VINGT-NEUVIÈME JOUR ❥ ❥ ❥ waiting for the wind to come.

5 1 0
                                    

Le jeudi étant pour moi la journée la plus chargée de la semaine, tout ce que nous avons fait avec Harry aujourd'hui a été de s'envoyer quelques messages en début de journée, entre midi et deux, et quand ma journée s'est terminée. Je m'assurais que tout allait bien pour lui et il me « rassurait » en me tenant au courant de ses dernières sensations et en me décrivant les nouvelles formes que formait sa morvelle au creux de ses mouchoirs – oui parce que c'est devenu sa nouvelle lubie depuis qu'il a remarqué que ça me dégoûtait.
En rentrant chez moi, j'étais tellement lessivée que j'ai fais mes devoirs à l'arrache, j'ai pris une douche longue et brûlante, mangé une soupe de légumes et je me suis couchée direct. C'était sans penser que Harry me réveillerait au beau milieu de la nuit en m'appelant...

— Frances..., halète-t-il au téléphone. Frances, il faut que tu viennes.
— Harry? Qu'est-ce qui s'passe? je demande, encore endormie.
— Je comprends pas... Je me sentais mieux, je... Je viens de vomir, je me sens pas bien du tout...
— Tu pleures?
— Non, crie-t-il presque, la voix tremblante et enrouée, me faisant clairement penser le contraire. S'il te plait, Frankie. Je sais que t'aimes pas venir la nuit, il renifle après que sa voix ne se soit brisée. Mais... Mais...
— Calme toi, Harold. Je vais venir. Calme toi.
— Hm mh...
— J'arrive.

Je raccroche et me lève brusquement pour sauter dans une paire de jeans et dans mes chaussures. Je ne prends même pas la peine de glisser dans une veste et passe par la fenêtre de ma chambre. Le froid me réveille instantanément, alors qu'un frisson secoue mon corps entièrement. Je trébuche sur une tuile et tombe sur le toit dans un bruit fracassant, me faisant même mal à la cuisse. Cependant, je ne me décourage pas pour autant, je me relève tant bien que mal et continue de marcher prudemment sur le toit du garage. Je descends le long de la gouttière et m'empare de mon vélo pour pédaler comme une dératée jusqu'à la maison des garçons.

J'abandonne ma bécane à selle rose près des escaliers qui précèdent l'entrée de la baraque, très peu soucieuse à l'idée de me le faire voler et rentre dans la maison sans frapper. Je m'apprête à monter les escaliers pour me rendre dans la chambre du bouclé, quand des sanglots provenant du salon m'interpellent. Je m'approche sur la pointe des pieds et me retrouve nez à nez avec Harry, allongé en boule dans un des deux sofas, vêtu d'un t-shirt et de son bas de jogging gris.

— Harry, je murmure en passant ma main au niveau de ses omoplates, lui faisant part de ma présence.
— Hm, marmonne-t-il dans ses bras, essuyant maladroitement son visage avant de lever ses yeux brillants de larmes vers moi.

Cette vision me fend littéralement le cœur. Je m'accroupis devant le canapé sans le quitter des yeux. Il reste allongé et sa respiration s'entrecoupe lorsqu'il inspire, alors qu'il tente de se calmer.

— Te mets pas dans des états pareils... tout va aller mieux.
— Ça passe pas... J'ai mal au ventre. Je pensais que les choses iraient mieux, puis tu m'as emmené chez le docteur... alors j'pensais vraiment que j'allais guérir. Mais c'est de pire en pire... J'ai vomis encore une fois après que tu aies raccroché. Je comprends pas... Ça me fait tellement mal, ça me frustre tellement aussi, ça me met tellement en colère que j'ai pas pu m'empêcher de..., se coupe-t-il.
— Il y a rien de mal à ça, Harry. Calme toi, d'accord? Je vais aller chercher tes médicaments et te préparer un thé.
— Ça passera pas... Ça passe pas, pleurniche-t-il, enfouissant à nouveau son visage dans ses bras, cachant certainement de nouvelles larmes.
— Fais moi confiance. Tu veux pas retourner dans ta chambre?
— Il fait trop chaud dans ma chambre, je suis mieux ici.
— Bien.

Je me lève et me dirige vers la cuisine dans laquelle je fais tout de suite chauffer de l'eau avant de fouiller dans le tiroir à pharmacie, cherchant désespérément quelque chose susceptible de soulager Harry. C'est vraiment étrange qu'il soit encore en train de vomir, alors qu'il devrait se sentir mieux. J'espère qu'il n'a pas quelque chose de grave...

Après avoir trouvé un comprimé et après avoir préparé son thé à la camomille comme il les aime quand il est malade, je retourne dans le salon, rassurée de voir Harry plus ou moins calmé. Son visage est toujours crispé par la douleur, cependant. Il se redresse et s'assoit en tenant son ventre avant de s'emparer de la tasse que je lui tends. Je glisse le cachet dans sa main libre avant de m'asseoir au sol juste devant lui pour m'adosser au canapé. Je ferme les yeux en soufflant avant de passer mes mains sur mon visage. Je suis foutrement fatiguée.

— C'est quoi?
— Antidouleurs.

Il avale le cachet et boit tranquillement, en silence. Après quelques minutes, je me tourne pour le regarder. Il semble tout aussi fatigué que moi. Il glisse sa main dans mes cheveux en esquissant un sourire.

— Tu as des épis de partout...
— Je suis venue le plus vite que j'ai pu, j'ai pas spécialement cherché à me coiffer.
— Je me sens coupable de t'avoir fait déplacer.
— T'occupes pas de ça, Harold.

Il ne répond rien et continue de boire son thé. Je me retourne pour regarder droit devant moi. Je suis tellement crevée que mes yeux me font mal. Bien que la lumière ne soit pas allumée, qu'il fasse assez sombre, j'ai besoin de fermer les yeux. La lueur du lampadaire dehors est assez forte et éclaire un peu la pièce. Je soupire.

— Les garçons ne sont pas là?
— Non.
— D'accord...
— C'est toi que je voulais, de toute façon.

Je me fige à l'entente de sa phrase, ne sachant quoi répondre.

— Enfin, je veux dire... Tu t'occupes de moi comme ma mère ou ma sœur. Louis aurait essayé de prendre ma température, Zayn met son téléphone en silencieux la nuit, c'est même pas la peine d'essayer de le joindre. Liam l'éteint carrément. Niall m'aurait laissé crever... Niall me laisse toujours crever.
— Tu te rappelles de ça.
— De ça quoi?
— Tu m'as déjà dit ce genre de truc, je dis en me tournant pour le regarder. Il fronce les sourcils, ne comprenant visiblement d'où je veux en venir.
— Quand?

Je mords dans ma lèvre.

— Le soir où tu étais bourré.
— Ah.
— Tu as dis que Niall t'aurait laissé crever dans le caniveaux, si tu lui avais demandé de venir te chercher. Tu cherchais à te justifier... Pour m'avoir appelé moi et pas l'un des gars.
— Ah, répète-t-il, confus.

Un silence s'installe.

— Bref. Comment tu te sens?
— Pas terrible.
— Allonge toi, je lui ordonne en lui prenant la tasse des mains pour la déposer sur la table basse.

Harry s'exécute. Il garde ses jambes repliées contre son ventre, son bras barrant son estomac. Nos regards se croisent et nous nous fixons pendant de nombreuses secondes. Les yeux de Harry brillent encore.

— T'es différent.

Il hausse les épaules après quelques secondes en poussant un petit soupir.

— Je... j'ai pas la force d'être distant avec toi.
— Alors tu le reconnais.
— Quoi?
— Que tu es distant avec moi. Que tu mets des barrières entre nous.

Tout ceci me ramène à notre conversation téléphonique. A notre dernière grosse dispute. J'ai peur qu'il me remballe. J'ai tellement peur de sa réaction que j'en ai une boule au ventre. Nous continuons de nous regarder.

— Oui, lâche-t-il après une poignée de secondes.
— Juste oui?

Je me maudis intérieurement d'insister. Il admet. C'est déjà un grand pas, pourquoi est-ce que j'ai ce besoin d'en avoir toujours plus de la part de Harry? C'est maladif. Je baisse les yeux, brisant notre contact visuel. Je sens le vent arriver.

— Hm...
— Pourquoi tu fais ça? Pourquoi t'agis comme ça?

Je lève les yeux vers lui et croise de nouveau ses iris claires, même dans la pénombre de la pièce.

— Je sais pas, murmure-t-il en fermant les yeux.

Je reste immobile quelques secondes, à analyser la situation. Après un moment, je me rends compte à quel point je suis fatiguée et à quel point en fait, je n'ai aucunement la force de m'attarder sur tout ça. Je pose mon bras sur le bord du canapé et glisse ma tête au creux de celui-ci, me retrouvant ainsi proche du visage de Harry. Assise au sol, appuyée sur le canapé, au beau milieu de ce salon plongé dans le noir, simplement éclairé par le lampadaire à l'extérieur, je continue de regarder Harry qui, les yeux clos, semble plus paisible que tout à l'heure.

— J'ai mal au ventre, souffle-t-il, brisant le silence. Ses paupières restent fermées.
— Ça va aller mieux, promis.
— Tu pars pas, hein?
— Je reste là.
— Reste là...

Je me souviens que quand j'ai prononcé ma dernière phrase, je comptais m'en aller dès que Harry serait endormi... Seulement...

Mes désirs sont désordreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant