TREIZIÈME JOUR ❥ ❥ ❥ you know that I could use somebody, someone like you.

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Je soupire de frustration en reposant la manette de xbox près de moi pour me saisir d'une part de pizza. Mon frère m'imite et après avoir mordu dans son gros morceau de nourriture triangulaire isocèle (NDR : c'était pour pas faire de répétition et réutiliser le mot « part » qui est relatif à la pizza, d'accord? Je suis sûre que ça vous impressionne, hein? C'est la L ça, mes amis. La filière de l'élite sociale.) bourré de jambon, il se tourne vers moi pour me regarder.
— Bon déballe, c'est quoi le problème? demande-t-il, la bouche pleine.

J'avale lentement ma bouchée et hausse les épaules en tirant sur les fils de fromages qui dépassent de ma pizza pour les manger. Ce soir, le colocataire espagnol de mon frère ainsi que des potes qui sont à l'université avec lui sont partis se pinter dans un pub. Et comme Tom avait pas trop la tête à se bourrer la tronche, il a préféré m'inviter à l'appart pour passer une soirée jeux vidéos entre frangins pour le fun. Comme c'est les vacances et comme c'est chez Tom, ma mère était d'accord. Seulement, je suis vraiment déprimée ce soir à cause de quelques trucs. Mis bout à bout, me voilà contrariée. Je pensais que passer une soirée avec mon frère me ferait penser à autre chose, mais j'me trompais.

— Tout va bien..., je mens pour ne pas le saouler avec mes problèmes futiles.
— Oui, tout va tellement bien que ça fait trois quarts d'heure que je te lamine à Tekken 6.
— J'vois pas ce qu'il y a de mal au fait que tu gagnes.

Je mords dans ma part de pizza avant de lever les yeux vers lui pour le regarder d'un air de Merlan Frit. Il soupire en posant sa main sur mon visage comme pour me faire comprendre que je dois arrêter de le regarder comme ça.

— Hé bien, à moins que tu me laisses gagner depuis tout à l'heure, ce qui m'étonnerait très fortement puisque tu as horreur de perdre, tout va mal parce que tu me maraves toujours la tronche à ce jeu. C'est ton jeu, Frankie. Tu magnes la manette comme personne, t'es le Zorro de la xbox, Doña Frankista De La Vega, exagère-t-il ce qui me fait lever les yeux au ciel. T'es la reine des prises improbables que seuls les Geeks de longue date savent enchaîner. T'es l'impératrice des coups qui dégomment ma jauge de vie en douze secondes. Il n'y a que quand tu rumines un truc que tu perds constamment, j'te connais pas cœur. Ah et, autre preuve que tu vas pas bien: On vient de faire une trentaine de combats donc, et t'as pas bronché une seule fois! Alors que d'habitude, tu m'envoies des trucs inhumains à la gueule pour me faire comprendre que je t'aurais jamais ou alors tu exploses et tu fais ton cinéma parce que j'ai eu le malheur de te mettre KO pendant un seul et misérable round. Et là, t'as pas gagné une seule fois et t'es restée passive, est-ce que tu t'en es rendue compte?
— Tu plaisantes, j'en ai gagné au moins...
— Non, pas une seule partie Frankie, pas une. C'est parce que tu penses à autre chose. Alors accouche.
— Mais j'ai...
— Accouche, j'ai dis!

Je souffle en lui lançant la croûte de ma part de pizza dessus pour faire une moue boudeuse. Il se met à rire et la mange à ma place avant de glisser son bras autour de mes épaules, me rapprochant de lui, comme pour me faire un demi-câlin.

— C'est le gars pour qui t'as fais le mur qui te fait des misères?

Je sais qu'il dit ça totalement au hasard, mais c'est drôle parce qu'il ne doit pas se douter une seule seconde qu'il tape tout droit dans le mille. Le simple fait de penser à Harry me fait un pincement au cœur. Plus le temps passe et plus je me dis que la journée qu'on a passé ensemble ne lui a pas plu tant que ça, parce qu'il ne me donne aucun signe de vie.

— Ouais, en partie, je réponds au bout d'un moment. Enfin, il ne me fait pas de mal à proprement parlé. En fait, je crois que je m'en fais toute seule. Puis Charlie et Andreas sont partis en vacances. Je suis toute seule ici, je me sens vraiment délaissée, comme la dernière des connes. Ça me rend triste.
— Profite de ton temps libre pour passer des moments exclusifs et mémorables avec ton frère adoré... Puis les vacances d'avril avant les exams sont toujours les plus chiantes parce qu'il faut bosser. Te prends pas la tête pour ça, c'est le début de la dernière ligne droite, c'est normal que ce soit déprimant. J'sais ce que c'est, mais j'serai là pour t'épauler. Parle-moi de ce mec..., dit-il avant de se servir une nouvelle part de pizza.
— On a passé une après-midi ensemble et il m'a pas rappelé depuis. Ca fait que deux jours que j'ai pas de nouvelles. Ca doit te paraître que dalle, mais il avait l'habitude de m'envoyer un texto tout les jours. J'ai pas envie d'envahir son espace vital, alors je préfère ne rien faire et attendre qu'il revienne, mais ça me vexe parce que je commence à me dire qu'il n'a pas gardé un aussi bon souvenir que moi de cette journée... Tu crois que c'est pour ça?
— Tu sais que je suis nul pour donner des conseils ou mon point de vue face à une quelconque situation quand il s'agit d'histoire de cœur... je dirais seulement que ce type est stupide de ne pas te rappeler parce qu'il sait pas à coté de quoi il passe. Il vient de perdre deux jours de sa vie loin de la personne la plus chiante, c'est sûr, je ris en lui donnant un coup dans l'épaule à l'entente de ses mots. Mais! s'exclame-t-il en riant à son tour, prenant mon poing au creux de sa grosse main. Mais... il passe aussi à coté de la personne la plus intéressante de cette planète. Sa vie doit être hyper triste en ce moment. J'imagine.
— Tom...
— Moi j'ai de la chance, parce que je passe ma soirée avec toi. Mais lui, il doit sacrément s'ennuyer. Il doit être occupé à faire quelque chose, mais je suis sûr qu'il pense à toi et qu'il se dit « putain, qu'est-ce que j'aimerais être avec Frankie... »— Tu dis n'importe quoi.
— Possible..., réalise-t-il en grimaçant.

Il retire son bras d'autour de moi pour s'emparer de la bouteille de Coca-Cola et boire au goulot. Après s'être désaltéré, il reprend sa manette en soupirant.

— Mais moi je t'aurais rappelé.

Je lève les yeux vers lui en esquissant un faible sourire, sentant soudainement mon cœur se gonfler de bonheur. J'ai peut être pas de nouvelles de Harry, mais au moins j'ai mon frère qui se tue à me faire passer une bonne soirée. J'ai pas le droit de tout gâcher, pas pour ce bouclé aux dents de Bob l'Éponge qui ne me recontacte pas. J'attache vulgairement mes cheveux en un chignon lâche et récupère ma manette d'un air déterminé. Harry Styles n'est plus autorisé à pourrir mes pensées. Plus pour l'instant.

— Tu vas te prendre une raclée, j'ai une trentaine de parties à rattraper...
— Ca, c'est ma sœur! Ou devrais-je dire, le frère que j'ai toujours rêvé d'avoir dans un corps de fille.
— Ta gueule, Tom. Tiens j'te choisis ton personnage, je triture les boutons de sa manette et valide l'une des filles avant qu'il ne me la retire des mains.
— Ah mais non, Frances! crie-t-il en fronçant les sourcils alors que je m'empresse de démarrer la partie. Putain, mais elle est trop nulle celle là en plus! C'est de la triche, j'exige qu'on recommence...
— Mais tu corresponds bien à l'image de ton personnage, espèce de chochotte, mauvaise perdante.

Je commence à appuyer sur les boutons de ma manette en ricanant, faisant quelques prises. Paniqué, mon frère s'empresse de jouer de manière à se protéger de mes attaques.

— Frankie..., commence-t-il en tapant désespérément sur les boutons, complètement au hasard. Frankie laisse moi te..., continue-t-il en tournant un peu la manette comme si bouger en réel pourrait avoir un quelconque impact sur la position de son personnage dans le jeu. Laisse moi respirer..., gémit-il alors que je rue son personnage de coups à l'aide du mien dans un coin du décor dont il ne peut sortir. Frankie, laisse moi de l'espace pour... Oh! Frances Rose Williams..., s'énerve-t-il. Putain de... OK. Merci, dit-il en jetant sa manette sur la moquette part terre, passant ses mains sur son visage alors que je viens de le mettre KO.

Ma jauge de vie est intacte. J'éclate de rire et me lève en faisant un petite danse de la victoire, les bras en l'air.

— C'est qui le maître? Hein? C'est qui le maître, Tomi? C'est qui qui domine?

Il se met à rire à travers son petit caca nerveux avant de me sauter dessus pour me tordre le bras.

— Tom! je hurle en tentant de me débattre.

Et c'est comme ça que nos milieux de soirées se déroulent... Il y a toujours un moment donné où on se bat comme des enfants. Jusqu'à ce que l'un d'entre nous se fasse réellement mal... Et en général, c'est Tom qui gagne ce round là.

Mes désirs sont désordreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant