CINQUANTE-NEUVIÈME JOUR ❥ ❥ ❥ heartburn.

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J'ouvre brusquement les yeux en me sentant tomber dans mon sommeil. Je soupire de frustration et cligne plusieurs fois des paupières, sentant un sanglot se coincer dans ma gorge et ma respiration s'accélérer, alors que de nouvelles larmes se forment dans mes yeux. Le plus douloureux dans tout ça, c'est que j'ai besoin de pleurer, mais mes yeux sont affreusement secs. Je replis mes jambes contre mon ventre avant de sentir ma meilleure amie bouger dans mon dos.
— Mes yeux me brûlent tellement j'ai pleuré.
— Ferme les, me suggère-t-elle en collant sa poitrine contre mes omoplates.

Elle agrippe ma main et la serre fort dans la sienne en nichant son visage dans mes cheveux.

— Je suis désolée de t'avoir réveillé.
— Je suis là pour ça, Franny.

Je ferme les yeux et la sensation d'irritation se calme. Charlie caresse ma main à l'aide de son pouce. Son souffle, son odeur, sa simple présence suffit à m'apaiser. Je soupire doucement en me rappelant la dernière fois que l'une des deux était brisée dans les bras de l'autre. J'étais le réconfort et elle était l'âme en peine.


FLASHBACK.


Quelqu'un sonne à la porte et c'est étrange parce que personne n'attend plus personne à une heure si tardive. De plus, tout le monde est à la maison. Ma mère, ma grand-mère et même Tom. Je me lève rapidement de ma chaise de bureau et quitte ma chambre pour me placer au sommet des escaliers. Au même moment, ma mère sort de la cuisine pour aller ouvrir la porte. A travers le bruit que fait la pluie dehors, je peux distinctement reconnaître les sanglots de ma meilleure amie. Je dévale rapidement les marches après l'avoir entendu articuler entre ses larmes "excusez moi... bonsoir... Frances..." Je m'approche et passe devant ma mère avant de me planter devant elle.

— Je suis là.

Son visage se détend, comme si elle était soulagée de me voir et en une fraction de seconde, ses traits se crispent douloureusement et elle se met à pleurer plus fort. Ses bras sont repliés contre sa poitrine, sa capuche est complètement trempée, comme tout le reste de ses vêtements. Je m'empare de son biceps et l'attire à l'intérieur pour la prendre dans mes bras. Elle ne décolle pas ses bras de sa cage thoracique et pleure bruyamment contre mon épaule. Je lève les yeux vers ma mère qui me lance un regard inquiet et hoche simplement la tête, lui faisant comprendre que je m'occupe d'elle. Je recule vers les escaliers avant de l'entraîner à l'étage.

Nous nous engouffrons dans la salle de bain.

— Calme toi, Cha. Respire, s'il te plait, calme toi... Qu'est-ce qui s'est passé?
— Luke, parvient-elle à dire avant de tendre les bras, qu'elle retenait toujours contre elle jusqu'à maintenant, orientant ses paumes vers le plafond.

Les manches de son hoodie gris sont couvertes de sang. Je pose mes mains sur ma bouche en levant les yeux vers elle, sentant les larmes me monter aux yeux.

— Non...
— Je suis désolée... j..., sanglote-t-elle en s'asseyant sur le bord de la baignoire.

Je m'approche et la prends dans mes bras comme je peux. Elle agrippe mes hanches et enfonce son visage dans mon ventre pour étouffer un cri, pleurant bruyamment.

— Pardon, pardon, pardon...

Je pince mes lèvres, incapable de retenir mes larmes plus longtemps.

— T'aurais dû m'appeler... Pourquoi tu m'as pas..., ma voix se brise.
— J'ai pas réfléchi... Je voulais juste f-focaliser la douleur ailleurs que s-sur mon cœur... Je voulais c-contrôler quelque chose... Je voulais juste... oublier... juste..., articule-t-elle avant de fondre en larmes de nouveau en haussant les épaules.


FIN DU FLASHBACK.


J'ai soigné ses scarifications et elle a passé la nuit chez moi, après ça. Quand elle est partie le lendemain matin, elle m'a certifié qu'elle allait mieux. Plus tard dans la journée, sa mère l'a retrouvé allongée sur son lit, aux côtés de boîtes d'antidépresseurs vides. Suite à ça, elle a passé une semaine à l'hôpital pour récupérer et deux semaines en hôpital psychiatrique pour se remettre.

Andreas, avec qui elle était en froid à cause de Luke et ses potes, mais aussi à cause du fait qu'elle nous avait "laissé tomber" pour lui, n'a pas cherché à comprendre quand il a appris pour sa tentative de suicide et a passé beaucoup de temps à son chevet avec moi. Cette affreuse expérience nous a, à tout les trois, beaucoup marqué.

Je fais courir mon doigt le long des cicatrices épaisses qui reposent sur son avant bras gauche.

— Tu penses que c'est insurmontable, Frances... Mais t'es pas toute seule. On est là, tous. Ne fais pas les mêmes erreurs que moi, murmure-t-elle dans ma nuque.
— Comment t'as fais pour oublier Luke?
— Il est jamais vraiment parti... Il est encré en moi. A chaque fois que je regarde ces marques, je le vois.Elle soupire. Au début, ça faisait un mal atroce. Elle marque une pause. Puis les plaies cicatrisent, deviennent de la croûte. C'est pénible, ça se voit, ça gratte. T'as envie de les cacher, mais les gens le remarquent... c'est comme si c'était marqué sur ton putain d'front. Ensuite, ça fait un pincement au cœur. La croûte tombe et il ne reste plus que des cicatrices roses. Visibles. Elles sont refermés, mais toujours fragiles. Présentes. Quand tu passes ton doigt dessus, c'est étrange, tu peux pas t'empêcher de frissonner. Tu t'es infligé ça et tu le sens. Tu te rappelles. Elle s'arrête de nouveau. Comment ça s'est passé, ton état d'esprit sur le moment... tout revient. Et là, tu commences à avoir des remords. Parce que ces traces seront là pour toujours. Et tu les verras tout les jours, jusqu'à là fin. Puis les cicatrices deviennent claires, pâles sur ta peau, comme un fantôme. Le fantôme d'une histoire passée. D'un truc qui a fait affreusement mal, qui s'est transformé en un douloureux pincement au cœur, en sensation désagréable... de regret, de honte, puis qui n'est plus qu'un amas de souvenirs vagues à cause des médicaments. Il ne reste plus que ces marques concrètes, enfoncées loin dans ta peau, indélébiles. Mais ça passe. Il faut du temps. Il faut du temps pour que les plaies se referment.

Je suis sur le point de me remettre à pleurer.

— Tu avais raison, tu sais? reprend-t-elle après un moment. Quand tu disais que c'est un cycle infernal. Que tu dois trouver quelqu'un d'autre pour que ton cœur puisse renaître de ses cendres...
— Qu'est-ce qui se passe, Charlie... qu'est-ce qui se passe quand j'ai aucune envie de trouver quelqu'un d'autre? Qu'est-ce qui se passe quand c'est lui et personne d'autre? C'est lui que je veux.
— Je sais, Frances... je sais ce que ça fait.

Je soupire tristement en sentant des larmes s'échapper de mes yeux. Elle doit le sentir car elle resserre son étreinte autour de moi.

— J'ai peur de te laisser toute seule, si tu savais. Je t'aime trop pour te perdre... je supporte pas de te voir comme ça, je me sens tellement impuissante...

Je me tourne et me blottis contre elle, après avoir séché mes larmes.

— Me lâche pas.
— Jamais... jamais.

Je soupire contre ses clavicules. Et après un silence, je reprends la parole:

— Je veux qu'il revienne, pourquoi je l'ai pas rattrapé...
— Te tortures pas, Frances... C'était sans doute comme ça que ça devait se passer. Je t'en supplie, te fais pas plus de mal, arrête de ruminer...

Si seulement je pouvais.

Mes désirs sont désordreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant