La sultane du désert

Mariage royal (Partie 4)

Au milieu des youyous gais et joyeux, Victoria, entourée des cousines Alami, descendit de sa chambre vers le plus grand salon de la maison familiale de ses généreux et bienveillants hôtes.

Pour la jeune femme, le cadre ne ressemblait en rien à l'ambiance des préparatifs du mariage à l'anglaise. Il y avait trop de monde, trop de bruit, trop de pression, et énormément de traditions et de protocoles à respecter.
L'épuisement et le stress pouvaient s'oublier grâce à l'amour et l'attention qu'on lui portait, mais rien, absolument rien, de ce qui se passait sous le toit de cette maison n'avait de faux.

Victoria avait beau essayer de se focaliser sur le côté mission de cette fête, cela ne l'aidait nullement à dissocier le vrai du faux. Elle avait même l'impression que ce mariage était mille fois plus réel que celui qu'elle préparait pour de vrai.

Avant de sombrer dans la déprime à cause du douloureux souvenir de la trahison d'Austin, un silence sacré foudroya subitement toute la maison.
Assise seule sur l'un des deux immenses fauteuils blancs qui dominait la pièce, Victoria chercha une explication parmi toutes les femmes présentes dans le salon.

Venue immédiatement à sa rescousse, Nessma, son premier guide dans ce monde Inconnu, s'approcha du trône de la mariée, se positionna derrière le siège, puis se pencha vers Victoria pour lui murmurer à l'oreille.

— L'imam va parler. Il va d'abord prêcher au sujet du mariage, il discutera ensuite des modalités et des conditions de l'union entre les deux parties, puis, à la fin, tout le monde lira la Fatiha pour officialiser religieusement ce mariage béni. Cette réunion est exclusivement masculine, les femmes n'y sont pas conviées. Pour cette fois, le roi a ordonné de placer un micro pour que nous, les femmes, puissions entendre ce qui se dit.

La jeune fille finit à peine ses explications que la voix douce et fébrile du vieux imam retentit au milieu d'une salle complètement réduite au silence.

Sans comprendre ce qui se disait, Victoria sentit sa peau frissonner sous les lourds tissus et ornements précieux de son sublime caftan.

— Nessma, que dit-il ? Demanda-t-elle à la cousine Alami qui se pressa de tenir le rôle de traductrice.

En découvrant enfin le contenu du discours et des messages de l'imam, une dérangeante sensation envahit tout l'être de la jeune Anglaise qui se sentit très mal à l'aise. Le prêche de l'imam insistait tellement sur l'aspect sacré du mariage dans la confession musulmane, que Victoria eut l'impression de commettre un sacrilège qui la conduirait directement à l'enfer.

Plus le chef religieux citait de versets coraniques, et plus il prenait exemple sur les paroles et la vie du prophète, plus la jeune femme voyait s'abattre sur elle la colère divine qui trahirait son mensonge.

Victoria se sentit étouffée entre les quatres murs du salon, à l'intérieur de ses vêtements, et même dans son propre corps. Ses poumons se compressaient et se crispaient dangereusement empêchant ainsi l'air de nourrir ses organes. Nerveuse et anxieuse, elle tenta vainement de desserrer la grosse ceinture qui gainait sa taille, elle posa alors sa main sur son cou pour le libérer des mains invisibles de l'angoisse qui l'étranglaient.

N'en pouvant plus, Victoria ressentit le besoin de crier, de libérer son âme et conscience, de dire cette vérité emprisonnée dans ses cordes vocales.
Par chance, alors que tout le monde commençait à remarquer l'étrange attitude de la jeune femme, cette dernière se souvint qu'à cette heure-ci, elle n'était pas la véritable pécheresse.

Elle était chrétienne, et le prêche de l'imam ne la concernait pas. Elle n'avait pas à se sentir si coupable puisque son discours ne touchait ni sa foi ni ses valeurs spirituelles et morales. En revanche, Hicham, lui, devait vivre un véritable calvaire. Lui, contrairement à elle, allait à l'encontre de sa foi. Son mensonge à lui avait un aspect plus religieux, plus profond. Lui, était carrément en train de mentir à son Dieu, et de se moquer des règles et des lois sacrés du mariage.