VINGT-SIXIÈME JOUR ❥ ❥ ❥ i wanna save you.

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Je me mets à paniquer en entendant la sonnerie de fin de cours retentir. Bordel, j'ai pas terminé la conclusion de ma dissertation de philosophie.
— Il vous reste cinq minutes, fait calmement mon prof.

Autour de moi, de nombreux élèves de ma classe se lèvent pour rendre leurs copies et quitter la salle en faisant un bruit monstre, ce qui me distrait et me stresse plus encore. Je soupire de frustration, me relis rapidement et me contente de lamentablement bâcler la fin de mon devoir. C'est donc encore sous pression et insatisfaite que je quitte ma salle de classe avec trois autres de mes camarades, à l'issue de ces fameuses cinq minutes, pour rejoindre mes deux meilleurs amis qui m'attendaient dans le couloir.

C'est la pause de midi et comme nous reprenons à quatorze heures, nous avons le temps de sortir en ville pour manger quelque chose sans se presser.

— Ça s'est mal passé, Franny? ose demander Andreas après que nous ayons quitté le bâtiment.
— J'ai passé trop de temps sur mon brouillon, du coup j'ai foiré ma conclusion.
— T'en fais pas, commence Charlie. C'est le contenu du devoir qui compte le plus de toute façon.
— Puis tu te ramasses toujours des quinze en philo..., me reproche presque mon meilleur ami. Bref, j'ai trop la dalle. On mange où? Moi j'ai trop envie d'une pizza.
— Oh non, on mange tout le temps de la pizza le Lundi, j'en ai ma claque. Pourquoi pas des pâtes?
— Des pâtes? Tu veux pas de la soupe aux choux du secours catholique, non plus?
— T'es casse-couille Andy, se plaint Charlie. On a qu'a faire un papier, cailloux, ciseau pour départager.

Je m'apprête à suggérer un endroit pour les séparer avant qu'ils n'en viennent aux mains, quand soudainement, le vibreur de mon téléphone dans ma poche m'interrompt. Je l'extirpe rapidement de celle-ci et décroche après avoir jeté un coup d'œil à mon écran, faisant signe à mes meilleurs amis de continuer ce qu'ils font, sans s'occuper de moi, tout en m'éloignant un peu d'eux.

— Salut Harry.
— Frankie, frémit-il dans mon oreille. Je me sens trop mal...
— Comment ça? Qu'est-ce qui se passe? je demande, inquiète.
— Papier! cailloux! ciseaux! disent mes acolytes, leurs mains dans le dos.
— J'ai trop mal au cœur, c'est insupportable. J'ai chaud, puis froid... et j'peux pas bouger sans avoir des haut-le-cœur. J'ai l'impression que je vais crever. Les gars m'ont laissés, je suis tout seul à la maison. J'ai... j'ai besoin de toi.
— Aha, gagné! scande Charlie en levant fièrement les mains vers le ciel.
— Non, mais... c'est de la triche, Charlene... Le papier enveloppe les ciseaux et les étouffent!
— Je...
— S'il te plait, me coupe-t-il faiblement.
— Frankie, on a trouvé où manger. Tu viens? m'interpelle Charlie.
— J'arrive, Harry.
— Merci... merci.

Je raccroche et reviens à la hauteur de mes meilleurs amis, une mine confuse sur le visage.

— Je... je peux pas venir. C'était Harry.
— Oh, fait Andreas, un peu inquiet, alors que Charlie lève les yeux au ciel.
— Je suis désolée, ne m'en voulez pas, pitié. On se voit plus tard, d'accord? je lance à la volée, en m'éloignant déjà rapidement d'eux, pour la seconde fois.
— Sois pas en retard cet après-midi! me crie Charlie avant que je ne sois trop loin pour l'entendre.


***


Je rentre chez les garçons sans frapper et monte directement dans la chambre de Harry. La maison est effroyablement silencieuse. Comme Harold l'avait précisé, personne n'est là, mis à part lui. Sa chambre est, tout comme hier, plongée dans le noir. Seulement cette fois, il n'est pas dans son lit. Voyant de la lumière jaillir de sa salle de bain, je m'approche prudemment de celle-ci après avoir abandonné mon sac au sol et découvre Harry penché au-dessus de la cuvette des toilettes en train de rendre.

Je glisse lentement ma main le long de son dos nu – puisque monsieur n'est simplement vêtu que d'un boxer –tout en m'accroupissant près de lui, avant de remonter ma main dans sa chevelure ondulée pour la caresser. Il pousse une petite plainte de dégoût avant de tirer la chasse d'eau, visiblement à bout de force. Je m'empresse de lui tendre quelques feuilles de papier toilette de manière à ce qu'il puisse s'essuyer la bouche.

Je suis l'assistante à vomissements de cette bande. Après Zayn, Harry... A qui le tour? Louis, Niall... des volontaires?

Finalement, il se lève fébrilement pour s'approcher du lavabo, de manière à se rincer la bouche et se rafraîchir le visage. Après une poignée de secondes, il se redresse et me regarde tristement par le biais du miroir. Il est encore plus pâle qu'hier et le dessous de ses yeux est affreusement sombre. Il semble vraiment mal en point, le pauvre.

— J'aurais aimé que tu ne vois jamais ça, plaisante-t-il en soufflant un coup.
— Tu te sens mieux, maintenant que tu as vomi?
— Bof, c'est pas ce qu'il y a de mieux, répond-t-il en passant sa main sur son visage humide.
— Retourne t'allonger, je vais te préparer quelque chose à manger.
— Oh non, soupire-t-il en s'appuyant sur les bords du lavabo. J'ai pas faim, Frankie. J'ai peur de vomir encore une fois. Je déteste ça, ça me prend toutes mes forces. C'est la troisième fois ce matin, je suis à bout, là.
— Personne ne prend de plaisir à vomir, je suppose. Mais crois-moi, tu préfères mille fois vomir quelque chose que tu as ingurgité que ta bile.

Il se tourne pour me faire face et je me fais violence pour ne pas le regarder de haut en bas. Je lui fais signe de me suivre et nous quittons tout les deux sa salle de bain. Il se laisse lourdement retomber sur son lit, faisant grincer celui-ci en poussant une petite plainte.

— Merci d'être venue à mon secours, marmonne-t-il dans son coussin avant de se tourner sur le dos pour me regarder.

Pendant une seconde, j'ai envie de lui rappeler que lorsqu'il était bourré, il a dit que j'étais son héroïne, mais je m'abstiens, pour ne pas réveiller de vieilles tensions.

— Tu as des médicaments dans quelle pièce de cette maison?
— Il y en a dans un tiroir, dans la cuisine... tu trouveras.
— Bien. Une préférence pour ta soupe?
— Poulet.
— Et pour ton thé?
— Camomille, quand je suis malade. Avec un seul sucre et une cuillère de miel... Mais Frankie, ça me dit rien du tout, j'ai vraiment pas faim.
— L'appétit vient en mangeant, Styles. Ça te fera du bien. Si tu as envie de vomir, je laisse la porte de la salle de bain grande ouverte, je dis en liant ma parole à mes gestes.
— Merci, chuchote-t-il en se blottissant dans sa couverture, à bout de force.

Ça me fait un pincement au cœur de le voir dans cet état. Il est si faible, si vulnérable. Je quitte sa chambre pour me rendre dans la cuisine. Après avoir mis la théière sur le feu, je fouille dans les multiples placards pour y trouver des sachets de soupe au poulet. En préparant un bol, je cherche un plateau sur lequel tout rapporter, ainsi que des couverts et c'est en fouillant pour une cuillère que je tombe sur le tiroir à pharmacie, bourré d'homéopathie et comprimés en tout genre. A travers les multiples boîtes, je parviens à mettre la main sur des cachets susceptibles de calmer les maux de cœurs de Harry. Après avoir préparer avec minutie son repas, je remonte à l'étage pour le retrouver. Je dépose le plateau sur son bureau avant de m'approcher de son lit.

— Tu peux te redresser?
— Ouais, dit-il en s'exécutant.

Je place ses coussins contre sa tête de lit avant qu'il ne s'appuie contre ceux-ci. Après m'être assurée qu'il était à l'aise, je place le plateau sur ses genoux et m'installe près de lui en soupirant légèrement. Il entame son repas, sans grande conviction.

— C'est parfait, Frances... Mais j'ai pas faim.
— Fais un effort.
— Mais...
— S'il te plait. Une cuillère pour Frankie.
— Ouais, et une cuillère pour Louis, une cuillère pour maman, une cuillère pour la voisine, une cuillère pour le cochon-dinde... Me prends pas pour un garçon de cinq ans, Frances.

Je me mets à rire à sa remarque et le regarde qui s'empare tout de même de sa cuillère pour la plonger dans sa soupe et la porter à ses lèvres. Après quelques secondes, il mord dans sa lèvre.

— Mmh... C'est vrai que ça fait du bien, avoue-t-il avant de reprendre une cuillère. Merci.
— Mange doucement. Prends ton temps, sois patient avec ton pauvre petit estomac. C'est assez salé?
— Oui, c'est parfait. Merci.

Je crois que Harry ne m'a jamais autant remercié en un mois entier. Je souris un peu malgré moi avant de détourner le regard. Le silence retombe pendant quelques minutes, le temps que Harry déguste sa soupe.

— J'ai entendu ta copine parler tout à l'heure, dit-il soudainement, attirant tout de suite mon attention. Je suis désolé d'avoir ruiné tes plans pour ce midi.
— Tu me demandes de rappliquer, je rapplique, je réponds en pointant le contrat affiché sur son armoire. C'est dans le pacte. Son regard suit mon doigt et un petit sourire se dessine sur son visage avant qu'il ne reprenne une cuillère de sa soupe. Je me serais sentie coupable si j'étais allée manger avec eux au lieu de t'aider.
— C'est vrai?
— Mh hm.
— Si t'as faim, du coup, tu peux aller te servir dans la cuisine.
— Ça va aller, t'en fais pas... Il me semble que j'ai quelque chose dans mon sac, je dis en m'emparant de celui-ci.

Je défais la fermeture et me saisis d'un Tupperware dans lequel repose quelques cookies. Je retire le boitier et prends un biscuit avant de le porter à mes lèvres. Je lève les yeux vers Harry au même moment et ce dernier me regarde envieux, se désintéressant totalement de sa soupe, alors que je déguste une première bouchée. Il renifle tristement en reposant sa cuillère, sans quitter le cookie du regard.

— C'est... c'est ta grand-mère qui les a fait?
— Oui, on les a fait toutes les deux.
— Oh..., fait-il en dévorant le biscuit des yeux.

Je succombe rapidement à sa moue et lui tends la boite qu'il regarde avec un air de Merlan Frit.

— C'est vrai, je peux?
— Dépêche-toi, Styles... avant que je change d'avis.
— Mais je voudrais pas t'ôter le pain de la bouche, déjà que tu m'as préparé tout ça...
— Sois pas bête, t'en meurt d'envie. C'est un peu comme un dessert... Puis ce serait trop cruel de les manger devant toi.
— Merci Frances, dit-il comme stupéfait, en se servant.
— De rien... Maître.
— T'es trop gentille avec moi, ça me fait peur. T'as empoisonné ma soupe c'est ça?
— C'est ça, tu vas tomber raide dans deux minutes.

Il sourit.

— Ta matinée s'est bien passée? demande-t-il en croquant un petit morceau du cookie qu'il se met à mâchouiller, pour, je suppose, pouvoir le savourer. Et éventuellement le terminer dans un quart d'heure, minimum.
— J'ai eu une dissertation de philo sur table. J'ai eu du mal à la finir. Alors on va dire que j'ai connu mieux.

Je termine mon biscuit et lève les yeux vers le bouclé pour regarder son visage se décomposer lentement. Je fronce les sourcils en le voyant longuement considérer le cookie comme si il l'avait trahi.

— Quoi? C'est pas bon?
— C'est abomifreux, Frankie! J'me posais pas trop de questions au début, parce que la soupe au poulet n'a pas beaucoup de goût, alors j'trouvais pas ça choquant, mais... J'me rends compte que... avec cette maladie à la con... ce cookie n'a absolument aucun goût! geint-il en reposant le cookie sur son plateau pour boire une gorgée de son thé, complètement dépité.

Une idée me vient en tête. J'esquisse un sourire et m'empare d'un nouveau cookie et mords dedans avant de lancer, l'air de rien:

— Je suis convaincue que si t'allais chez le docteur, dans trois jours grand max, ce cookie aurait du goût à nouveau. Mais bon après, j'dis ça, j'dis rien, hein...
— Trois jours? T'es sûre?
— Peut-être même deux et demi, qui sait.

Il fait mine de réfléchir, les yeux plissés, la bouche serré. Au début, je sens qu'il est assez sceptique, qu'il ne me croit pas des masses. Je me fais violence pour ne pas rire et continue de manger mon cookie d'un air totalement détaché, ce qui peu à peu, finit par le convaincre, visiblement. Je sais pas si c'est les microbes, ou si c'est parce que ce type est naïf de nature, mais on pourrait lui faire gober n'importe quoi. Le chantage de la bouffe... Classique!

— Tiens, prends mon téléphone! propose-t-il à la hâte en s'emparant de l'appareil tactile qui trônait sur sa table de nuit.

Mes désirs sont désordreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant