II. when can i see you again?

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Le vendredi en question, aux alentours de six heures du soir, comme promis, Harry passe me chercher. Je me moque immédiatement de sa dégaine; de la façon dont il a rabattu la capuche de son hoodie sur sa casquette, en plus des Ray Ban Wayferer qu'il a sur le nez. Ce connard répond qu'il est en deuil de ma subtilité. Je lui réponds, sans préavis, par un doigt d'honneur. Nous traversons Londres et Bob l'Éponge conduit un bon moment, durant lequel nous parlons de nos semaines respectives — lui de sa vie en colocation, vite fait de la fatigue accumulée avec le travail et de la série qu'il binge en ce moment et moi, de mes meilleurs amis, de ma mère et des révisions qui me rendent zinzin.


Après près de vingt minutes, le bouclé se gare sur un parking, dans un quartier résidentiel que je connais pas, au pied d'un immeuble d'une dizaine d'étages. Lorsque je demande ce qu'on est venus foutre ici, Harry me dit que c'est une surprise. Et vu son allure, plus que jamais, j'imagine que ça y est, je vais me faire assassiner de sang froid, un truc comme ça. Nous rentrons dans le fameux bâtiment, puis nous prenons l'ascenseur jusqu'au dernier étage et plus ça va, plus j'angoisse, en vrai. Arrivés au onzième étage, Harry me fait signe de le suivre dans les escaliers qui mènent jusqu'au toit et tape quelques chiffres sur le digicode qui assiste la porte avant de la pousser et comme ça, nous nous retrouvons dehors, avec vue sur le soleil qui se rapproche de l'horizon, East London et ses alentours.L'espace est aménagé, muni d'un jacuzzi dans un coin, de quelques chaises longues, d'une longue table et de nombreux palmiers et autres plantes allignés le long de la bordure du toit, pour contrer l'appel du vide, probablement. Quoi que, si j'étais la propriétaire de l'endroit, quitte à mourir, je préfèrerai me noyer dans l'eau qui fait des bulles, à la limite. Il y a du sable par terre, des pierres et des morceaux de pelouse synthétique à de divers endroits, alors naturellement, j'enlève mes chaussures. Harry me regarde comme si je venais d'une autre planète.


— Bah quoi?

— T'es pas obligée.

— J'ai envie, je lance en allant directement enfoncer mes pieds dans les petites dunes sur ma gauche. Toi aussi.


Pendant un long moment, Harry reste planté là, à débattre intérieurement s'il devrait un peu se laisser vivre ou pas. Puis il finit par défaire les lacets de ses Converses dans lesquelles il fourre ses chaussettes. L'instant qui suit, il se retrouve près de moi, une grimace déformant son visage, les yeux rivés sur ses pieds, submergés par le sable.


— T'aimes pas?

— Je crois que j'ai pas d'avis sur la question, répond-il en levant les yeux vers moi.

— C'est à toi cet endroit?

— Non, c'est à... l'un de mes Cool Friends, fait-il en regardant autour de lui avant de sortir son portable de sa poche. Ça te va, pizza?

— Champignons, please, je lance en sautant sur les pierres avant d'atteindre la pelouse et l'un des transats sur lequel je m'étale de tout mon long.

— Tu bois quoi?

— Ice Tea.


Je ne quitte pas Harry des yeux, alors qu'il commande nos pizzas, en faisant les cent pas dans le sable. Je me sens un peu coupable à l'idée d'être nourrie et blanchie, m'enfin. Au pire, la prochaine fois que je fais de la pâtisserie avec ma grand-mère, j'en rapporterai une généreuse portion à Harry. Il raccroche et s'approche pour venir tirer une chaise longue jusqu'à ce qu'elle soit collée à la mienne avant de s'installer dans un soupir.

Mes désirs sont désordreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant