DEUXIÈME JOUR ❥ ❥ ❥ ascenseur émotif.

12 1 0
                                    

Je défais le cadenas de mon vélo et enjambe la selle de manière à m'en aller. Lorsque je lève les yeux vers la fenêtre de leur maison, je peux voir les quatre garçons me fixer, le rideau remonté sur leurs visages, ne se remettant visiblement pas de mon existence et de ma « dévotion » pour leur pote Harry. OK, ils s'y feront... Tout comme moi: lentement, mais sûrement.
Il était 9heures08 quand j'ai quitté leur quartier de bourges. Depuis, je ne fais que courir. Je ne crois pas que Harry ait les yeux plus gros que le ventre, il doit sûrement vouloir nourrir toute la maison avec tout ce qu'il m'a demandé de lui apporter. Il doit même en avoir assez pour ses voisins, voir même la Somalie entière.

Harry demande: Un thé Chai très sucré de Starbucks ainsi qu'une part de Cheesecake et une bouteille d'Arizona, des croissants pas trop dorés et des chouquettes chez ce boulanger français. Il demande aussi du pain arabe puis du pain d'épice spécial qu'on ne trouve que dans une grande surface assez éloignée du centre ville. Il veut des Oreos à acheter dans une supérette - qu'il à l'air d'adorer visiblement, puisqu'il me demande d'y prendre plusieurs choses, comme des œufs bio ainsi que des Bagels et une tablette de chocolat aux noisettes, entre autres. Je dois aussi passer prendre du lait chocolaté en petite bouteille mais que je dois acheter dans une autre supérette très à l'opposé de la précédente, du chocolat hors de prix à acheter chez un Chocolatier spécialisé dans les fêtes et les mariages, des macarons au cassis et à la vanille, des caramels mous, de l'ananas en barquette du traiteur chinois, un Mocha au chocolat blanc provenant du café où nous avons établi notre pacte, de la pâte d'amande rose d'une boulangerie tenue par une femme qui ressemble un peu à Bree de Desperate Housewives, du bacon, un paquet de McVittie's et une bouteille d'eau minérale.

J'ai presque pleuré quand je me suis rendue compte que tout ceci tenait sur mon vélo et dans mon sac à dos. J'ai fixé les boissons dans le panier qui se trouve à l'avant de ma bécane avec quelques articles qui aidaient à les tenir droites. Le reste rentrait dans mon sac - bien que je n'ai pas réussi à le fermer en entier. Et le reste du reste était dans un sachet de courses que j'ai fixé autour de mon cou.

Quand j'arrive finalement chez Harry à 11heures32 après avoir couru dans tout les sens pour trouver tout ce qu'il voulait, je suis la fille la plus heureuse du monde. Je parviens à sonner à la porte en appuyant sur la sonnette avec mon coude, les bras pris par le petit déjeuner de Harry. Je ne vois même pas qui m'ouvre et le remercie, le timbre de mon ton faisant clairement comprendre que je suis en difficulté.

— Il est où?
— Dans la cuisine, me répond le gars, refermant directement la porte derrière moi, un ton de stupéfaction se faisant entendre dans sa voix.

Je me dirige alors vers ce que je devine être la cuisine et dépose le tout sur la table face à Harry avant de m'apercevoir qu'il tient un bol de céréales entre ses mains. Il me regarde d'un air d'autoroute, comme si il ne comprenait pas pourquoi je lui ramenais tout ça. Je sens la présence de ses quatre acolytes dans mon dos.

— T'as mis beaucoup trop de temps. Tu croyais quand même pas que j'allais me laisser mourir de faim en attendant que tu te ramènes?

Ses paroles font dégringoler mon cœur au fond de mon estomac. J'ai envie de hurler, de jeter tout ce qui se trouve au centre de cette table au sol et piétiner toute la nourriture avant de l'étrangler jusqu'à ce que quelqu'un parvienne à nous séparer. Au lieu de ça, je garde difficilement mon calme. Je suis au bord des larmes, en vérité. J'aimerais lui expliquer que traverser toute la ville pour trouver tel et tel endroit ne prend pas cinq minutes. Faire la queue derrière des gens qui ont tout leur temps, ça ne prend pas cinq minutes non plus. Je me suis démenée pour lui apporter tout ça le plus vite possible et voilà ce que je récolte en retour.

Bref. J'attaque les cours à 13heures. J'ai pas de temps à perdre. Il faut que je rentre prendre une douche, enfiler mon uniforme, manger. Je suis épuisée et j'ai envie de pleurer. Je sais qu'il le remarque, mon menton tremble furieusement. Mais il ne s'empêche pas de déguster ses céréales sous mon nez, ne se sentant aucunement mal pour moi. Je glisse ma main dans ma poche et en extirpe la monnaie de l'argent qu'il ma donné. Je déglutis difficilement, tout en ravalant mes larmes, m'apprêtant à m'en aller, quand mon regard se pose sur le gobelet vert et blanc avec le logo de Starbucks dessus. Je lève les yeux vers Harry qui me regarde étonné.

— T'es encore là? Qu'est-ce que t'attends pour partir? Que quelqu'un t'escorte jusqu'à la porte? Sors de ma cuisine.

Je m'empare du verre à une allure fulgurante, défais le couvercle et lui lance son thé à la figure avant de lui jeter le gobelet vide dessus, les larmes coulant d'elles-même le long de mes joues. Je pousse les garçons sur mon passage, restés dans l'encadrement de la porte avant de m'enfuir vers la sortie en sanglotant. Je m'empare de mon vélo resté au sol et pédale avec vivacité jusque chez moi déterminée à rentrer le plus vite possible.

Je le déteste du plus profond de mon être. Sincèrement.

Mes désirs sont désordreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant