FINALE ❥ ❥ ❥ stuck on the puzzle.

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— Pause déjeuner! s'exclame Tom en traversant le couloir pour descendre les escaliers et rejoindre la cuisine.
Je ferme un dernier carton et soupire de contentement en regardant rapidement autour de moi. Ma chambre se vide, lentement mais sûrement. Tous mes objets fragiles ou précieux sont enveloppés dans du papier journal et sont soigneusement empilés au cœur de multiples cartons marqués par mon écriture "FRAGILE FRANCES" et étroitement scotchés, prêts à être tassés dans le camion de déménagement.

J'ai vécu ici toute ma vie. J'ai appris à faire du vélo dans la rue en bas et j'ai souffert de mille et une blessures en jouant avec imprudence au milieu de mon jardin. Mon frère m'a quasiment tout appris sur la vie, j'ai rencontré mes meilleurs amis, j'ai détesté mes voisins trop bruyants ou trop peu tolérants quand moi, je faisais du bruit. Dans cette chambre j'ai ri, pleuré, passé des heures à me poser des questions existentielles sur mon insignifiante existence et aujourd'hui, je quitte tout ce que j'ai toujours connu pour un autre endroit.

Quand ma grand-mère est décédée il y a de ça quelques mois, ma mère est tombée en dépression.
Plus tôt ce mois ci, elle a eu confirmation de la part de sa boîte: sa demande de mutation a été acceptée. Pour faire son deuil, elle a décidé qu'elle voulait changer d'air. Quitter cette maison, quitter ses repères, Londres... Et tout recommencer à zéro autre part.

Il est hors de question que je laisse ma mère seule durant cette passe difficile, donc je quitte Londres avec elle. Nous partons pour Canterbury. Ce n'est pas très loin de la capitale et ce n'est pas très loin de Brighton non plus. Je pourrais donc toujours voir mon frère, qui reste ici et Andreas qui fait toujours ses études dans le compté du Sussex.

Puis au fond, je crois que moi aussi, j'ai besoin de changer d'air.

Je pose ma main sur mon estomac et hausse les épaules avant d'attraper un nouveau carton pour le déplier. Je n'ai pas faim pour l'instant, je peux un peu continuer d'emballer mes affaires avant que mon ventre ne se mette à gargouiller. Je tire sur le premier tiroir de mon bureau et commence à faire le tri. Je jette mes vieilles affaires de cours qui ne me servent plus à rien et conserve ce qui me tient à cœur en les plongeant au fond du carton.

La quantité de choses dont je me débarrasse est déconcertante. C'est bête, mais je me sens plus légère. J'ai rempli trois cartons seulement et plus de cinq sachets poubelles. Ma chambre est pratiquement vide, désormais. Il ne me reste plus qu'à faire le tri dans mes vêtements et sortir mes meubles. Le premier tiroir vide, je m'attaque au second.

Je mords dans ma lèvre lorsque je me retrouve avec une pile de lettres, liées par un morceau de ficelle, au creux des mains. Ce sont les lettres que Harry m'a écrites quand il était en tournée en Amérique, en 2012. Tout ce qu'il a toujours voulu me dire, tout ce qu'il a voulu mettre au clair mais qu'il ne pouvait pas faire de vive voix par manque de temps et par timidité, ce trouve là, entre mes doigts. Je touche le timbre New Yorkais de la lettre qui se trouve au sommet de la pile et m'assois en tailleur par terre, de manière à m'installer. Je tire sur la petite cordelette et mords l'intérieur de ma joue en extirpant le papier que contient la première enveloppe qui me tombe sous la main.

Je survole la feuille du regard et esquisse un sourire en lisant la phrase que Harry a repassé plusieurs fois au stylo, à la fin de sa lettre. "Je t'aime trop pour te laisser penser que je peux vivre sans toi, désormais."
Je ferme les yeux en sentant des papillons s'envoler dans le fin fond de mes entrailles et tremble sous les battements frénétiques de mon cœur. Tout redevient intense en une fraction de seconde et je me rends compte que ça a toujours été comme ça, avec Harry. Intense. Je range la lettre dans son enveloppe et la replace avec les autres rapidement. Je les saisis toute entre mes mains et fais glisser mon pouce le long de leur bord, une à une, comme un folioscope. Il doit y en avoir près d'une trentaine. Harry m'a dit qu'il avait écrit tout les jours pendant environ un mois. Donc ce doit être ça. Les enveloppes sont de couleur et de taille différente et je trouve ça beau, c'est comme dans un film. Un garçon a fait ça pour moi. C'est drôle. C'est étrange.

Un garçon, pas n'importe quel garçon... Avec le recul, Harry a fait énormément de choses pour moi, trop de choses dans le genre d'ailleurs. Le genre de choses qui n'arrivent qu'aux autres, en général. Le genre de choses qu'on lit dans les livres, qu'on voit à la télévision. Les expériences qui arrivent qu'une seule fois dans la vie d'une seule personne et qui font rêver.

Il m'a traîné en Alaska, à Reading Festival et dans les fêtes Londoniennes les plus étranges. Je crois que j'ai encore un bonnet avec des bois d'élan quelque part dans mon armoire, que j'ai ramené de notre voyage en amoureux, et dans le tiroir doit se trouver mon bracelet du Reading Fest. Les souvenirs me submergent soudainement. Je revis notre visite de la maison et je rentre les épaules en repensant aux bras de Harry m'entourant sur la grande terrasse, mes pieds sur les siens pour être plus haute et voir l'horizon. Le sexe dans la tente au festival, l'envie d'être bruyants tant c'était intense, mais l'obligation de rester silencieux par respect pour les personnes endormies autour de nous – OK, c'était surtout un jeu, mais personne n'est obligé de le savoir. Puis les musiques bizarres crachée par les énormes baffles aux quatre coins d'une pièce minuscule, pas assez d'espace et trop de personnes, excuse de Harry pour danser trop proche de moi, frottant sa peau humide contre la mienne jusqu'à ce que le contact ne devienne brûlant, insoutenable.

Puis tout s'enchaîne, je me retrouve plongée dans une spirale de flashbacks... Mes dix-huit ans avec cet énorme gâteau que Harry a fait faire et le groupe ainsi que mes meilleurs amis au complet à la maison. On a tous fini déchirés, au cœur de mon salon à jouer à "Je n'ai jamais...". Puis notre premier Noël avec nos 25 days to go et la première rencontre de nos familles respectives... Le comportement de mon frère avec Harry et le rentre dedans qu'il a fait à Gemma avant qu'elle ne lui mette un stop. L'entente immédiate de nos mères, la familiarité de ma grand-mère avec Harry, les compliments sur ses exploits culinaires et cette ambiance agréable, mémorable. J'ai du vague à l'âme.

Je ris doucement en me souvenant de la fois où on pensait que j'étais enceinte puis à notre toute première grosse dispute. Je crois que c'était durant l'anniversaire de Louis, à cause de toutes ces crèves la dalle qui tournaient autour du bouclé pendant que passais la pire soirée de ma vie après qu'on m'ait poussé dans la baignoire de sa chambre, cette dernière remplie d'alcool. Je frissonne de dégoût en me rappelant de la forte odeur et de la chair de poule se forme sur mes bras lorsque le souvenir du froid de cette veille de Noël picote la plante de mes pieds. J'ai quitté la fête d'anniversaire de l'aîné de la bande pieds nu. Et Harry m'a couru après dans la rue pour que la dispute éclate, puis que les choses rentrent dans l'ordre deux pâtés de maisons plus tard, au moment où j'ai commencé à m'enrhumer.

Puisque j'en suis aux premières fois, il y a eu notre première sortie officielle placardée, déformée et retranscrite – en détails sans que Harry ni moi ne parlions de quoi que ce soit – dans une dizaine de magazines dont Andreas fait toujours la collection. Ma première rencontre avec des fans calmes et des fans hostiles, qui m'ont fait pleurer dans les deux cas, de rire ou de colère. L'apparition de nos premières faiblesses en tant que couple ainsi que la découverte de nos plus grandes forces. Mon premier concert des garçons à Londres puis à Manchester, notre premier anniversaire de couple et la soirée désastreuse que ça a été.

Son repas a brûlé, ce qui nous a forcé à manger une assiette de pâtes au ketchup, puis il a plu très fort dehors donc on a pas pu aller là où il voulait m'emmener. On s'est donc retrouvé à jouer au twister au beau milieu de son salon avec Suck It And See en bruit de fond. Et à chaque chute, on devait descendre un shooter de Vodka pure, pour rendre les choses plus intéressantes. A l'issue de la soirée, incapable de se redresser sous la quantité ahurissante d'alcool que nous avions dans le sang, on a finit par s'embrasser paresseusement sur la tapis en plastique aux ronds colorés avant de s'endormir comme des masses dans les bras de l'autre, entamant notre seconde année de couple avec une affreuse gueule de bois.

Notre première Saint Valentin, avec mon nez cassé. Je passe mon doigt sur la petite bosse qui déforme désormais l'arrête de ce dernier. Les adorables attentions du bouclé ce soir là et l'excellente pizza qu'il avait apporté. D'ailleurs après cette soirée, on ne commandait plus qu'à cette pizzeria là. Elle risque de me manquer quand je serais installée à Canterbury...

Je fronce les sourcils en me remémorant ma rencontre avec l'ex de Harry. Les lettres que je tiens entre les mains me rappellent son existence, subitement. Il parle énormément d'elle et de leur relation dans ces dernières. Violet.Elle est vingt mille fois plus jolie que moi et probablement plus futée, avec son regard malicieux et son sourire narquois. Je me souviens de ma jalousie bouillonnante et des nombreux complexes que j'ai développé après l'avoir vu... Bordel, c'est difficile d'être un déchet à côté de l'ex de son petit ami, quand même. Mais on a survécu à ça. Il a survécu à ma jalousie maladive et j'ai survécu à la sienne et à la soirée qu'on a passé à l'hôpital quand il s'est ouvert la main en se battant avec un type qui avait envie de me beurrer sur une tartine pour son quatre heures. J'crois que même si ce petit épisode nous a valu d'être en froid pendant de longues heures, j'ai réellement compris à ce moment là que j'avais pas besoin d'avoir le physique de son ex pour vraiment compter à ses yeux.

Mon ventre se tord lorsque je revois ses yeux brûlants de désir me sonder lors de nos premiers rapports sexuels et cette lueur familière qu'il a toujours adopté, à chaque fois qu'on se déshabillait. L'importance que j'avais et la manière qu'il avait de me transmettre la tendresse, la fougue, le besoin, la passion dans le moindre geste, le moindre regard. Que les lieux soient romantiques ou pas, que ce soit rapide histoire de soulager des tensions, brutal après une dispute ou long et attentionné, c'était toujours spécial.

Il y a eu énormément de bons moments et il y en a aussi eu des mauvais. De très mauvais. Il m'a fait souffrir à certains moments et le pire ça a été de voir nos rapports se détériorer, nos sentiments changer avec le temps. Je frissonne à cette pensée. Toutes les bonnes choses ont une fin. Je fixe longuement le sachet poubelle et dans un premier temps, je me dis que je devrais me débarrasser de ces lettres.

Harry et moi, on s'est quittés d'un commun accord. Jeter un paquet de lettres ne devrait probablement pas m'affecter tant que ça, surtout que j'ai lu leur contenu tant de fois que je connais les mots par cœur, ils sont imprimés dans mon cerveau. Que les lettres soient là ou pas, je me souviendrait éternellement de ce qu'elles renferment. Je me sens bizarre. Je suppose que c'est normal d'être nostalgique quand on a vécu une si belle histoire d'amour...

— Franny, tu viens pas manger?

Je lève brusquement les yeux vers l'encadrement de la porte et me surprends à cacher les lettres dans le carton à moitié plein qui se trouve à côté de moi. Tom me regarde étrangement, un sandwich à la main, la bouche pleine. Je baisse les yeux vers mes mains plongées au fond du carton, encore serrées autour des lettres et avec le recul, en examinant ma réaction, je me dis que ce n'est pas anodin. Harry me manque probablement un peu trop. Et par fierté, ou probablement, juste pour me protéger, je refuse de me l'admettre. Ça fait un moment, maintenant...

— Frankie? fait doucement mon frère après un moment, me ramenant à la réalité.

Je me lève d'un bond et j'ai l'impression d'être projetée trois ans auparavant, quand Harry et moi étions à peine libérés de notre contrat. Je dévale les escaliers en trombe et dépasse la porte sans un mot avant de grimper dans ma voiture pour y mettre le contact. Je m'attache prestement et quitte mon futur ancien lotissement. Il y a trois ans de ça, c'était en vélo que je me dirigeais chez Harry. Il faisait encore nuit, les rues n'étaient pas bondés et on était amoureux. Et même si aujourd'hui, c'est tout le contraire, je suis dans le même état d'esprit: Je quitte ma maison sur un coup de tête et je me rends chez Styles sans savoir pourquoi, sans savoir quoi lui dire. Simplement parce que c'est ce que mon cœur me dit de faire et parce que parfois, j'aime bien le laisser prendre les choses en main, laissant de côté ma raison.

Je me gare à l'entrée du quartier, préférant me rendre jusqu'à la grande maison à pied. C'est toujours aussi tranquille, ici. Les dalles ne sont plus les mêmes et ils ont rajouté des arbres le long du trottoir. C'est chic et le quartier fait encore plus posh qu'avant. Lors de mon ascension jusqu'à la maison, que j'aperçois d'où je me trouve, je me rappelle la première fois que j'ai emprunté ce trottoir, avec Harry sur le dos. Fraîchement larguée par Jake, complètement désespérée et effrayée par mon récent engagement avec le chanteur, j'étais loin de me douter que deux ans après, je ferais le chemin inverse en pleurant, à la suite de notre rupture. Et le jour de ma rupture, j'étais encore moins consciente que un an et quelques mois plus tard, je reviendrais sans réel but.

Juste parce que j'ai retrouvé des lettres enfermées dans un tiroir pendant trois longues années en faisant mes cartons de déménagement.

Lorsque j'arrive devant la maison, mon cœur fait une chute libre dans ma poitrine. Sur la porte est cloué un carton qui dit "à vendre". Visiblement, je ne suis pas la seule à quitter mon passé. Les garçons n'habitent plus ici.

Je reste immobile pendant quelques minutes à examiner la façade de cette maison dont je connais les moindres recoins. Je me tourne et pince mes lèvres lorsque mes yeux se posent sur le lampadaire contre lequel j'abandonnais mon vélo. Je grimpe les escaliers qui précèdent la porte d'entrée et touche le bois de cette dernière en souriant pour moi-même, entendant les mots de Harry résonner dans mes oreilles. "Je trouve que cette porte te va bien."

Je recule d'un pas lorsque la porte s'entrouvre sous le contact de mes doigts. Peut-être que quelqu'un est à l'intérieur, en train de visiter. Je pousse la porte et tends l'oreille après avoir posé les pieds dans l'entrée. Il n'y a pas un bruit. La maison est complètement vide. Il n'y a plus de meubles nulle part et aux premiers abords tout ici semble mort. Pourtant ça sent toujours comme eux.

Je ne réfléchis pas et monte immédiatement les escaliers. Une marche craque sous mon pied et c'est à cet endroit exact que Harry m'a demandé de l'embrasser après avoir trébuché sur moi. Au détour du couloir, je me rappelle de ma première entrevue avec Liam qui était torse nu, m'indiquant la chambre de Harry. Il n'y a plus de poster sur la porte de cette dernière quand j'y jette un coup d'œil. Toutes les portes de chacune des chambres est ouverte et bordel, ça sent les garçons à plein nez. Je me rappelle de l'odeur de la laque de Zayn, les chaussures de Louis, le shampoing de Harry, les chips au barbecue de Niall. J'ai vécu au cœur de cette maison, comme si c'était la mienne. Me retrouver ici, c'est presque comme être à la maison. Je connais tout par cœur.

Je pénètre dans la chambre qui appartenait à Harry et fais comme si le lit se trouvait toujours là, devant moi. Le bureau à ma droite, proche de la fenêtre et dans mon dos, le mur habillé de ses multiples cartes postales. Je nous revois boucler sa valise avec peine le jour où il est parti en tournée. Je nous revois en train de nous embrasser, comme si notre vie en dépendait et ça me fait mal.

Je vais jusque dans la salle de bain et tout est sombre dans cette dernière puisqu'elle ne dispose pas de fenêtre. Je devine quand même le rebord de la baignoire et la cabine de douche. Je m'approche de la baignoire puis m'allonge à l'intérieur. Harry a déménagé. Je me rappelle que cet endroit était top secret pour eux. C'était leur Maison, l'endroit dans lequel ils étaient certains de ne pas se faire emmerder. J'imagine qu'ils vivent dans une somptueuse villa désormais, bien plus grande que celle là, qu'ils sont parti d'ici parce qu'ils ont fini par être découverts. Ils sont tous les cinq dans une maison dont je ne connaîtrais jamais la localisation. Ni moi, ni personne d'autre qu'eux et leurs proches.

Lorsque je quitte la chambre de Harry, j'ai une boule dans la gorge. Je descends par les escaliers qui débouchent sur la cuisine et je ravale difficilement mes larmes quand mes pieds me mènent jusque dans la buanderie. C'est à ce moment là que je me dis qu'en rentrant, je mettrais les lettres à la poubelle. Harry est une énorme partie de ma vie. Il est la personne que j'ai aimé le plus fort. C'est normal d'être bouleversée.

C'est douloureux parce que tout ça me manque. Péniblement, je me rends compte que je n'ai pas totalement tourné la page. J'étais consciente que c'était fini quand on s'est séparés, je suis consciente que c'est terminé aujourd'hui. Qu'il ne reviendra pas. Il faut que je fasse mon deuil. Probablement un peu comme ma mère. J'ai rompu avec un être cher, je l'ai perdu. Quand on s'est séparés, je l'aimais toujours. Ça ne marchait plus à cause des circonstances, à cause de mon état d'esprit, à cause de sa célébrité. On a vite été submergé par tout ça à un certain point de notre relation. Je crois qu'aucun de nous ne voulait vraiment mettre fin à notre histoire, véritablement.

Peut-être qu'il y a juste une partie de moi qui continue de s'accrocher à un infirme espoir.

Avec Harry, tout a toujours été une affaire de Destin. J'ai ruiné sa voiture à la place de celle de Jake. Quelles étaient les probabilités pour qu'on tombe amoureux alors qu'on se détestait? Alors qu'il avait sa vie, que j'avais la mienne, alors qu'on était complètement différents sur pratiquement tout les fronts? Il aurait pu ne jamais me retrouver, j'aurais pu ne jamais tenir et mettre fin au contrat bien avant le cinquante huitième jour. J'aurais pu être riche et j'aurais pu repayer la peinture de la voiture dès le départ et on aurait tracé nos routes, comme ça. J'aurais pu ne jamais vouloir faire ça à Jake. Harry aurait pu choisir de se garer sur un autre parking. J'aurais pu ne jamais déménager, j'aurais pu ne jamais retomber sur ces lettres en fouillant dans mes affaires. J'aurais pu jeter ces lettres. J'aurais pu ne jamais poser les pieds ici... Le Destin.

Je croise mes bras sur ma poitrine pour réprimer un frisson et m'aventure, peu sûre de moi, dans le salon. La lumière aveuglante du soleil pénètre dans la pièce et éclaire son entièreté. Sans les canapés, la table basse et l'immense meuble sur lequel reposait la télévision, la salle de séjour est effroyablement immense. Je me sens petite au milieu de cet espace. La poussière s'est accumulée sur la petite étagère en bois clouée au mur. C'est la seule chose qui reste dans cette pièce déserte.

Cette maison me ressemble. Elle est gorgée de souvenirs, mais désespérément vide.

Soudainement, du bruit dans mon dos. Des talons claquent au sol, ce doit être l'agent immobilier. Si la porte était ouverte, c'est que quelqu'un était là, en train de visiter. Probablement le jardin, le garage... Je me retourne et me retrouve nez-à-nez avec une femme de petite taille, vêtue d'un tailleur bordeaux, assorti à son rouge à lèvres, les cheveux tirés en un chignon serré. Elle me regarde curieusement.

— Vous êtes ici pour visiter la maison? demande-t-elle incrédule en jetant un coup d'œil à son petit calepin, intriguée par ma présence, pensant probablement que je suis une cliente en avance.

Et c'est à ce moment là qu'il apparaît dans le salon, aux côtés du petit bout de femme. Les mots restent coincés dans ma gorge lorsque nos regards se croisent. Lorsqu'il me reconnaît, son visage change tout de suite d'expression. Ses yeux vert émeraude fixent les miens pendant de nombreuses secondes et c'est comme si rien n'avait changé. Cette intensité... J'ai l'impression que mon cœur va transpercer ma cage thoracique, tellement il bat fort dans ma poitrine. Pourquoi est-ce qu'il visite son ancienne maison?

— Vous arrivez trop tard, mademoiselle, dit-il de sa voix grave et lente, subitement, un sourire malicieux pendu aux lèvres. Cette maison n'est plus à vendre car elle m'appartient, désormais. Il s'avance lentement au centre de la pièce et arrivé à ma hauteur, il regarde autour de lui avant de finalement déclarer, tout en plantant de nouveau son regard dans le mien: Ces murs renferment des souvenirs dont je suis incapable de me séparer.

Le Destin.

Mes désirs sont désordreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant