Tumultueuses négociations (Partie 1)

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En se tournant vers la porte de la salle de réunion pour accueillir froidement sa captive, le sultan Hicham s'émerveilla devant la beauté de la jeune femme.

Jusqu'ici, Victoria incarnait, à ses yeux, la plus hideuse et la plus épouvantable personnification de la mort. Elle était également la représentation charnelle de la lâcheté, de frivolité et de dévergondage.

Dans sa robe d'hôtesse rose choisie par Oumi, la criminelle et la tueuse prit subitement les allures pures et innocentes d'un ange déchu du ciel.
Pour la toute première fois, Hicham se rendit compte que Victoria était belle, très belle même.

Son visage séraphique attirait les regards tel un aimant. Ses grands yeux d'émeraudes vertes pénétraient er transperçaient les cœurs pour y semer le trouble et la confusion. Sa peau douce et immaculée invitait les mains à s'y poser pour être cajolées. Sa divine bouche aux lèvres pulpeuses soufflait secrètement sur les cendres des flammes des pulsions pour les attiser. Son fin petit nez concave donnait aux doigts l'envie de s'y glisser. Ses cheveux ondulés et bien fournis viraient magiquement du blond au châtain selon l'humeur du soleil et de la lumière. Même la petitesse de sa taille et la modestie de la féminité de ses courbes séduisaient en faisant appel à l'âme protectrice des hommes.

Djalal n'avait pas menti. Il avait vu juste. En enfilant des robes traditionnelles, Victoria se dénudait de son banale humanité pour enfiler l'irrésistible et mystique aura de déesse.

Hicham n'en revenait pas, mais il sentait que sa haine s'inclinait lâchement face à la douceur que dégageait sa prisonnière, ou la femme qui avait tué son propre. Et Alors que son cœur battait et tambourinait encore l'hymne de la vengeance, de mauvaises notes jouées par de curieux sentiments commençaient à se faire entendre.

Percé par les rayons de l'admiration, le voile aveuglant de la vengeance laissait paraître la véritable nature de la jeune Anglaise. Meurtrière toujours et encore, mais également charmante, gracieuse et séduisante.

Objectant rigoureusement contre la volonté de ses sentiments, et rejetant leur simple droit de rendre hommage à la grâce d'une femme, le sultan se ressaisit rapidement, et repoussa avec virulence l'inopinée faiblesse qui tentait de s'attaquer à ses défenses.

— Assieds-toi, s'il te plait. Finit-il par s'adresser à Victoria en lui désignant l'une des chaises de la table de réunion.

La soudaine courtoisie et la galanterie d'Hicham surprirent Victoria au point d'en être déstabilisée. Néanmoins, la froideur et la vanité du souverain l'aidèrent à garder sa vigilance et sa méfiance.

Persuadée que derrière cette tortueuse politesse se cachait un piège machiavélique, la captive s'arma de sa redoutable armure d'avocate fournie par son mentor. Elle rendit à son geôlier la même civilité en le remerciant, puis en s'asseyant sur la chaise qu'il lui avait choisie à l'autre bout de la table.

Avant de prendre siège à son tour, Hicham laissa s'écouler quelques secondes. Même si l'idée de demander l'aide de sa prisonnière ne l'enchantait pas, il savait qu'il était réduit à se rabaisser à le faire, et qu'il avait l'obligation d'obtenir l'accord rapide de la jeune femme.

Malencontreusement, face à elle, il ignorait encore comment s'y prendre avec elle. Sans aucune stratégie en tête pour parvenir à ses fins, il s'assit face à son interlocutrice en formant sur la table une boule avec ses doigts.

De loin, Victoria sentit sa nervosité et sa frustration. Une lueur d'espoir dorlotait son cœur angoissé. Cette confusion, renforcée de bienséance, laissait présager une prochaine libération.

— Souhaites-tu retrouver ta liberté ? Lui demanda le sultan.

Victoria crut que son âme allait succomber à l'allégresse qui s'abbatit sur tout son être. Elle dut lutter vivement pour bloquer son envol vers l'au-delà.

La sultane du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant