Désobéissance

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Victoria batailla longuement contre l'insomnie avant de se rendre à l'évidence. Elle passera une nuit blanche.

Le mal du pays la torturait, son éloignement des Anderson la tourmentait, quant à sa séparation avec Austin, elle lui saignait littéralement le cœur. Étrangement, la jeune femme n'accorda à sa famille d'adoption et son fiancé qu'un court moment durant lequel elle se donna à son, désormais, passe-temps favoris... Pleurer. Rapidement, toutes ses pensées se focalisèrent sur la princesse, et la façon avec laquelle elle devait gérer sa cohabitation avec elle.

En y réfléchissant loin de toute pression, Victoria continuait de considérer le défi du sultan et l'insistance d'Oumi à le relever comme stratagème de manipulation et de soumission. Les deux avaient intérêt à briser sa résistance et assurer sa docilité. Ils y étaient parvenus en la convainquant d'arrêter sa grève de faim.

Ce renoncement donnait encore la nausée à la jeune femme, mais elle reconnaissait que se rassasier lui fut bénéfique aussi bien physiquement que mentalement. Les lamentations de son ventre vide satisfaites, les voix de la raison se faisaient enfin entendre.

Victoria écarta les affres de son enlèvement et l'intolérable sentence du sultan. Elle se concentra uniquement sur le lien du sang qui l'unissait à la princesse Amina.
Obéir au souverain Hicham lui rendra sa liberté, mais Amina était désormais plus qu'un simple billet de retour à sa vie d'avant.

En l'observant alors qu'Oumi s'occupait d'elle amoureusement et soigneusement, la première et instinctive pensée qui avait traversé l'esprit de Victoria fut que sa place était à côté de sa victime, à prendre soin d'elle, et à lui présenter des excuses. La jeune Anglaise s'était sentie si connectée à la princesse, qu'être auprès d'elle était à présent un besoin vital et nullement une injuste sanction.

Cette conclusion, à peine arriva-t-elle à submerger la conscience de Victoria, que la jeune femme s'assoupit bercée par la quiétude de son âme.

À son réveil, la captive sentit en elle un souffle de sérénité qui lui fit oublier sa séquestration. Même la chaîne attachée à sa cheville ne l'exaspérait plus. En attendant l'arrivée d'Oumi, qui venait toujours lui apporter le petit-déjeuner très tôt le matin, la jeune femme s'enferma dans la douche.

Plus de cinq jours sans se glisser sous l'eau était une première pour Victoria. Son corps était sale et puant, ses cheveux suffoquaient sous une couche de gras, et ses vêtements et dessous se collaient à sa peau.
L'envie et l'obsession de se laver se heurtèrent néanmoins à la faiblesse de ses membres. Ainsi, elle se contenta de se rincer le visage et de se brosser les dents.

— Le petit-déjeuner, miss Harris !

Contrairement à son habitude, Victoria accueillit poliment Zahra ce nouveau matin d'emprisonnement. Elle la salua même avec un petit sourire avant de s'asseoir et manger sans se faire prier.

— Oh combien je suis heureuse, miss Harris ! Je n'ai pas arrêté de prier pour vous tellement j'ai eu peur des funestes conséquences de votre grève de faim.

— Tu me trouves pathétique, je le sais.

— Loin de moi un tel jugement vous concernant, miss Harris. Cela dit, bien que j'en connaisse déjà la réponse, j'ai une faveur à vous demander.

— Une faveur à me demander à moi ?! La prisonnière démunie d'un tyran ?! Ironisa la jeune Anglaise avant de se ressaisir par respect à Oumi. Quoi donc ?

— Vous savez que vous pourriez obtenir des vêtements neufs et propres, et que...

— C'est hors de question ! Je ne veux rien de lui ! Il me nourrit déjà, c'est assez humiliant. Je ne vais pas lui permettre de m'habiller.

La sultane du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant