En attendant le propriétaire des lieux, Rhys observa d'un œil attentif la pièce. Elle remarqua que la grande baie vitrée illuminant un bureau en verre croulant sous la paperasse était en fait une image de synthèse, un fond projeté sur un écran. Le paysage n'en restait pas moins époustouflant. Il représentait la mer en contre-bas, comme si le bureau était placé au bord d'une falaise. Elle regarda pensivement les vagues s'échouant sur la plage, et s'imagina marcher pied nu sur le sable. Elle n'avait jamais touché sa texture granuleuse, ni humé les senteurs de sel et de poissons remontant la houle. Elle n'avait jamais assisté non plus à un coucher de soleil. Et celui-là, bien qu'il fut faux, était époustouflant. L'énorme boule de feu plongeait lentement dans l'océan. Sa lumière se reflétait sur la surface bleu sombre, dansant au rythme des vagues. Le ciel n'était pas tout à fait bleu. Il était rose, orange et violet à la fois.
Elle dû interrompre le court de ses pensées et tourner le dos à ce splendide panorama. Un homme venait d'entrer, probablement le propriétaire de la pièce. Il avait la taille haute et la silhouette svelte. Des mèches grises rongeaient peu à peu ce qui avait dû être une magnifique chevelure brune.
– C'est magnifique, n'est-ce pas ? commenta la voix de l'homme en surprenant le regard émerveillé de la fille en direction de la fenêtre.
Rhys crut reconnaitre cette voix. Elle était persuadée de l'avoir déjà entendu quelque part. Mais aucun souvenir ne confirmait son impression.
Elle se détacha de la baie vitrée-écran et contourna l'imposant bureau pour rejoindre l'homme. Elle garda néanmoins une certaine distance. Ses yeux bleu-gris détaillaient chaque partie de son corps. Comme s'il la redécouvrait. Elle déglutit, inconfortable.
– Tu as tellement changé... murmura l'homme d'une voix tinté d'une émotion sincère.
– On se connait ?
– Tu ne te souviens pas de moi ?
Il enfonça son regard dans le sien, comme s'il cherchait, à travers ses iris verts, à faire surgir une vérité qu'elle ne possédait pas. Rhys secoua négativement la tête.
– Bien sûr... fit alors l'homme.
Il fit quelques pas et regagna son bureau. Il se courba, posant ses paumes à plat sur le verre polie.
– Ils vous ont arraché tous vos souvenirs, n'est-ce pas ?
La jeune fille lui répondit par un hochement de tête affirmatif.
– Certains jeunes ont des fragments de souvenirs. Tu ne te souviens vraiment de rien ?
Rhys sentit son cœur se gonfler. Elle lisait, dans les yeux de cet inconnu, qu'elle pouvait tout lui raconter. Il la couvait d'un regard si tendre qu'elle ne pouvait ignorer le lien qui devait les unir. Alors elle lui confia ce dont elle se souvenait, en espérant qu'il la réconforterait.
– Je crois que j'ai travaillé pour eux... J'allais à l'école là-bas, dès mes quatre ou cinq ans. Et puis j'ai commencé à faire plus qu'apprendre. Je les ai aidé...
L'homme se redressa, comme s'il voulait se jeter par-dessus le bureau et la prendre immédiatement entre ses bras. La réconforter jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'elle n'y était pour rien, qu'elle était trop jeune pour comprendre l'ampleur de ses actions. Mais il se ravisa à temps. Elle ne savait toujours pas qui il était.
– Rhys. Je suis ton père.
À cette nouvelle, Rhys resta de marbre. Comme si un gong sonnait juste au-dessus de sa tête et que les puissantes vibrations de cette révélation la paralysaient. Comment devait-elle réagir ? Pleurer de joie ? Lui sauter dans les bras ? Il restait un inconnu à ses yeux. Elle avait beau fouiller dans les fragments de sa vie passée qu'il lui restait, jamais elle n'avait aperçu ce visage. Même en plus jeune. Il y avait juste sa voix. Son timbre résonnait en elle, réveillant des souvenirs qu'on lui avait aspiré.
– J'espère qu'un jour, tu t'en rappellera.
Il s'assit sur un sofa blanc crème qui habillait la pièce, probablement pour la mettre plus à l'aise. Elle, elle ne bougea pas d'un millimètre. C'était à peine si elle avait cillé. Un verre d'alcool à la main, il l'invita prendre place sur le fauteuil en face de lui. Ses jambes la portèrent automatiquement à l'endroit indiqué. Son cerveau avait perdu la faculté de penser.
– J'ai été dévasté quand mes enfants ont disparu.
L'homme porta son verre à ses lèvres, comme s'il n'arrivait plus à se défaire de cette habitude, trop ancré en lui, qui avait durée des années. En attendant, elle ne connaissait toujours pas son nom. Alors elle le lui demanda.
– Comment vous appelez-vous ?
Ses lèvres avaient remué mécaniquement. Son père hocha la tête, réalisant son manque de politesse.
– Pardon. J'avais oublié que tu ne savais pas. Je suis Janson. Le directeur de cet endroit. Et je sais comment tu t'appelles, ma fille.
Rhys acquiesça, ne sachant que rajouter. Ce fut Janson qui fit la conversation. Elle se contenta d'écouter.
– Après votre disparition, je me suis lancé à votre recherche. Ça n'a pas été facile. Je savais qui vous détenait, mais pas où le W.I.C.K.E.D vous cachait. Et puis j'ai fini par trouver des labyrinthes construits en plein désert, ou caché dans des grottes sous-terraines. J'ai monté une équipe, nous avons construit ce bâtiment – que nous qualifions de Sanctuaire – et nous avons libéré les enfants piégés dans ces labyrinthes. À chaque mission de sauvetage, je priais pour que vous soyez l'un d'entre eux. Même avec les années, je savais que j'allais vous reconnaitre. Je n'ai jamais perdu espoir, Rhys. Et j'ai bien fait de continuer à remuer sable et terre. J'ai fini par te trouver toi.
– Vous avez dit ''vos enfants'', répéta Rhys qui avait bloqué sur cette information fascinante.
Alors ainsi, Call était peut-être réellement son frère ?
– Oui. Tu as des frères. Deux, pour être exacte. Un jumeau, et un petit frère.
– Comment s'appellent-ils ?
– Le plus petit s'appelle Charles. Il a treize ans. Ton jumeau s'appelle-
Rhys n'eut pas l'occasion de découvrir l'identité de son deuxième frère. Une alarme vibra quelque part dans la salle. Janson se releva péniblement, déposant son verre presque vide sur la table basse transparente. Il arrêta la sonnerie. Derrière lui, le soleil avait depuis longtemps disparut sous la mer, peignant la couleur du ciel d'une lueur toujours plus sombre à chaque minute.
Le directeur du sanctuaire redressa un visage fatigué vers Rhys.
– J'aurai aimé discuté plus longtemps avec toi, mais le travail m'appelle. Julia va t'accompagner jusqu'à ta chambre. Nous nous reverrons demain.
En effet, quand Rhys quitta le bureau, Julia se matérialisa devant elle. Elle l'entraina de nouveau à travers le dédalle de couloir et ouvrit la porte de sa chambre à coucher.
Rhys découvrit une petite pièce peint en blanc du sol au plafond, meublée du stricte nécessaire. Un lit simple, une table et un placard. Il y avait également une porte qui devait conduire à une salle de bain privée.
Elle était satisfaite de retrouver son intimité et du confort après ces semaines passées en compagnie de garçons et à vivre comme les prémices de l'humanité.
Rhys s'aventura dans la chambre et son regard fut happé par le bureau. Son vieux sac tout abimé contrastait avec la propreté des lieux. Elle tourna un visage rayonnant vers la femme.
– Merci !
Incapable de contenir son émotion et sa gratitude, Rhys sauta dans les bras de Julia. Celle-ci, déstabilisée par autant d'entrain, vacilla, avant de céder à cette douce étreinte.
– Merci beaucoup.
– Il n'y a pas de quoi. Je te laisse trouver tes marques et te reposer. Je reviendrai bientôt t'apporter ton diner.
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- Le Labyrinthe - Fanfiction -
FanficVous connaissez tous l'histoire, vous venez de la lire, ou de la regarder. Ou bien vous l'avez lu ou regardé il y a longtemps, et vous êtes nostalgique de cette époque. Je vous invite à replonger dans cette univers tout droit sorti du génie de James...