Réconciliation

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Habituellement, quand qu'il participait à l'opération du nettoyage et de la préparation de la grande mosquée d'Azima pour la prière du vendredi, Hicham vivait ce rituel familial comme un triste voyage dans le temps. Chaque tâche qu'il accomplissait lui rappelait un souvenir qu'il avait commencé à ressembler depuis ses six. Il revit son grand-père qui polissait religieusement l'estrade et la chaise en bois de l'imam, il entendit son père hurler des ordres précis aux autres bénévoles, il se vit courir et sauter avec son frère sur les tapis verts de la mosquée en attendant d'avoir l'honneur d'aider.

Hicham était le premier sultan Azimite à donner un aspect sacré à ce rituel familial. Il l'a même légitimé en lui consacrant des lois et des règles. Personne ne pouvait donc se douter que le sultan aurait tout donné pour échapper à cette tâche.

À chaque vendredi, il prenait douloureusement conscience du vide qui l'entourait en sentant l'absence de tous ceux qu'il chérissait encore. Pire encore, il avait la certitude qu'il les décevait tout pour sa mauvaise gestion de la nation qu'ils avaient bâtie de rien.

Ce vendredi là, Hicham se sentait étrangement fier et apaisé. Depuis son ascension au trône, c'était bien la première fois qu'il admettait enfin qu'il était à sa place, et qu'il était né pour régner. Certes, son inquiétude concernant la double menace interne et externe qui guettait Azima grandissait à chaque seconde, et sa soif de venger le sang de son frère et la vie gâchée d'Azima le poussait à commettre l'irréparable et risquer l'avenir de son peuple, et comme si cela ne suffisait pas, son amour pour Victoria lui miroitait de tout abandonner pour elle. Le sultan parvenait tout de même à garder le contrôle.

Plus qu'un espoir, Hicham sentit en lui la force d'aller au bout de tous ses objectifs. Il fera d'Azima une nation connue et reconnue comme souveraine, libre et indépendante, et il punira les meurtriers de son frère, à commencer par les instigateurs de ce lâche crime avant les exécuteurs.

Après la prière du vendredi, le premier conseiller d'Hicham s'approcha de lui pour lui murmurer à l'oreille la nouvelle qui l'espérait entendre.

Grâce au décalage horaire, le portrait de Victoria, en tant que sultane Asma, fut publié.

— Avez-vous fait parvenir cette information aux concernés ? Demanda le sultan.

— Tout comme vous l'avez ordonné, votre altesse. L'information est arrivée à leurs oreilles sans qu'ils sachent qu'elle vient de nous.

— Et alors ?

— Elle a eu l'effet escompté, votre altesse.

À son retour au palais, Hicham se précipita à l'étage royal pour retrouver Victoria après plus de quinze heures de séparation. Il imaginait déjà l'accueil houleux et glacial qu'il recevra, furieuse, chagrinée et blessée comme elle devait sûrement être.

Le sultan était loin d'ignorer qu'il l'avait blessée, abandonnée, et laissée seule dans sa souffrance. Il savait qu'il lui avait infligé le pire des traitements en dévoilant à son âme pure sa plus sombre facette. Il était néanmoins convaincu qu'il réussira à l'attendrir. Après tout, même en agissant étrangement, il n'œuvrait que pour la survie de leur amour.

En arrivant au couloir qui menait aux escaliers de l'étage royal, il aperçut, à son grand plaisir, sa mère qui l'attendait probablement en faisant des va-et-vient nerveux devant les deux géants qui repoussaient fidèlement intrus et malavisés.

À la vue de son fils, Cheikha Salima se précipita vers lui.

— Tu as épousé la meurtrière de ton frère ! Tu as osé prendre comme femme l'alcoolique qui a envoyé Zayd six pieds sous terre ! Tu es même allé jusqu'à lui changer d'identité et risquer l'avenir d'Azima pour cette criminelle !

La sultane du désertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant