'as dis des trucs sympa en étant ivre... Que tu me mettes de côté pour quelque chose qui touche... nos... notre relation, je déglutis. Ca m'énerve. J'en ai marre de te voir fuir à chaque fois. Je t'en veux pour ça. Parce que tu me fuis en permanence. J'ai bien compris pourquoi tu faisais ça...
— Ah bon? demande-t-il brusquement, visiblement gêné.

Je le dévisage en fronçant les sourcils.

— Tu fais ça parce que tu ne veux pas que je m'attache à toi?

Nous nous regardons droit dans les yeux de nouveau. Et en une fraction de seconde, je ne suis plus certaine d'être convaincue qu'il fuit pour cette raison. Son expression... je sais pas ce qu'elle a, mais elle est différente, elle est pas... je saurais pas comment expliquer, mais elle me laisser suggérer que je suis loin de mettre le doigt sur quelque chose.

— C'est pas une bonne solution, quoi qu'il en soit. Alors arrête ça, d'accord?
— D'accord, dit-il sans ajouter un mot de plus.

Le silence retombe. J'ai envie d'ajouter quelque chose. J'ai l'impression qu'il manque quelque chose à cette conversation. Je crois que je viens de lui avouer sans trop le vouloir que j'avais des sentiments pour lui.

— Tu sais... c'est toi qui aurait besoin d'un bain, t'es vachement tendue, Frances.
— Tais toi, Harry. Je suis parfaitement calme et détendue. C'est juste que tout ça... ça me contrarie.
— T'aimes pas être séparée de moi.

Je me tourne pour lui lancer un regard noir.

— J'aime pas être prise pour une girouette. Tu peux pas me jeter et revenir comme une fleur à chaque fois avec un message dans lequel tu me demandes de faire quelque chose pour toi. Je suis pas un jouet.
— J'ai l'impression d'entendre l'une de mes exs, dit-il en pinçant l'arrête de son nez.
— Là, tu mérites une baffe.

Il se met à rire avant de pointer le robinet du menton.

— Il y a assez d'eau dans mon bain.

Je soupire d'indignation et me lève avant de me pencher en avant pour tourner le robinet et couper l'eau. Brusquement, Harry se saisit de ma taille et sans que je ne puisse y faire quoi que ce soit, je me retrouve dans la baignoire avec lui. Je pousse un cri de surprise en m'écrasant presque sur lui, alors que ses bras restent entourés autour de mon corps pour m'empêcher de sortir. J'éclate de rire en repoussant mes cheveux mouillés en arrière, tentant de me débattre de l'étreinte de Harry.

— Je vais te tuer! Bordel Harry, t'es complètement malade, ma parole!

Il rit bêtement dans mon oreille en me maintenant contre lui. Je tourne la tête pour le regarder et croise directement son regard. Je frissonne en reculant mon visage de quelques centimètres, tenant à garder une certaine proximité. Il s'occupe de retirer la mousse que j'ai sur la tête.

— Oops, fait-il doucement en souriant, reposant finalement sa main sur ma hanche.
— T'as de la chance que j'ai pas mon téléphone sur moi... Oh, je passe mes mains sur mon visage. Si ma mère tente de me joindre, je vais encore me faire achever et punir et...
— Frances, t'es dans un bain chaud, avec la personne la plus sexy de la Terre et qui est toute nue en plus. T'es là pour te détendre et tu trouves encore le moyen de te prendre la tête. Relax, OK?
— La personne la plus sexy de la Terre, hum...

Il m'éclabousse tellement fort et tellement soudainement que je bois presque la tasse.

— Arrête toi là avant que je te noie, dit-il presque froidement avant de jouer avec les extrémités de mon pull au niveau de mes hanches, sous l'eau.

Je me mets à rire avant de dessiner des arabesques sur l'un de ses genoux qui ressort de l'eau, près de moi. Mon mascara doit avoir coulé sous mes yeux. Heureusement que je ne me maquille pas des masses... Je dois ressembler à un épouvantail quand même.

— J'espère que tu as des affaires de rechange pour moi, Harold.
— On va bien trouver ça, murmure-t-il en s'amusant à me faire des épaulettes en mousse. La sirène devient Capitaine.
— Gamin...
— Deuxième avertissement, au troisième, tu coules.

Je mets ma main sur ma bouche pour lui faire comprendre que je me tais avant de former un cœur avec mes mains, de manière à en faire une forme dans la mousse. Le résultat est dégueulasse et ça ressemble même pas à un cœur, mais qu'importe...



***


Je rentre finalement chez moi et ça ne rate pas, ma mère me tombe dessus, au moment même où je pose un pied à l'intérieur.


— Visiblement le sens de l'expression « privée de sortie » t'échappes.

Ca, c'est la phrase qu'elle m'a sortie quand j'ai retiré mes chaussures. Elle m'a suivit jusque dans ma chambre, elle m'a gueulé dessus, m'a parlé de mes conneries récentes, de mon comportement insolent, de ce que c'était susceptible d'engendrer prochainement. Elle a fini par remarquer les vêtements de Harry que je portais et elle s'est mise hors d'elle après ça. On s'est disputé pendant bien dix minutes, haussant toujours le ton plus fort que l'autre, pour finir par se hurler mutuellement à la gueule. Et quand elle a finalement quitté ma chambre, je me suis retrouvée sans portable et en larmes.

Ma mère ne me reconnait plus. Je me rends moi-même compte de la personne que je deviens. Je suis en train de perdre tout ce que j'ai toujours contrôlé jusqu'à maintenant: mes études, ma vie de famille et mon temps libre. Je sèches les cours, je m'endors en classe, je bâcle même mes devoirs parfois. Ma mère et moi, on passe notre temps à se disputer, je ne vois presque plus mon frère et je n'ai plus une minute à moi. Depuis combien de temps je n'ai pas passé une après-midi avec Charlie dans la balancelle de mon jardin pour discuter et boire un thé? Depuis combien de temps je n'ai pas passé d'après-midi avec mes meilleurs amis? Je ne peux plus rien faire de simple, je ne peux plus rien faire d'agréable.

J'ai l'impression que ça fait des siècles que je n'ai pas dormi suffisamment, j'ai l'impression que ça fait des siècles que je n'ai pas mis mon blog à jour, que je n'ai pas mis de vernis à ongles, que je n'ai pas regardé mon film préféré, que je n'ai pas fais la cuisine avec ma grand-mère, que je n'ai pas posé mon cul trente secondes pour souffler, que je n'ai pas été paisible, tranquille, bien dans mon corps et mon esprit.

Depuis que Harry est là, il n'y a plus que lui. Il me bouffe tout. Mon temps libre, mon équilibre mental, mon cœur. Il avait raison, j'en étais pas encore consciente à cette période là, mais désormais je me rends compte... Il m'a, complètement. Je suis devenue son esclave, véritablement. Purement et simplement.

Bordel, ça me tue de l'admettre, mais la voilà, la vérité en face. Celle qui fait affreusement mal. Et elles sont pour ça, mes putains de larmes. Je perds le contrôle. Dans d'autres circonstances, ça m'aurait déplu et je l'aurais détesté, ce putain de bouclé avec ses deux dents de devant qui ressemblent à des chewing-gum Freedent... Mais là, bordel.... Je fonce dans le mur et j'accélère. Je perds le contrôle et j'aime presque cette sensation.

J'accélère.

Mes désirs sont désordreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant