La captive

2.3K 104 0
                                    


Après un lourd sommeil imposé par le puissant sédatif qui baignait encore dans son sang, Victoria, gémissante, finit par se réveiller en se plaignant d'une inclémente migraine. Rapidement, l'insupportable douleur qui lui terrassait le front se trouva le dernier de ses soucis. Avec effroi, elle prit conscience qu'elle était solidement et cruellement entravée.

Une corde solide lui dévorait voracement les poignets de ses mains liées derrière son dos, et un rêche tissu poussiéreux lui bandait les yeux et lui bâillonnait la bouche. Comme si cela ne suffisait pas à restreindre ses mouvements et ses facultés, un anneau métallique lui serrait horriblement la cheville gauche avec, au bout, une chaîne bruyante qui suivait chacun de ses mouvements.

Prise d'angoisse au point d'en trembler, la malheureuse essaya nerveusement de défaire ses liens et de rejeter le bâillon qui réprimaient ses mains et sa bouche. Sa frénésie lui coûta d'atroces souffrances, et ne lui apporta, finalement, rien d'autres qu'une nouvelle dose de peur qui accentua sa terreur.

Dans l'incapacité de se délivrer toute seule, la jeune femme se mit à crier afin de demander de l'aide. À peine audibles, ses appels n'eurent, hélas, de réponses que leurs propres échos, et le tissu enfoncé entre ses lèvres fit pénétrer des particules poussiéreuses dans sa gorge. Par crainte de vomir et de ravaler inévitablement le liquide qui menaçait sérieusement de quitter son estomac nauséeux, elle refoula ses hurlements sourds, préférant dégager la poussière coincée au milieu de son pharynx en toussant prudemment.

La catastrophe évitée de justesse, la pauvre séquestrée se résigna à freiner les ardeurs de son instinct de survie. Elle ne baissa pas les bras pour autant. En dépit de son épuisement et son anxiété, elle fit de son mieux pour se ressaisir et rassembler ses idées et souvenirs brouillés.

Persuadée que le seul moyen d'échapper au pire était de découvrir, avant leur inévitable rencontre, l'identité de ses assaillants ainsi que leurs motivations, Victoria implora sa mémoire de remonter le temps jusqu'au moment de son enlèvement dans l'espoir de tomber sur des indices.

Sans pouvoir définir combien de temps elle était restée inconsciente, elle se souvint que son cauchemar éveillé avait débuté la matinée pluvieuse du jour de la lecture du verdict final de son éprouvant procès.

Deux mois plus tôt, la jeune femme avait causé un mortel accident de voiture qui avait coûté la vie à un pauvre innocent, et envoyé la fiancée de ce dernier dans un profond coma. Accusée d'homicide involontaire et de conduite en état d'ivresse, elle attendait impatiemment sa sentence pour, enfin, soulager sa conscience affligée.

Malheureusement, alors qu'elle guettait l'arrivée de son fiancé devant son immeuble pour se rendre ensemble au tribunal, une tige métallique lui avait piqué la nuque avant de déverser dans ses veines une substance qui lui avait fait perdre connaissance. Et la voici séquestrée par de parfaits inconnus pour des raisons méconnues.

Prisonnière d'un tueur en série assoiffée de sang, enfermée par un délinquant sexuel avide de plaisirs malsains, ou retenue dans le cadre d'un réseau de prostitution, l'imagination de Victoria lui miroitait les plus macabres et les plus cruels supplices vus dans des films d'horreur. Ne se contentant pas de cela, elle lui rappela, à travers les affaires criminelles qu'elle avait étudiées tout au long de sa modeste carrière d'avocate, que la réalité dépassait souvent l'inventivité sordide des scénaristes de fictions gores.

La prisonnière se voyait déjà torturée, violée, prostituée, puis tuée.

Refusant d'accepter cette funeste destinée, la jeune femme s'acharna une nouvelle fois sur ses attaches avec le peu de force et de volonté qui lui restait. Au bout de quelques secondes seulement, elle finit néanmoins allongée sur le sol à pleurer ce destin tragique qui l'attendait alors que la vie venait à peine de lui sourire.

La sultane du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant