Liberté

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Grâce à son expérience acquise auprès du redoutable ténor du barreau David Anderson, Victoria était devenue un génie en rédaction et en étude des contrats de tout genre.

Aussi capable de dissimuler des pièges légaux dans les documents qu'elle rédigeait au profit des clients de son cabinet, elle en décelait également dans ceux rédigés par ses confrères. Elle avait ainsi gagné le surnom de l'œil de lynx.

Avant de lire le contrat préparé par les avocats du sultan, Victoria invoqua toutes ses capacités mentales et intellectuelles afin de repérer d'éventuelles chausse-trappes camouflées en formules juridiques complexes ou attrayantes. S'attendant à un document vicieux et tacite, la jeune femme, grandement déconcertée, se rendit compte à l’évidence au bout de deux pages seulement.

Le contrat, supposé défendre en priorité les intérêts du sultan, lui garantissait uniment les mêmes droits que lui. Bien évidemment, le souverain et ses avocats avaient durement ficelé les clauses à respecter et à honorer. Ils avaient pris toutes les précautions nécessaires pour se protéger et préserver le secret du faux mariage. Ils étaient même allés jusqu'à imposer des sanctions dures et horribles d'une trahison quasi impossible. Victoria ne put toutefois nier qu'ils avaient, en dépit de toutes ces mesures draconiennes, veillé à lui garantir la récupération de sa véritable identité ainsi que son retour au pays.

À la fin de sa lecture, la jeune femme reposa ses yeux, rivés depuis presque une heure sur le contrat, sur le sultan. Hicham la fixait comme s'il ne l'avait pas lâchée du regard depuis tout ce temps.

— J'ai fini. Lui annonça-t-elle.

— Très bien. Souhaites-tu prendre une pause ?

Même sincèrement touchée par la gentillesse du sultan, Victoria la rejeta sèchement.

— J'ai deux objections et un compliment d'information à demander au sujet d'un point peu détaillé. Répliqua-t-elle avec une grande assurance.

Hicham ne fut nullement surpris de voir sa captive objecter puissamment. En tant que prisonnière, même si elle avait été faible et vulnérable au point de ne lui posait pratiquement aucun problème, il lui était arrivé de lui tenir tête avec une audace admirable. En revanche, comme avocate, elle paraissait forte, sûre d'elle, et étonnamment libre étant donné son statut de captive.

Indifférente au destin de son peuple, et ne pensant qu'à retourner en Angleterre le plus tôt que possible, le sultan s'attendait à une lecture de contrat rapide, fastidieuse et superficielle de la part de Victoria. Il fut agréablement bouleversé en la voyant décortiquer chaque mot avec une lenteur efficace et modérée.
Même s'il ignorait encore ce qu'il en serait avec les deux objections de la jeune femme, l'attitude humble de cette dernière donna à Hicham l'impression qu'elle prenait très au sérieux la délicate situation dans laquelle était piégé tout un pays.

Venant d'une femme capable de profiter pleinement de cette chance pour se venger de lui, deux objections et un point à éclaircir étaient des réclamations très minimes et très dérisoires.

— Je t'écoute, Victoria. Quelles clauses te posent problème ? Demanda Hicham à Victoria en essayant de contenir son admiration et sa gratitude pour l'âme philanthrope de la jeune femme.

— Il est noté que pour chaque jour passé à vos côtés en tant qu'épouse, une somme d'argent m'est offert.

Hicham blêmit. Conscient que c'était son droit, il avait lui-même demandé à octroyer à Victoria une compensation financière astronomique pour l'inestimable faveur qu'elle accordait à la nation. Néanmoins, sa déception était grande en découvrant que, contrairement à ce qu'il pensait, la jeune femme exigeait d'être rémunérée.

La sultane du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant