SOIXANTIÈME JOUR ❥ ❥ ❥ selfish machine.

7 1 0
                                    

J'envoie un dernier texto à Andreas avant de m'asseoir à table près de ma mère qui se tient debout devant la cuisinière. Les examens approchent à grand pas et avec ce qui est arrivé dernièrement, je n'ai pas spécialement eu l'occasion de réviser. Mon meilleur ami passe cette après-midi pour travailler avec moi et pour m'aider à reprendre le rythme. Charlie est partie plus tôt dans la matinée car elle devait s'occuper de sa petite sœur. C'est donc Andy qui prend le relais, dans le but de ne pas me laisser seule.
J'ai jamais vraiment eu de pensées suicidaires dans ma vie et je n'ai jamais eu envie de m'ouvrir les veines non plus, mais je comprends qu'ils veuillent être présents pour moi. Ils ont fait la même chose quand je me suis séparée de Jake. Charlie nous a fait peur la fois où elle a tenté de mettre fin à ses jours et je suppose qu'ils ne veulent pas revivre deux fois la même histoire. Pourtant, je n'en suis pas à ce point. Harry et moi n'avons jamais été ensemble officiellement, après tout. Et j'en aurais probablement d'autres... des peines de cœur.

Lorsque mon téléphone se met à vibrer au creux de mes mains, je baisse les yeux vers mon écran et ouvre machinalement le texto, sans réfléchir.


"Tu me manques."


Je fronce les sourcils et me demande dans un premier temps, pourquoi Andreas me dit ça au beau milieu de notre conversation, alors qu'on était en train de se mettre d'accord sur l'heure de son arrivée, quand je remarque le nom de l'expéditeur. Je sens mon portable vibrer au creux de mes mains de nouveau et ferme le texto de Harry pour ouvrir celui d'Andreas.


"14h30."


Je réponds rapidement avant de jeter un dernier coup d'œil au message du bouclé. J'ai pas rêvé, il a vraiment envoyé ça. Je mords dans ma lèvre, tiraillée entre l'envie de répondre, l'envie de balancer mon téléphone à travers la cuisine et l'envie de me mettre à pleurer. Mon portable se met à vibrer une troisième fois. Cette fois, il essaye de m'appeler. Ce n'est pas la première fois qu'il tente de me joindre depuis ce matin.

— Frances, tout va comme tu veux?

Je lève les yeux vers ma mère et hoche vigoureusement la tête avant de me concentrer sur mon téléphone pour rejeter l'appel et l'éteindre, simplement. Je le lui tends ensuite en me raclant la gorge. Elle se saisit de l'appareil sans comprendre.

— J'aurais pas besoin de ça. Je veux voir personne pendant que je réviserai. Si quelqu'un d'autre que Charlie ou Andreas passe à la maison, ne le laisse pas rentrer, d'accord?
— Hum..., fait-elle en s'approchant du pot d'épices vide pour y mettre mon portable. Tu veux dire que si un garçon aux cheveux bouclés, prétendant être un camarade de classe souhaite te voir, je dois lui dire que tu n'es pas là?
— Précisément.
— D'accord.
— Merci maman.

Elle se tourne de nouveau vers ses casseroles et s'occupe de ses plats avant de baisser le feu de la gazinière.

— Tu peux mettre la table, s'il te plait? me demande-t-elle en fouillant dans le placard. Ça va être prêt.

Je me lève et m'exécute, sans pouvoir m'arrêter de penser aux messages et aux appels de Harry. Bordel. Il a vraiment dû prendre sur lui, mettre sa fierté de côté pour m'écrire tout ça, pour oser l'envoyer, pour essayer de me contacter. Hier soir, je me demandais encore si il reviendrait et ce matin, je le repousse alors qu'il fait un pas vers moi. Je suis la personne la plus incohérente qui existe sur cette Terre.


***


— Est-ce que tu crois que j'ai bien fais de faire ça?
— Je sais pas, Franny. Je sais pas ce que j'aurais fait à ta place. C'est compliqué.
— Réfléchis... aide moi Andreas, j'ai besoin de toi là. S'il te plait.

Il repose son stylo en soupirant et lève le nez de son cahier de révision pour masser ses tempes.

— Résumons la situation. Vous avez couché ensemble et quand tu t'es réveillée, il n'était plus là. Ensuite, il t'a rappelé pour que tu organises un dîner romantique chez lui et il s'est trouvé que c'était pas pour toi. Suite à ça, tu n'as plus souhaité répondre à ses messages, ce qui est assez logique en soit. Et c'est là qu'il est venu chez toi pour avoir des explications et donner les siennes. Le truc c'est qui tu étais vraiment très en colère et tu ne l'as pas laissé parler. Tu lui en as même mis une. Puis tu as souhaité mettre fin au contrat. Plus tard, vous vous êtes retrouvés dans le café où vous avez signé votre pacte, pour le brûler et... Harry était vraiment malheureux à vue d'œil. Il t'a avoué qu'il t'aimait, puis tu ne l'as pas retenu... ce qui te torture affreusement, aujourd'hui. Enfin, ce qui te torturait affreusement hier, parce que tu regrettais de ne pas avoir couru après lui. Mais en fin de compte, quand il se décide à revenir vers toi, tu refuses de le laisser faire, tu éteins ton portable sans lui répondre et tu demandes à ta mère de le laisser à la porte si jamais il a la brillante idée de se ramener ici. C'est ça?
— Mh hm.
— T'es paumé Frances, quand on est paumé, on fait ce qui semble être le mieux pour nous et pas ce qu'il y a de plus intelligent à faire..., conclut-il en haussant les épaules.
— Comment ça?
— Tout ce que tu as fais ces derniers temps, tu l'as fais pour te protéger, pas spécialement parce que tu en avais envie ou quoi que ce soit. Par exemple, quand tu ne l'as pas laissé en placer une, le jour où il voulait te dire pourquoi il ne t'avait pas rappelé et tout ça... tu te rappelles de ce que tu as pensé à ce moment là?
— J'me suis dis qu'il voyait toujours Violet.
— Voilà. T'as pas voulu entendre ce qu'il avait à dire, parce que tu avais peur qu'il te dise qu'il voyait quelqu'un d'autre. Une manière de te protéger de la vérité, si c'était la vérité... Tout à l'heure, quand tu as décidé de remettre ton téléphone à ta mère, qu'est-ce que tu avais en tête?

Je baisse le regard et fixe mes cuisses d'un air vitreux en me mettant à réfléchir. Après une poignée de secondes, je lève les yeux vers mon meilleur ami qui me regarde inlassablement.

— Alors? demande-t-il en haussant les sourcils.
— Tu as raison, je me protège de lui...
— Tu as fais ce qui te semblait être le meilleur pour toi.
— Alors pourquoi est-ce que je regrette tellement mes choix?
— Parce qu'il y a une marge énorme entre la raison et le désir.

Je soupire en le regardant récupérer son stylo pour se reconcentrer sur son boulot. J'en fais de même, tentant de me focaliser sur autre chose et rapidement, nous commençons à poser des questions à l'autre sur nos cours d'anglais tout en prenant des notes. J'adore réviser avec Andreas. Il est toujours pertinent quand il me demande des trucs. Et ses questions m'aident à éclaircir des points qui étaient flous. Je me rappelle à quel point il était nul en littérature il y a deux mois. Depuis qu'il y a cette université, depuis qu'il a tellement envie d'être pris, il est devenu bien meilleur. Je suis trop fière de lui.

Mes désirs sont désordreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant