QUARANTE-NEUVIÈME JOUR ❥ ❥ ❥

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"Bonjour vous. Je sais qu'il est hyper tôt, j'espère que le vibreur de ton portable ne te réveillera pas. Je t'écris tant qu'il en est encore temps avant de devoir éteindre mon téléphone. Je pars avec les gars pour Brighton. On a une série d'interviews pourries à assurer là-bas et je pense pas être rentré à la maison avant ce soir, donc on se verra probablement pas aujourd'hui. La tournée commence dans un peu plus de dix jours et ça risque de devenir mouvementé, j'aurais de moins en moins de temps pour te voir. J'ai quand même un service à te demander: Est-ce que tu peux passer à la maison et préparer des affaires pour moi? On a une soirée ce soir et j'aurais jamais le temps de trouver quoi porter. Tu vas te moquer de moi, mais je suis pire qu'une fille quand il s'agit de choisir mes fringues. Alors fais toi plaisir, épluche mon dressing... Choisis un truc décontract', hein. Passe une bonne journée et excuse moi auprès de ta meilleure amie pour t'avoir kidnappé hier. Je t'embrasse. Harry. x"


— Je t'embrasse, Harry, fait Charlie en imitant la grosse voix de Harry, grimaçant. Ne te marie jamais avec lui... Il a l'a l'air d'être un gros assisté, continue-t-elle en me rendant mon téléphone.
— Ce que t'es mauvaise, constate Andreas en pinçant Charlie.
— Pourquoi veux-tu que je me marie avec lui, on est même pas ensemble.
— Vous vous roulez des galoches entre une machine à laver, trois boites de conserve et un sèche linge, il t'embrasse à la fin de son message, il est tout mielleux et presque mélodramatique quand il te dit que vous vous verrez pas... Pour moi, ça pue l'amour, ça pue le sexe, ça pue le mariage et les gosses à trois mille kilomètres.
— Charlie n'a pas eu sa dose journalière de sucre ce matin, s'exclame Andreas en glissant un paquet d'Oreosdans notre panier.
— Me porte pas l'œil, espèce de tarée, je lui réponds finalement en haussant les sourcils.

Nous sommes actuellement dans une petite supérette près du lycée en train de faire nos petites courses pour manger ce midi. Dans notre panier repose des chips, trois canettes de soda et des biscuits. Nous sommes à la recherche de notre plat de consistance. Charlie est particulièrement désagréable depuis ce matin - parce qu'elle a ses règles – et Andreas n'arrête pas de la taquiner, la rendant encore plus sanglante et méchante.

— On en reparlera quand tu m'appelleras depuis ton palace pour me demander d'être ta demoiselle d'honneur.
— Moi aussi je pourrais être ta demoiselle d'honneur? demande Andreas en tournoyant sur lui-même le long du rayon, l'air rêveur.

Je réponds par un simple soupir d'indignation avant de me pencher sur les sandwichs frais qu'ils proposent dans le magasin. C'est toujours la galère pour trouver des garnitures qui ne contiennent pas de viande ou de poisson. Je pousse un nouveau soupir en voyant Charlie s'emparer d'un sandwich jambon beurre et Andreas se saisir d'un sandwich au thon, simplement, facilement, sans prise de tête.

C'est finalement la mort dans l'âme, après avoir envisagé de prendre un sandwich jambon emmental, dans l'idée de retirer la tranche de jambon pour me retrouver avec un sandwich au fromage, que je me décide à prendre une barquette de carottes râpées. A la guerre comme à la guerre... je pourrai toujours me rattraper sur les chips.


***Voilà près de dix minutes que je suis allongée sur le lit de Harry, près des vêtements que j'ai choisi pour lui, comme il m'a demandé de faire. Dix minutes que je soupire environ toutes les huit secondes, ne sachant trop si je dois rire ou pleurer. Dix minutes que j'ai eu l'excellente idée de toucher aux boutons de son poste pour m'ambiancer avant de ranger les affaires à plier dans un sac. Dix minutes que j'y ai trouvé le CD, après m'être lassée de la radio, sur lequel Harry a gravé les chansons de la playlist que je lui avais écrit sur le bras, le jour de notre première sortie. Le Onzième jour du pacte. Énième soupir. Son odeur est là, toute autour de moi. Mon cœur bat dans mes oreilles, comme si je venais de courir vite, longtemps et sans jamais m'arrêter. La musique est basse et le soleil commence à se coucher dehors. Le ciel devient foncé et l'horizon beige. Soupir. J'ignore quand est-ce qu'il va rentrer. J'ignore si il va me surprendre là. J'ignore si je vais finir par me lever, si je suis en train de l'attendre, si je vais m'endormir.

Je suis paisible, pour une fois je ne pense pas. Je ne me pose pas de question sur Harry et moi. C'est plus simple. Je me laisse porter par la douce musique. Par ces paroles qui donnent un sens à tout. Je ferme les yeux quelques secondes en laissant mes doigts glisser le long de la couture du jeans aplati contre le matelas qui se trouve là, près de moi. Soupir. C'est la piste 5. Always Attract.

Harry a pris le temps de faire un CD.

Il s'est posé derrière son ordinateur et plutôt que de simplement laver les mots que j'avais laissé sur sa peau, il les a immortalisés au cœur d'un petit morceau cylindrique gris. Gravés. Ce geste me rend affreusement heureuse mais il me donne aussi envie de pleurer toutes les larmes de mon corps. Je sais pas trop pourquoi. Probablement parce que ça veut dire que tout ça a réellement un sens pour lui. Je me demande si il l'a déjà écouté. Si il a aussi la playlist dans son lecteur. Si il l'a écouté en allant à Brighton, aujourd'hui.

Finalement, je ne peux pas rester sans me poser des questions. Nouveau soupir.

Je me redresse péniblement, s'en est presque douloureux. Je ferais probablement mieux de m'activer si je veux rentrer avant qu'il ne fasse complètement nuit. Ma mère risque de s'inquiéter. Puis le calme devient oppressant et j'ai juste envie qu'il soit là. Je devrais cesser de me torturer de la sorte. Je me lève et plie rapidement ses affaires, les glisse dans un sac. Lorsque je suis prête à partir, je stoppe la chaîne hi-fi pour couper le CD dans sa lecture. Je soupire de contentement, rassemble mes affaires et quitte la maison le sourire aux lèvres, presque nostalgique.

Mes désirs sont désordreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant