Ne s'attendant absolument pas à recevoir un compliment de son orgueilleuse prisonnière, le sultan posa ses yeux plissés sur elle comme s'il ne croyait pas ce qu'il venait d'entendre. Quand ses regards tombèrent sur les joues enflammées de la jeune femme, la stupeur laissa place à l'amusement.Afin de la décrisper, Hicham se concentra de nouveau sur sa fonction improvisée de guide touristique. Il se garda de la remercier ou de commenter son élogieuse remarque. Il continua, comme si rien n'était, de lui donner des informations sur le mode de vie des Azimites.
— Quand le soleil daigne enfin aller se coucher, et une fois sa chaleur et sa lumière commencent à laisser place à la fraîcheur et la douceur de la nuit, les villes désertes de tout le pays se réveillent et s'animent après une journée de confinement imposée par les lois de la nature. Les magasins, les restaurants, les cafés, les cinémas, les salles de sport et d'autres établissements s'ouvrent pour ne se refermer que le lendemain matin.
— J'avoue que cette ville est magnifique, mais je ne suis pas venue voir du béton.
— Ni des fantômes. Rétorqua Hicham avant de garer la voiture dans un parking souterrain.
Pour la visite d'inspection de Victoria, le sultan choisit de lui faire découvrir le souk de Horrah. À cette heure-ci, le lieu regroupait généralement un bon nombre de citoyens.
L'interminable marché était un espace fermé par un toit transparent qui commençait à s'ouvrir pour laisser entrer la fraîcheur de la nuit. Au milieu de stands, de petits manèges pour les enfants, et des espaces verts avec des bancs et des tables, Victoria eut enfin le plaisir de voir la population d'Azima.
Les gens faisaient leurs courses tranquillement, s'amusaient joyeusement avec leurs enfants, ou se détendaient agréablement entre proches et amis. Personne ne semblait reconnaître le souverain qui marchait parmi eux. Seuls, en couple ou en famille, les Azimites ne se doutaient pas que leur régent traînait dans le souk.
Victoria remarqua que les femmes portaient toutes des voiles, mais beaucoup d'entre elles montraient leurs visages. Elles semblaient heureuses aux bras de leurs maris ou entourées de leurs progénitures. La jeune femme fit alors attention à ce bonheur et cette joie qui émanaient des visages et des regards de tout ce beau monde.
Le tableau était parfait. Trop parfait au point d'éveiller ses suspicions.
Durant une seconde, la jeune Anglaise se crut même dans une grotesque publicité Américaine où tout était exagéré. Cette dérangeante impression sema en elle un profond scepticisme concernant l'authenticité de tout ce qu'elle voyait.
Méfiante, Victoria se demanda si elle ne s'était pas faite avoir par le sultan, et si le souverain n'avait pas anticipé son exigence de visiter la ville en préparant le terrain. Plus encore, elle commença à voir le marché comme un théâtre, à considérer tous les citoyens présents comme des acteurs, et à juger l'ambiance du souk et l'atmosphère qui y régnait comme une pièce théâtrale écrite spécialement pour elle. Une pièce dans laquelle le sultan incarnait le rôle du bon roi qui assurait la prospérité et le bonheur de son peuple.
Ce doute révolta tellement la jeune femme que son plaisir de quitter sa prison tourna en une profonde répulsion. Elle alla jusqu'à préférer être, à tout jamais, enfermée plutôt que d'être la spectatrice de cette scandaleuse mascarade.
Le comble du dégoût pour Victoria était, néanmoins, le fait de voir un petit garçon qui vendait des fruits.
— Vous autorisez l'exploitation des enfants ? S'indigna-t-elle en fusillant Hicham du regard.
— Lui, c'est le petit Ahmad. Quand il fut admis à l'école, ses enseignants ont observé chez lui quelques troubles de comportement ainsi que des problèmes d'apprentissage. Son père, Omar, a donc décidé de le ramener deux fois par semaine au souk. Il en profite pour lui apprendre le calcul mathématique et à le rendre plus sociable.
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La sultane du désert
RomanceÀ cause de l'accident mortel qu'elle avait causé, Victoria Harris se trouve enlevée le jour-même du verdict de son procès. Pour la première fois depuis la nuit de drame, l'avocate Anglaise découvre que les victimes de son ivresse ne sont pas de simp...