La sultane du désert

Mariage royal (Partie 5)

Il était déjà trop tard quand Victoria se rendit compte de sa grande erreur.

Son cri avait déjà attiré les regards sur elle. Il avait carrément gelé les aiguilles du temps pour, C'était comme si, soudainement, elle était devenue le centre d'intérêt de tout l'univers.

Vidée de sa colère et de tous ses ressentiments, la jeune femme comprit qu'elle s'était donnée en spectacle alors que, à cette étape du plan du sultan, il valait mieux faire preuve de discrétion et même d'invisibilité.

Avec une respiration saccadée et un cœur oppressé, la putative sultane dévisagea d'abord les hommes et femmes qui composaient la délégation officielle chargée de son accueil. Peu soucieuse de l'ébahissement qui se lisait aisément dans leurs yeux, elle posa alors ses regards angoissés sur le visage d'Hicham, le seul être qu'elle ne souhaitait ni décevoir ni mettre en rogne.

À sa grande surprise, le sultan ne semblait guère furieux. Il lui offrait même le plus beau sourire qu'elle ait pu voir sur un visage d'homme.

Plus que de la satisfaction, Hicham lui donnait même l'impression d'être fier d'elle.

— J'ai le droit de savoir. Murmura-t-elle honteusement au sultan avant d'oser affronter son visage.

— Oui, mais tu n'as nullement le droit de faire un scandale devant des inconnus. Lui répondit-il sans animosité.

— Je le sais, et j'en suis désolée, mais...

— Dis-le une nouvelle fois. Lui ordonna Hicham en la tirant délicatement vers lui, et en la dévorant du regard. Dis que tu es désormais la sultane d'Azima.

Prise au dépourvu par l'étrange réaction du sultan à l'esclandre qu'elle venait de faire, Victoria laissa s'écouler quelques secondes avant de se remettre des effets dévastateurs de cette douceur qui émanait des regards et de la voix d'Hicham.

— Vous...vous n'allez pas réussir à me faire oublier que vous avez des explications à me donner.

— Tu les auras uniquement si tu me redis une nouvelle fois que tu es la sultane d'Azima.

Victoria sentit son corps dégager la chaleur de ce feu qui faisait fondre sa volonté. Le sultan n'avait besoin d'aucun effort pour la soumettre à ses désirs et envies. Un seul regard, un seul sourire, une seule caresse, et ses ordres devenaient un commandement divin.

La jeune femme avait toujours horreur d'être sous l'emprise des hommes. Sa personnalité affaiblie par son enfance cauchemardesque lui prédisait l'avenir d'une femme soumise, abusée et sous la coupe du sexe opposé. Alors, par peur de devenir comme sa mère, elle avait fui les hommes après deux tentatives de vaincre la malédiction. Deux relations chaotiques qui lui avaient prouvé que la sordide prémonition sur sa vie de femme était un destin.

Avec Austin, Victoria avait pu trouver le courage d'offrir sa confiance à un homme. Malgré son amour fou pour le fils de son protecteur, la méfiance et la peur n'avaient néanmoins jamais quitté son âme tourmentée.

En sentant son cœur tomber sous le charme d'Hicham, Victoria avait immédiatement pensé qu'elle était réellement maudite. Il lui avait été très difficile de ne pas croire que c'était sa nature prédisposée à se soumettre qui la tirait vers l'homme qui l'avait enlevée, séquestrée, enchaînée et malmenée.

Étrangement, c'était en faisant d'elle sa captive qu'elle avait découvert qu'une guerrière sommeillait en elle, qu'elle avait trouvé en elle les armes de la rébellion, et que sa faiblesse devenait audace quand sa liberté et sa dignité étaient menacées.

Grâce à Hicham, Victoria avait pris conscience qu'elle n'était pas comme sa mère, qu'elle ne le sera jamais, et qu'elle ne l'avait probablement jamais été destinée à le devenir.