Chapitre 26

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 À la fois fascinée et révulsée, Rhys avait du mal à détourner les yeux de l'homme famélique qui leur faisait face. Il n'avait pas très bonne mine ; il ressemblait aux fondus qu'ils avaient croisé leur premier soir, en peut-être moins fou. Il présentait tous les symptômes de la braises. Touffes de cheveux éparses, cloques, peau arrachée, bave suintant aux commissures de ses lèvres gercées, vêtements déchirés.

 Une odeur de décomposition l'enrobait.

Robert m'a pris mon blair, c'est clair, annonça-t-il de sa voix rocailleuse.

 Étonnamment, Rhys ne trouva pas cette phrase déplacée. Les circonstances étaient déjà hors-norme.

 D'un mouvement discret, elle remonta la torche sur le visage de l'homme et remarqua le trou où était censé se trouver un nez. Les rides sur son visage accentuaient son âge. Malgré cela, elle était certaine qu'il ne devait pas avoir plus de quarante ans.

 Il était un animal pris dans les phares d'une voiture, pourtant, ce furent les jeunes qui tremblaient de peur.

Robert m'a pris mon blair, c'est clair. Et c'est l'enfer !

 L'homme paraissait sur le point de disjoncter. Comme une bouilloire qu'on fait chauffer sur le feu. Le siphon allait sauter d'un instant à l'autre.

J'ai une arme au fond de mon sac... articula faiblement Rhys à l'intention de Brenda.

 La medjack ne quittait pas l'homme du regard, redoutant qu'il disparaisse de son champs de vision pour lui sauter dessus par surprise.

Trop de bruit. Ça va rameuter tous les fondus du quartier.

 Écoutant le sage conseil de son amie, Rhys resta immobile entre les deux bruns.

 D'un geste lent, Brenda extirpa une boite de conserve de son sac. Une fois l'objet entièrement sortit, elle le jeta sur le fondu. Ce dernier l'accueillit en plein visage. Déboussolé, il recula de quelques pas en vacillant.

 Aussitôt, un autre homme, identique, émergea de l'obscurité. Suivit d'une femme. Puis d'autres fondus au bout du rouleau.

 Des zombies.

 Rhys se retrouvait piégée en plein film apocalyptique.

 Leur regard cinglé était le plus terrifiant. La braise les avait dépossédé de leur humanité. Il ne restait en eux que des bêtes sauvages, pas même une once d'homme primaire. Une aura plus menaçante qu'un lion affamé dégoulinait de leur sourire tordu.

J'aime bien vos blairs, reprit l'homme, indifférent au second projectile que Brenda préparait à balancer.

Ah ouais ? Ben moi aussi j'aime bien le mien... maugréa Rhys en tentant de contrôler sa voix.

 Au même moment, Brenda brandit la boite de conserve. De nouveau déstabilisé, le fondu fit un pas vers eux. Une lueur de folie traversa ses yeux déjantés. Rhys glissa les mains dans ses poches et gonfla ses poignées de morceau verre.

 Ses deux amis détalèrent comme des lapins. Elle leur emboita aussitôt le pas, jetant les bouts de verre derrière elle en se retournant de temps en temps.

 Quand elle fut à court de munition, elle accéléra la cadence.

 C'était une chance que les fondus ne couraient pas très vite. Ils avançaient d'une démarche boitillante, comme si leurs jambes étaient déboitées mais qu'ils ne ressentaient aucune douleur.

 Rhys suivait le faisceau lumineux qui éclairait toutes les directions à la fois, balloté par la main de Brenda.

 Celle-ci bifurqua brusquement à une intersection. Non, pas un nouveau couloir. Quelques secondes plus tard, Rhys s'engagea dans la pièce où avaient disparu ses amis. Elle aperçut Thomas, à quatre pattes par terre, rampant sous une table.

 Sans réfléchir, la medjack le suivit et s'accroupie par terre. Sous le bureau, une sorte de bouche d'aération donnait sur une alcôve bas de plafond. Tout en s'installant, Thomas lui fit signe de le suivre.

 Les épaules de Rhys frôlaient les murs sur les côtés. Ses possibilités de mouvements étaient considérablement réduit. Elle réussit tout juste à se glisser à l'intérieur du compartiment secret et se colla contre le torse de Thomas, lui-même serré contre Brenda. Il y avait à peine la place pour trois dans cette niche.

 Un silence angoissé s'abattit entre eux. Au loin, ils entendaient les cris inhumains des fondus. Leur course effrénée.

 Le bras de Thomas s'enroula autour de la taille de la jeune fille. Il chercha sa main et entremêla leur doigts. Son souffle saccadé s'échouait sur sa nuque, pulsant au même rythme que celui de Brenda. Il sentait le corps de Rhys trembler.

 Brenda lui avait assuré que les fondus ne risquaient pas de les trouver ici, mais si c'était le cas... Rhys se trouvait en première ligne de mire. Comme si elle devinait ses pensées, elle glissa sa main libre dans sa poche. Elle compta les morceaux de verres restant. Trois. Plus ou moins gros. Elle s'empara du plus grand sans le sortir.

 Ils patientèrent.

 Des pas crissèrent dans la pièce. Ils reconnurent la voix du premier fondu, ainsi que celle d'une femme et d'un autre homme. Cependant, la femme dialoguait comme une enfant, en tapant du pied et en chouinant. Pourtant, aucun doute, c'était une adulte, même si Rhys ne pouvait la voir d'où elle se tenait.

Je veux un blair ! couina la fondue.

Tais-toi, tais-toi, tais-toi ! répétait inlassablement le premier fondu.

Y'a rien ici, énonçait un autre homme.

Y sont pas là, poursuivit la femme sur un ton blasé qui contrastait avec ses pleurnichements.

 L'homme qui leur demandait de se taire se tut également. De lentes secondes s'écoulèrent.

Ils sont peut-être cachés.

 Rhys jura qu'un sourire diabolique naquit sur ses lèvres. Pour rien au monde elle n'aurait vérifié son hypothèse.

Petit garçon. Petites filles. Venez voir papa.

 Son intonation malsaine se répandit en frisson sur la chair de la medjack.

Y sont pas là, réitéra la femme.

La ferme ! l'engueula l'homme en employant en ton dur.

 Et puis les trois adultes commencèrent à se disputer. Leur échange n'avait ni queue, ni tête. Ils se comportaient comme des enfants capricieux. Leurs éclats de voix résonna encore quelques minutes, puis la femme et son compagnon déclarèrent forfait.

Nous, on va chercher notre blair ailleurs.

Vos gueules, vos gueules, vos gueules. Tirez-vous, tirez-vous, tirez-vous, répétait encore et encore l'autre, comme un refrain qui montait en intensité.

 Des bruits de pas s'étiolèrent, et l'homme se tut soudainement.

 Les adolescents patientèrent encore un long moment. Rhys commençait à apprécier cette proximité forcée avec Thomas. Elle se nicha contre lui et chercha à étendre ses jambes pour éviter tout risques d'engourdissement plus tard. Elle eut une pensée pour Brenda, coincée au fond. Alors elle chercha à se rapprocher de l'entrée pour lui faire de la place, mais Thomas la retint par la taille. Rhys cessa de gigoter.

 Une nouvelle poignée de minutes défila dans le silence le plus total. L'impatience eut raison d'elle. Rhys tenta de sortir de l'alcôve. Cette fois-ci, Thomas la laissa faire.

 Tout en rampant dans le conduit, elle serrait toujours ferment le morceau de verre dans sa paume, à en faire suinter le sang. Le reste de son corps se mouvait avec fébrilité.

 À quatre patte, Rhys atterrit sous la table.

 Sans crier gare, une tête hideuse apparut dans son champs de vision.

Coucou les blairs !

- Le Labyrinthe - Fanfiction -Où les histoires vivent. Découvrez maintenant