Le miracle du vendredi

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__ Libére-moi, Victoria.

À chaque fois qu'elle fermais les yeux pour s'endormir, Victoria recevait la visite d'Hicham qui la suppliait de le laisser s'en aller.

Au début, la jeune femme avait pu ignorer ces appels de détresse. Après une réunion d'état avec le gouvernement Azimite et les médecins Anglais, elle avait réussi à organiser le retour d'Hicham à Azima, où une immense chambre médicalisée avait été aménagée pour recevoir les meilleurs soins à l'étage royal de son palais. Elle passait la plupart de son temps dans cette pièce dans laquelle elle avait installé un lit et un bureau. Elle ne quittait Hicham qu'en cas d'extrême urgence, et seulement si cheikha Salima était présente pour la remplacer au chevet du jeune homme.

Néanmoins, au fil des jours, et sous le poids de ce rêve récurrent, Victoria avait commencé à être envahie par des pensées de plus en plus sombres. La jeune femme avait mis plus d'un mois avant d'oser en parler à la mère de Hicham.

— Je crains que ces rêves et ces hallucination dans lesquels il apparaît en me suppliant de le débrancher soient un message de détresse. Voici plus de deux mois que son état ne s'est pas amélioré. Qui sait ? Peut-être qu'il endure le pire sans qu'il puisse se plaindre. Peut-être qu'il souffre atrocement alors qu'à nos yeux, il dort paisiblement. Que dois-je faire ? Que dois-je croire ?

— Mon enfant, c'est ta terreur qui parle. Tu as tellement peur de devoir le faire un jour où l'autre, que ton subconscient te prépare à débrancher Hicham en te réconfortant avec l'idée que c'est son souhait.

L'explication plausible de cheikha Salima soulagea grandement l'esprit tourmenté de Victoria. Hélas, il en était autrement avec son cœur meurtri.

— Je ne veux pas le faire. Je ne pourrais jamais le faire. Pleura Victoria. Mais comment savoir si mon obstination à le garder auprès de moi n'est qu'un supplice de plus qu'il subit en silence ? Le seul doute qu'il puisse souffrir à cause de mon égoïsme me tue !

— Petit ange, si cela puisse te soulager, sache qu'en cas de malheur, je serai prête à porter ce fardeau pour toi. Si Dieu décide de reprendre l'âme d'Hicham, je serai celle qui ordonnera de le débrancher. Avoir la mort de quelqu'un sur la conscience est une torture permanente. Je sais de quoi je parle, puisque le décès de Zayd me ronge et me consume encore et encore. Tu ne mérites pas de vivre ce calvaire. Pas après avoir démontré à quel point tu aimes Hicham. Sois tranquille, épouse de mon fils. Ça sera à moi de prendre l'horrible décision de le débrancher si Dieu choisit de rappeller Hicham. Répliqua cheikha Salima en essayant de cacher sa peine.

Émue par la solidité de la mère d'Hicham, Victoria se blottit contre elle à la recherche de courage.

— Je ne veux pas qu'il s'en aille, mère.

— Mais personne ne souhaite qu'il parte, à commencer par lui. Comment accepterait-il de s'en aller alors que la vie lui a offert plus qu'il ne lui ait demandé ? Il a enfin pris conscience que sa place est sur le trône d'Azima, il a su gérer les affaires du pays comme aucun souverain avant lui, il a honoré le nom de notre famille, il a fait entendre la voix de son peuple dans les hautes instances internationales, et aujourd'hui, il est à quelques mois de réaliser l'impensable et obtenir la reconnaissance mondiale de la souveraineté d'Azima sur tous ses terres. En plus de tout cela, il a trouvé l'amour, il a trouvé sa femme, il a trouvé sa sultane. Hicham t'aime si fort et si follement qu'il se battra jusqu'au bout pour tenir les promesses qu'il t'avait faites.

— Qu'il revienne seulement ! Je ne veux plus rien de lui. Je veux juste qu'il soit là, avec nous tous.

Cheikha Salima éclata de rire avant de relever le visage de Victoria vers elle.

La sultane du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant