Orgueil contre préjugés

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Alors qu'elle arrosait les plantes verdoyantes de la terrasse d'Amina, Oumi fut attirée par la voix bouleversée de Victoria. En s'approchant discrètement de la porte-fenêtre, elle entendit l'Anglaise qui discutait avec la princesse tout en lui massant les pieds.

Curieuse, elle tendit l'oreille pour mieux connaître la jeune femme.

— Vous savez, princesse ? Je suis fille unique. J'ai vécu la moitié de mon enfance seule avec mon père. Ma mère a quitté la maison car elle ne supportait plus ce mari violent et alcoolique. Voyez-vous ? Peut-être que c'est pour cela que je n'espère pas avoir votre pardon. Je ne peux moi-même pardonner à mes propres parents ce qu'ils m'ont fait. Ma mère m'a laissée avec un monstre, et à chaque fois qu'il me battait, je la voyais qui riait et qui s'amusait quelque part. Je me demandais pourquoi elle m'avait abandonnée,  Pourquoi ne m'avait-elle pas emmenée avec elle, et comment pouvait-elle vivre normalement alors qu'elle savait ce que j'endurais. Quant à mon père, je m'interrogeais sur la raison qui lui faisait oublier que j'étais sa fille, et qui me rendait, moi, responsable de tous ses malheurs. Puis un jour, alors qu'il m'a si frappée que je ne pouvais plus me lever, j'ai compris que mes questions n'avaient aucun intérêt, et que leurs réponses ne m'apporteront rien. J'ai donc décidé de fuguer. J'ai fui un père qui me battait en espérant retrouver une mère aimante. Malheureusement, chez elle, je n'étais ni bien reçue ni mieux traitée. Pire encore, ma propre mère avait commencé à me haïr, car les hommes qu'elle ramenait chez elle la délaissaient pour me regarder moi. Petit à petit, ces hommes ne venaient plus que pour moi. Pour une petite ligne de cocaïne, ma mère était prête à tout, même à vendre mon corps. J'ai alors dû fuguer une seconde fois. Cette fois-ci, je savais en partant que je n'avais nulle part où aller et personne pour m'accueillir. J'avais peur. J'étais terrorisée. En même temps je m'étais dit que je méritais mieux que de recevoir des coups ou d'être le coup d'un soir. J'ai dû passer par pas mal d'épreuves pour m'assurer un tout autre avenir que celui tracé par les abus de ma famille. J'ai travaillé jour et nuit pour pouvoir survivre et étudier. Je n'ai jamais eu mes droits, alors je voulais être avocate. Hélas, le chemin était long et semé d'embûches, et j'ai échoué malgré tous mes efforts. Dieu merci, la chance a fini par tourner le jour où j'ai été acceptée comme stagiaire dans l'un des plus grands cabinets d'avocats à Londres. Rencontrer maître Anderson était comme tomber sur la lampe magique d’Aladin. Grâce à lui, tous mes rêves se réalisaient l'un après l'autre. J'ai trouvé une famille, j'ai repris mes études, et je suis même tombée amoureuse.

À cet instant, alors qu'elle espérait plus en apprendre sur la vie de la captive, des appels chuchotés troublèrent la concentration d'Oumi. Agacée d'être ainsi interrompue, elle revint sur la terrasse pour jeter un coup d'œil sur l'oasis d'en bas.

— Djalal ?!

— Rejoins-moi dans le hall, Oumi. C'est très urgent.

Intriguée par le ton très sérieux et très grave de l'éternel blagueur, la vieille femme s'excusa auprès de Victoria et courut le retrouver. Elle fut très ébahie en apprenant qu'elle était convoquée à une réunion très importante qui regroupait le sultan, le chef du gouvernement, ainsi que le premier conseiller du sultanat. Les deux hommes bénéficiaient depuis toujours de la confiance aveugle du clan royal El Djasser, et malgré leur âge, continuaient de servir le sultanat d'Azima avec une force et une clairvoyance enviables. Oumi ne comprenait pas ce que la présence d'une pauvre et ignorante femme âgée comme elle apporterait au sultan en présence des deux plus grands sages du sultanat.

En dépit de son insatiable curiosité, Zahra s'abstint de poser des questions à Djalal, et attendit impatiemment d'entrer dans le bureau officiel du sultan.

Hicham n'alla pas par quatre chemins. Dès que son ancienne nourrice prit place autours de la table de réunion, il lui fit part du chantage des Émiratis, et du plan de Djalal pour le déjouer.

La sultane du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant