Un lot de mystères

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En confiant à son ancienne nourrice la lourde et délicate mission de veiller sur Amina, Hicham avait été très clair avec elle. Elle devait impérativement lui présenter un détail quotidien sur son état de santé. En cas d'urgence, elle était même autorisée à interrompre ses réunions peu importait le degré de leur importance.

Quand il fut informé qu'Oumi insistait pour le voir, le sultan n'hésita pas à s'excuser auprès de ses ministres, et à reporter leur séance de travail. À la fois inquiet et optimiste, il pressa le pas vers celle qui l'avait élevé en priant Dieu qu'un miracle eut lieu.

Zahra n'eut le temps de s'étaler. Le souverain Azimite se contenta de la bonne nouvelle, et courut retrouver la veuve de son frère.

— Je le savais ! J'en étais sûr ! Tu as toujours été forte, Amina ! Répétait-il tout le long du trajet.

Les médecins avaient assuré à Hicham que, même si elle ne donnait aucun signe de ces deux capacités, la princesse était en mesure de les voir et les entendre. Le régent d'Azima ne les avait jamais crus. À ses yeux, sans preuve, leurs suppositions ne valaient rien. Ce n'étaient que de fausses illusions destinées à aider les familles des comateux à tenir le coup.

Après de longues semaines d'attente, les spécialistes venaient d'obtenir gain de cause au détriment du pessimiste qu'il était. Le sultan en était plus qu'heureux.

À son arrivée dans la chambre d'Amina, Hicham était un peu déçu de la trouver endormie. Il dut freiner de toutes ses forces l'impulsion qui le poussait à la secouer avec ses mains emballées. Il se languissait déjà de la chance de lui exprimer toute sa joie que lui procurait son retour inespéré, mais tant attendu, à la vie. Refusant de perturber le seul moment de répit durant lequel la princesse fuyait son malheur, il se contenta de lui embrasser le front en l'implorant avec une voix tremblante de continuer de combattre son chagrin.

— Tu dois être plus souvent à ses côtés Oumi. Ordonna-t-il à Zahra qui le rejoignit. Si cela est nécessaire, tu ne quitteras plus sa chambre. Amina peut donner de nouveaux bons signes, et quelqu'un doit être près d'elle pour les remarquer et me les rapporter.

— Ne vous inquiétez pas, votre majesté. Miss Harris et moi serons toujours auprès de la princesse.

Naturellement, en évoquant le nom de sa prisonnière, le sultan dirigea ses regards vers la porte de la cellule de cette dernière. En l'enlevant, il ne pensait qu'à la châtier et à se venger d'elle. Il n'avait guère imaginé que sa présence auprès d'Amina serait si bénéfique.

Bien évidemment, quand Victoria l'avait ouvertement accusé de se servir de la fiancée de son frère pour satisfaire ses pulsions revanchardes, et qu'elle l'avait également alerté sur les risques de cette cohabitation forcée sur l'état de sa protégée, il avait sérieusement songé à les séparer par peur de voir la santé d'Amina se dégrader au contact de la meurtrière de son bien-aimé. À présent que tout laissait croire que l'Anglaise contribuait à secouer la princesse, le souverain Azimite était plus déterminé que jamais à la garder prisonnière dans son palais.

Pensif, il ne fit pas attention que son mutisme et sa perdition alimentaient les pires angoisses d'Oumi.

— Bon sultan, miss Harris est peut-être responsable de la crise qui a foudroyé la princesse, mais c'était un mal pour un bien finalement. L'arracha Oumi de ses pensées pour plaider la cause de Victoria.

— Tu as peur pour elle, Oumi ? Se tourna-t-il vers elle. Tu crois que j'ai l'intention de la punir pour avoir tiré Amina brutalement de son sopor ?

— Si seulement je m'inquiétais pour cela, votre altesse. Lui répondit Zahra tristement. Maintenant que vous savez ce que provoque leur proximité, je crains que vous songiez à l'éloigner d'ici, et seul Allah sait ce que vous allez faire d'elle. Or comme je viens de vous le dire, c'est un mal pour un bien.

La sultane du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant